Dieux et Elems ~
~~ Naruto - Alone
Grei était assis, isolé dans un coin, sous l’ombre d’un arbre. Plus loin devant, il y avait le bâtiment le plus important de Nephelia juste après la tour. Ce bâtiment ressemblait à une maison à trois étages ayant été allongée sur un vaste terrain. Baadal lui avait demandé de patienter et était entré dans cet immense édifice qu’il appelait le Réservoir.
Il lui avait juste dit qu’il y avait à l’intérieur des « guérisseurs » et qu’ils y produisaient une eau unique, une eau magique ! Grei, grand curieux, voulait entrer et voir cela de ses propres yeux mais il avait bien compris qu’il était une gêne…
Il était bien décidé à comprendre la raison pour laquelle les nuages gris étaient considérés ainsi. Ce n’était pourtant qu’à une couleur près… Même pas, ce n’était qu’une nuance différente ! Alors pourquoi ces réactions ? Et pourquoi le chef haïssait-il tant les nuages gris ?
Sûrement en existait-il d’autres… La réponse de l’énigme, cela devait être eux !
Alors qu’il réfléchissait, un petit objet boisé traversa les feuilles de l’arbre qui l’abritait et vint s’écraser sur son visage. Il ne sentit presque rien mais, surpris, il sursauta comme s’il s’était réveillé d’un cauchemar. Alors, il ramassa ce qui ressemblait à une petite balle. Elle avait beau faire la taille d’une orange, elle avait le poids d’un grain de sel.
— Hé, donne-moi ça ! entendit-il tout à coup.
Un tout petit être flottait juste au-dessus de lui. C’était une enfant. Elle lui tendait la main pour qu’il lui remette sa balle, ce qu’il fit sans réfléchir. La réaction de cette gamine était tout de même assez curieuse. Elle ne semblait nullement effrayée… Pour autant, elle continuait à regarder Grei avec insistance. Ce dernier afficha alors un sourire crispé.
— T’es un nuage gris, non ? demanda-t-elle finalement.
Le sourire de Grei disparut dès lors. Il hésita un instant à répondre à cette question, craignant la réaction de la petite. Toutefois, son apparence ne mentait pas… Il répondit donc :
— Oui, c’est cela… Je m’appelle Grei.
— Moi, je m’appelle Urnaa ! répliqua-t-elle avec enthousiasme. C’est la première fois que je vois un nuage gris ! Dites, est-ce que t’accepterais de m’accompagner là-bas pour que je te montre à mes amis ?! Ils ne me croiront jamais sinon !
— Eh bien, je… je ne sais pas trop, balbutia Grei. Non… Désolé… J’attends l’Ancien Baadal et il m’a demandé de ne pas bouger d’ici.
— Oncle Baadal ? Je le connais bien ! En fait, nous le connaissons tous ! Bon… Eh bien, est-ce que tu pourrais revenir ici ce soir, à l’heure où nous aurons fini l’école ?
— Euh… Nous allons sortir de la cité et nous allons probablement rester dehors un moment. Je ne pense pas que je pourrais revenir ici ce soir.
— Ah ! s’exclama soudain Urnaa. Je sais où vous allez ! À la cabane d’Oncle Baadal ! C’est ça, hein ?! Bon, on viendra là-bas alors ! Je suis sûr qu’Oncle Baadal sera content de nous voir !
— Je ne sais pas trop, hésita le nuage gris. Enfin, si tu le veux tellement, peut-être que…
— T’es sympa ! l’interrompit la petite. Mais c’était pas une question… Alors, à tout à l’heure !
Puis elle s’envola, un sourire géant dessiné sur le visage. Quant à Grei, il resta figé sur place se demandant ce qui venait de se passer.
C’est à cet instant que l’Ancien se décida à sortir du Réservoir. Il portait un sac si usé qu’il semblait être passé par tous les habitants de Nephelia. Avant que Grei ne puisse dire quoi que ce soit, Baadal lui lança une grosse calebasse en bois.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Grei en rattrapant l’objet au vol.
— Une gourde d’eau vivifiée.
