Le monstre ~
~~ Final Fantasy X - Illusion
Grei et Baadal traversèrent de longues allées jonchées de verdure. C’était le retour de la forêt et il n’y avait pas d’escaliers de ce côté. Avec ce terrain en pente, tous ces arbres, ces buissons et ces feuilles éparpillés partout sur le sol, il était difficile de ne pas trébucher…
L’air était bon mais il était aussi bien plus fort à travers les courants qu’il y avait entre les arbres. De nombreux animaux sauvages se trouvaient de ce côté, des écureuils, des fouines et tout plein d’oiseaux. Le son de ces allées sonnait comme une douce mélodie aux oreilles de Grei, c’était la chanson des forêts.
Cela lui rappela la longue marche solitaire qu’il avait faite pour venir jusqu’ici. Grei aimait marcher mais il commençait à fatiguer et à s’impatienter…
— C’est encore loin ? demanda-t-il alors.
— Ne sois pas si pressé ! grommela l’Ancien. Et puis, ma hutte ne se trouve pas par là…
— Quoi ?! s’exclama Grei. Mais où va-t-on alors ? Dans la hutte de la fouine ?!
— Tais-toi un peu, sombre idiot ! Je vais te présenter une vieille connaissance !
Baadal s’arrêta près d’un grand arbre et commença à scruter ses branches. Pourtant, il n’y avait rien à y voir, pas même un fruit. Tout à coup, il se mit à frapper le tronc avec sa main. On aurait dit un vieux fou essayant de réveiller un arbre endormi. Et d’ailleurs, il s’exclama :
— Je sais que tu ne dors pas ! Ne me force pas à continuer à taper !
Il s’agissait peut-être d’une créature si petite que l’on ne pouvait pas la voir d’en bas mais Grei avait beau se concentrer, il ne voyait rien. C’est alors qu’une branche commença à se mouvoir toute seule, comme si l’arbre était réellement possédé. Grei eut la chair de poule.
— Tu m’embêtes ! parla une voix mystérieuse. Tu as ruiné mon sommeil, tu te rends compte ?
— Pour tous les services que je t’ai rendus, tu pourrais faire un petit effort !
C’était une voix puissante et profonde mais, surtout, c’était une voix féminine ! Cependant, la question que se posait Grei à ce moment-là était : « UN ARBRE QUI PARLE ?! »
Jamais il n’aurait imaginé que la connaissance de l’Ancien Baadal soit un arbre vivant… Alors, il se rapprocha doucement de lui et lui demanda tout bas :
— Ce… Cet arbre est votre ami ?
Un rire résonna dans toute la clairière. Les oiseaux tranquillement posés sur les branches s’envolèrent tous subitement. Tandis que la forêt s’agitait, une silhouette commença à se dessiner au niveau de la branche qui avait bougé tout à l’heure… une silhouette animale !
Deux billes aux couleurs de jais plantées au milieu d’un visage rond et blanc fixaient les deux nuages en bas. Apparurent ensuite des pattes immenses avec des griffes acérées. Cette chose qui se tenait debout sur la branche était plus gigantesque encore que ce colosse de Duorukh. Elle devait aisément dépasser la barre des deux mètres.
C’était un véritable monstre. Si bien que, tout à fait inconsciemment, Grei s’agrippa à Baadal. Il était pris par de violentes sueurs froides.
— Un hibou… géant, marmonna-t-il.
Le visage de la créature se tourna brusquement vers Grei. Ses yeux étaient encore plus noirs et encore plus profonds que les siens, à tel point qu’il eut un léger vertige en les fixant.
— Attention à ce que tu dis, répondit sèchement l’animal géant. Je ne suis pas un vulgaire hibou de basse classe. Je suis une chouette effraie. Je suis la reine de ces monts et celle que l’on appelle la Dame Blanche ! Je suis Pari !
Une chouette effraie ? Grei n’était pas vraiment sûr de voir la différence entre un hibou et une chouette mais, il savait une chose : que ce soit un hibou ou une chouette, ce n’était pas censé être aussi énorme, encore moins pouvoir se rendre invisible et encore moins savoir parler !!!
Alors qu’elle fixait Grei, son visage pivota brusquement comme si elle tentait de se rompre le cou. Elle semblait assez agitée en voyant le nuage gris… Sa tête ne cessait de gesticuler dans tous les sens. Grei, lui, resta pétrifié et scotché à son compagnon. Il n’osa même plus reprendre la parole.
— Ton ami a perdu sa langue, ricana Pari.
C’est là que Grei se rendit compte qu’il tenait l’épaule de Baadal. Pris de honte, il le lâcha brusquement et détourna son regard. Après ce léger moment de gêne, il prit son courage à deux mains et se tourna fièrement vers la Dame Blanche.
— Je n’ai pas peur ! lui dit-il alors, plein de détermination.
— Mais je n’ai jamais dit que tu avais peur, répondit la chouette. Tu viens juste de l’avouer.
Baadal ricana discrètement en voyant l’expression de Grei se décomposer… On aurait dit qu’il venait d’apprendre que cette chouette était sa mère.
— Pari, nous nous rendons à ma hutte, déclara Baadal. J’ai besoin d’un service, s’il te plaît !
— Ah oui… un service, soupira Pari. Certes. Il y a juste un petit problème…
— Je t’écoute. Quel est le problème ?
— J’ai la flemme.
