Mon espoir - Partie 4
Je les ai retrouvées avec joie, même si quelque chose avait changé en chacune de nous à cause de cette séparation.
Ma nouvelle amie s’était trouvée un amoureux. Elle partagea son temps.
Nous étions toutes à la fois contentes pour elle et en même temps un peu tristes et déçues de la voir partir ainsi. Elle n’était pas partie, mais elle s’était plus ou moins éloignée dans nos cœurs. Cela me rappelait mon amie d’avant avec un peu de peine.
Je retrouvais la bibliothèque comme elle avait été laissée.
Le responsable temporaire me dit bonjour l’un de ces premiers matins où j’attendais devant la porte qu’il ne l’ouvre.
Nous reprîmes le rythme habituel avec nos discussions du soir à a bibliothèque. J’avais du mal avec les discussions portant sur le sujet amoureux vu mon passif et l’héritage maternel. Notre amie elle était toute contente. Nous étions réservées, moi en particulier.
Au fil du temps, les venues furent moins régulières à la bibliothèque. Surtout pour ma nouvelle amie, puis aussi pour sa première amie par la suite.
L’entente restait bonne, mais notre amitié avait passé son apogée avant l’été très probablement.
Nous allions doucement évoluer vers autre chose avec plus ou moins de nostalgie.
La première amie fut probablement celle qui vécut le plus mal ces changements. Elle se fâchait de plus en plus souvent, contre quelqu’un ou quelque chose, se rapprochant de plus en plus de nous.
Si je pouvais être aimable et faire preuve de prévenance envers les plus faibles, je me sentais démunie face à elle et ses inquiétudes.
Je ne pouvais pas lui faire miroiter un retour aux situations passées, ni lui dire d’abandonner ses espoirs. Je ne pouvais pas me résoudre à provoquer une fin, la laissant alors face aux peurs qu’elle redoutait. Celle en un sens de nous perdre.
Mais sans savoir comment agir, elle se débattait maladroitement, glissant inexorablement vers cette fin redoutée.
Nous ne pouvions pas vraiment l’empêcher. Je crois.
Nous la réconfortions comme nous le pouvions. Je ne savais pas à quel point elles étaient conscientes ou non de cette situation un peu inéluctable.
Peut-être étais-je seulement incapable de les aider comme elles l’auraient mérité.
Leurs absences démarquèrent la deuxième amie petit à petit. Elle était la plus discrète du trio.
On ne savait souvent pas vraiment ce qu’elle pensait, car elle pouvait être assez taciturne, comme dire des choses farfelues sans crier gare. C’est à elle que je ressemble un peu.
Quand elle parlait sérieusement, son regard devenait transperçant pour moi, presque glaçant, tandis que sa voix devenait tout aussi franche et affirmée. C’était le jour et la nuit en impressions données.
Elle montrait ses deux traits de caractère à tour de rôle selon les circonstances et son humeur du moment.
Plus que par sa personnalité difficile à saisir pour moi, elle se démarqua plus simplement en étant celle qui venait le plus souvent me tenir compagnie à la bibliothèque le soir.
Juste nous deux, les deux plus timides, de plus en plus souvent.
Nous parlions peu les premières fois, un peu gênées sans nos amies sociables pour nous regrouper.
Un jour elle me demanda si elle pouvait s’asseoir à côté de moi. J’étais d’accord. Elle quitta sa place habituelle face à moi et vint à coté, où une amie absente n’était plus.
Tranquillement, l’atmosphère s’adoucissait entre nous et nous devenions amies plus proches.
Nous laissâmes nos deux autres amies s’éloigner et partir, nous rapprochant l’une de l’autre en échange.
Un soir je lui demandais pourquoi elle revenait à la bibliothèque presque aussi souvent que moi.
Elle me répondit avoir vu à force d’habitude ce que moi-même y trouvait de charmant. Au début, l’endroit lui déplaisait comme à toutes, mais avec le temps, en venant me voir et plus encore en m’entendant partager ce goût pour l’endroit, ses ombres, son calme, ses lueurs... Elle avait fini par voir cela, y trouver goût, jusqu’à souhaiter d’elle-même revenir à cet endroit.
Cette atmosphère calme et mélancolique, entre culture et nature, elle y avait doucement prit goût. Elle me dit en plaisantant que c’était comme si je l’avais séduite lentement. Elle riait.
Nous commençâmes à passer plus de temps ensemble à partir de cette époque là.