— Il y a une différence entre l’eau que vous produisez et celle-ci ?
— Complètement, dit Baadal en souriant. Notre corps produit de l’eau en permanence mais c’est une eau douce tout à fait basique. Ici, les guérisseurs travaillent durement pour produire l’eau vivifiée qui est le produit de l’eau des puits, contenant des minéraux uniques, et de l’énergie vitale de nos guérisseurs. Sans ces minéraux facilitant le mélange, pas d’eau vivifiée !
Grei n’avait pas tout suivi… Cependant, une chose était vraie. Cette eau n’était pas comme les autres… Il ouvrit la gourde, la porta jusqu’à sa bouche puis il but une toute petite gorgée. Il ressentit alors une nouvelle sensation… C’était comme si de l’air frais était entré en lui, comme si un peu de vie était entrée en lui !
Il ne venait d’en boire qu’une infime quantité qu’il s’arrêta net. Il eut l’impression d’être devenu surpuissant, l’impression qu’il pourrait tenir des mois sans se fatiguer.
— Comme les animaux, nous avons besoin de nous ressourcer, reprit Baadal. Moins qu’eux, certes, mais nous nous devons tout de même de manger et de boire ! En buvant cette petite gorgée, c’est comme si tu venais de prendre trois repas complets. Encore mieux, cette eau est connue pour guérir de presque tous les maux ! Elle est convoitée par le monde entier, gamin !
Le vieux nuage blanc ouvrit son sac pour montrer à Grei ce qu’il y avait dedans.
— J’ai ici des fruits, des légumes et trois autres gourdes, cela suffira amplement pour les semaines à venir ! Enfin, c’est surtout toi qui vas en avoir besoin…
Grei paraissait l’écouter. Pourtant, ces mots entraient et ressortaient de sa tête aussitôt. Il était encore sous le choc après avoir bu l’eau vivifiée. Toutefois, voyant que son compère lui faussait déjà compagnie, il se dépêcha de le rattraper.
Il en était fini des trajets en nénuphars, ils resteraient à pied jusqu’à cette fameuse cabane, comme l’avait appelé la petite Urnaa. En revanche, le chemin qu’empruntait l’Ancien était étrange. Il passait par de petites ruelles isolées et faisait de larges détours.
— Nous n’allons pas vers la sortie ? demanda Grei.
— Je sais que tu te sens mal donc je prends des chemins où il n’y a personne.
Il avait réussi à déceler les émotions de Grei sans même qu’il ne dise quoi que ce soit. C’est ici que le nuage gris se rendit réellement compte de la sagesse de Baadal. En revanche, il pensa alors qu’il n’était qu’un fardeau pour l’Ancien. Il regretta d’être venu à Nephelia. Baadal l’avait pourtant prévenu…
— C’est tout à fait normal ! s’exclama le vieux nuage blanc. Tu ne peux être à l’aise avec quelqu’un que s’il est lui-même à l’aise avec toi. Quelqu’un dans la gêne t’amènera dans la gêne avec lui. Le comportement est une chose qui aime se refléter. Les sentiments des gens d’ici t’ont touché et cela a fini par te tendre. Ce que je veux dire, c’est que tu n’as pas à t’en vouloir.
— Ancien Baadal, merci pour ces mots… mais je ne peux pas accepter votre aide si vous en avez à payer le prix. Non, je refuse ! Alors, je vais sortir moi-même de la cité, je m’en irai loin d’ici et je ne reviendrai jamais !
— Arrête un peu d’être un sombre idiot et d’avoir ces pensées sombres et idiotes ! C’est mon choix, pas le tien. Je l’assume complètement et c’est ainsi que je veux le faire. Ce n’est pas un nouveau-né comme toi qui va me dire ce que je dois faire quand même !
Il était tout aussi incroyable que ce personnage puisse être si gentil, tout en restant si agaçant. Cependant, Grei savait que c’était quelqu’un de bon et de sincère au fond. Finalement, cela l’amusait un peu. Il finit carrément par sourire devant l’expression renfrognée de Baadal.