— C’est bien ce que je craignais… Allez, Pari ! Facilite-moi les choses pour une fois !
— Si tu m’avais ramené un spécimen un peu plus beau, peut-être que je t’aurais aidé mais là… on en est loin. Il est sûrement à ton goût mais il n’est pas au mien. Aide-moi un peu toi aussi ! Dis-moi pourquoi je devrais te rendre ce service !
— D’accord, soupira Baadal. Je te ramènerai du gibier avec de l’eau vivifiée la prochaine fois.
— Si tu as fini, je voudrais prendre congé. J’ai beaucoup à faire, tu sais ? Par exemple… dormir. Je te remercie quand même de ta visite. Ah et merci à toi aussi, le nuage tout raide, c’était…
— Du gibier tous les mois pendant un an !!! s’exclama soudain Baadal.
— Oh mais c’est que tu veux vraiment y aller à ta vieille cabane dis-moi ! Tu crois vraiment que tu peux m’acheter avec de la nourriture, Baadal ? Tu sais qui je suis, n’est-ce pas ?!
— Oui.
— Alors, je t’écoute… Dis-moi ce que tu veux que je fasse !
Quelques minutes après que Baadal lui ait exposé son problème, Pari prit son envol. D’un battement d’ailes, elle fit trembler les arbres et disparut dans le ciel. Décidément, Grei n’était jamais au bout de ses surprises avec l’Ancien. Cette chouette était extraordinaire. Et quel caractère ! Même Duorukh lui avait fait moins peur que la Dame Blanche…
— Ce monstre va aller nettoyer votre hutte ? demanda Grei. Qu’est-ce que ça veut dire ?
— D’abord, ce n’est pas un monstre, c’est une chouette effraie et son nom est Pari !
— J’ai déjà vu des animaux et ça ne ressemble pas à ça… Les chouettes ne font pas cette taille, elles ne se rendent pas invisibles et ne parlent pas ! À moins que son père soit une espèce de caméléon bavard ou je ne sais pas quoi !
— Tu marques un point ! répondit Baadal en riant. En vérité, c’est une magimale ! Les Magimals, comme les Elems, peuvent vivre plusieurs centaines d’années. J’étais ami avec son père, il y a longtemps. C’était son portrait craché, même physique, même caractère…
— Cela ne répond pas à ma question.
— Les Dieux auraient pu te faire moins idiot aussi ! ronchonna l’Ancien.
Étrangement, Grei sourit. Il avait pris l’habitude que l’Ancien lui réponde ainsi. Tout compte fait, il trouvait cela drôle. Aucun doute, notre héros n’aurait vraiment pas pu tomber sur quelqu’un de meilleur que lui pour être son guide…
— C’est vraiment rare de voir des magimals mais Pari vit ici depuis toujours, reprit l’Ancien Baadal. Elle aime le calme de la région et puis, surtout, c’est ici que son père est mort. Elle n’a jamais pu le quitter de son vivant. Elle était toujours collée à son papa… Même aujourd’hui, des années après sa mort, elle y est encore profondément attachée.
— Lorsqu’on la voit comme ça, on ne dirait pas qu’elle est si sensible…
— La première chose que tu dois retenir, petit… c’est que jamais, au grand jamais, il ne faut se fier aux apparences et aux premières impressions, et ce qu’il s’agisse d’un elem, d’une fouine ou d’une chouette ou de tout ce que tu veux ! Crois-moi, Pari est quelqu’un de bien.
— D’accord mais vous ne me dites toujours pas en quoi elle va nettoyer votre hutte !
— Avec l’âge, j’ai tendance à me disperser… Bon, en gros, il y a toutes sortes d’animaux sauvages qui élisent domicile vers là-bas et je déteste chasser les animaux, cela me fait mal au cœur… Les Magimals ont la capacité d’invoquer les esprits alors ça va être plus simple pour elle.
— Les esprits ?!
— AH ! s’écria Baadal. Que les Dieux me viennent en aide ! Je n’en peux plus de tes questions, gamin ! Donne-moi un peu de répit ! Nous parlerons de tout ça plus tard…
Grei n’insista pas mais il continua de rêver. Il avait tant à découvrir. Les autres elems, les Magimals, les Dieux et, maintenant, les esprits !
Après quelques minutes, ils arrivèrent enfin à destination : la hutte de Baadal. Elle ressemblait bel et bien à une simple cabane en bois toute délabrée. Sa taille était tout juste assez grande pour deux. Elle était si vieille qu’on aurait dit qu’elle était sur le point de s’écrouler. Il manquait même la porte…
Grei comprenait pourquoi Duorukh avait ri au nez de Baadal. Cependant, le nuage gris s’en fichait. Dormir à la belle étoile ne l’aurait pas gêné non plus… Lui n’était obsédé que par une chose : le monde et ses mystères ! Il était convaincu que les Dieux l’avaient fait naître pour une raison précise. Maintenant, il devait à tout prix la trouver !
Avant cela, il fallait qu’il comprenne pourquoi les nuages gris étaient considérés comme différents, voire nuisibles. C’était le premier pas vers les réponses qu’il cherchait. L’histoire de Nephelia, l’histoire des nuages gris, l’histoire du monde. Il fallait qu’il sache !
— Attends-moi là un instant, ordonna l’Ancien Baadal, tirant Grei hors de ses pensées. J’ai une petite surprise pour toi…