Maintenant, il voulait savoir pourquoi les nuages gris étaient à ce point mal-aimés mais quelque chose lui disait que cette question n’était pas à poser, comme si c’était un sujet tabou… Alors, il ne demanda rien à ce propos pour l’instant. En revanche, il demanda :
— J’ai vu des nuages beaucoup plus petits que moi… Pourquoi sont-ils si petits ?
— Des enfants ? Ils sont à l’école normalement… Si tu en as vu un, c’est qu’il est sorti en douce pendant la récréation… Enfin, bref, dis-toi juste que nous ne choisissons pas notre destinée.
— Notre destinée ? répéta Grei, confus.
— Nous naissons tous à des stades différents. Certains naissent en tant que jeune adulte, comme toi, certains naissent enfants… Il y a de tout ! Beaucoup plus rarement, il y en a même qui naissent déjà vieux ou alors tout petits, en tant que bébés ! Moi, j’ai vécu enfant par exemple. Toi tu ne vivras jamais cette période-là de ta vie !
— Mais… c’est INJUSTE ! s’écria Grei. Cela veut dire que moi je ne connaîtrai jamais l’enfance et que dans quelques années je serai déjà comme vous ?!
— Calme-toi, voyons, dit Baadal en souriant. Estime-toi heureux avec ce que tu as. Et puis, à partir de l’âge adulte, nous évoluons beaucoup plus lentement. Toi, tu es encore bien jeune !
— Attendez… Cela veut dire que d’autres peuvent naître à des moments où leurs vies sont déjà proches de la fin ?
— Eh oui, c’est bien cela, gamin. C’est la nature des Elems. Nous ne choisissons pas notre destinée. Tout ce que nous pouvons faire, c’est faire des efforts pour la rendre la plus belle possible. Sur cette terre, chacun a sa part à jouer, même nous, les vieux !
— Elems ? Je croyais que nous étions des nuages !
— Les nuages ne représentent qu’un peuple elemien parmi tant d’autres ! Avant d’être un nuage, je suis avant tout un elem. Il existe des elems bien différents de nous autres elems nuages. Pour l’instant, tu n’as vu qu’une infime partie de la vie… Crois-moi, petit !
— J’aimerais en savoir plus ! J’imagine que vous, vous avez vu tout cela de vos yeux !
— En effet mais… c’était il y a longtemps. Il y a des contrées que tu ne peux même pas imaginer, des peuples tellement incroyables…
— C’est tout de même bizarre cette manière dont nous, les Elems, prenons vie… Maintenant, j’en suis persuadé. Il doit y avoir une raison à l’existence de tous ces peuples et à la mienne aussi. Cette destinée dont vous parlez, il y a sûrement quelque chose derrière !
— Oui et moi je sais ce qu’il y a, dit l’Ancien en pouffant de rire.
— C’est quoi ?! demanda Grei avec les yeux qui brillent.
— Pas « c’est quoi » mais plutôt « c’est qui » ! Ce sont les Dieux qui sont responsables de tout cela. Tiens, puisque tu es si enthousiaste, je vais te faire une promesse. Après la réunion du conseil, si Duorukh t’accepte au village, je t’emmènerai jusqu’à eux !
— Les Dieux ?!
Alors, sans dire un mot, l’Ancien Baadal pointa le ciel du doigt puis il continua de marcher sans rien dire de plus. Des Dieux ? C’était donc eux qui l’avaient fait venir ici, sur ce monde ? Voilà que Grei se remettait à rêver !
De nouvelles questions venaient de s’ajouter à la pile. D’autres contrées, d’autres villages, d’autres peuples et maintenant… des Dieux ! Maintenant que Baadal lui avait fait cette promesse, Grei n’avait plus qu’une seule hâte : que le jour du conseil vienne !
Enfin, sans qu’il ne s’en rende compte, le vieux nuage blanc le conduisit à une petite porte au milieu des remparts, totalement cachée par des arbres, des buissons et, surtout, sans aucun soldat pour la garder. Ainsi, nos deux amis quittèrent la cité de Nephelia.
« Chaque pas du nuage gris le rapproche des réponses !
Mais avant cela, Baadal lui réserve encore quelques surprises… »