A la bibliothèque avant tout, mais un peu en dehors aussi parfois.
Il nous est bientôt arrivé de nous retrouver en ville ou ses environs, pour une promenade ou une autre.
Sur sa curiosité, contre toute fierté personelle, j’acceptais même un jour de l’inviter chez moi.
Un soir où j’étais sûre que ma mère ne serait pas là, je l’invitais à diner là.
Elle eut l’air surprise en découvrant l’endroit et notre misère. Elle n’en dit rien sur le moment, polie.
Une petite salle d’eau, une petite cuisine avec placard. Les deux donnaient sur une salle à vivre avec vaie vitrée en lieu de balcon. Deux petites chambres de l’autre coté.
J’existais là un tiers de ma vie, depuis quinze ou seize ans désormais.
La peinture des murs se décollait là où elle n’était pas couverte de poussière.
Je lui déclarais avec un peu d’amertume que c’était comme la bibliothèque, je n’avais pas le droit d’y être chez moi, et avais donc renoncé à aider à l’améliorer.
Je lui présentais l’endroit où un tiers de ma vie s’était écoulée, avec ces mots précisément.
Mon amie avait l’air un peu rapetissée par la gêne, attristée par ce qu’elle découvrait mais tenant sa langue.
Elle avait imaginé autre chose.
L’appartement n’avait ni ordinateur ni télévision. Un téléphone d’un autre siècle prenait la poussière à coté d’une plante verte et d’une pile de journaux.
C’était peut-être une vie étrange pour elle, mais coutumière pour moi.
Je lui montrais finalement ma chambre, sans réaliser ce qu’elle représentait.
Elle eut l’air encore plus horrifiée par ce qu’elle découvrait.
Le reflet de mon âme était encore plus vétuste et délabré, mais surtout vide.
Je n’aimais pas accumuler de biens superflus, et tout était superflu.
Ma chambre ressemblait à ses yeux à une cellule de prison, à part que j’y vivais seule et que la fenêtre était grande ouverte.
Je n’avais ni photo, ni dessin, ni poster, ni plus beaucoup de peinture sur les murs. Je les avais poncés une fois, mais jamais je n’avais put obtenir la peinture pour les repeindre. Cela leur donnait des motifs un peu végétal à mes yeux, les anciennes couches de peintures plus ou moins écaillées et passées se disloquant aléatoirement.
Je trouvais du moins. Je ne crois pas qu’elle vit les choses comme moi à ce moment là.
Je ne possédais rien que mes cours et quelques livres égarés, bien rangés sur un petit bureau rapiécé. J’avais des vêtements pour une semaine dans mon placard à moitié vide.
J’aimais bien avoir du vide. C’était quelque chose de réussi pour moi d’avoir du vide, de la place.
Je lui montrais mes seules possessions un peu plus intimes, dans un tiroir entrouvert du bureau.
L’argent qu’il me restait de l’été passé et les médicaments que j’achetais avec pour soulager ma peine.
En la regardant à ce moment là, je compris enfin que je la choquais plus qu’autre chose.
Elle s’assit sur mon lit et se mit à pleurer en cachant son visage entre ses mains.
En fait je n’ai pas compris immédiatement pourquoi elle pleurait.
Elle me l’expliqua un peu pendant que j’essayais de la consoler.
Elle me demanda de parler, de la rassurer sur mon sort ; de lui dire que je n’étais pas résignée sur ma condition. Elle voulu que je lui parle de mes rêves, d’où je voulais partir vivre un jour, et d’autres choses éloignées.
Je répondis de mon mieux, mais je ne comprenais pas bien quoi lui répondre.
Idéalement, j’aurais voulu faire de la politique, mais j’y croyais peu désormais. Chaque année j’y croyais un peu moins. Je ne savais pas où je voulais partir vivre plus tard. Peu m’importais je crois.
Je lui avouais que la seule chose que j’ai désiré depuis mon entrée au lycée, c’était de m’approprier le havre que j’avais trouvé en cet endroit chargé de papier. Elle me regarda avec des yeux humides et plein d’inquiétude.
Autre chose vibra dans mon torse et s’échappa hors de ma gorge. La vérité.
Depuis plus longtemps que ça encore, mon seul souhait avait été de trouver une amie en qui je pouvais avoir confiance. Une amitié capable de m’apaiser et de calmer mes peurs.
Moi aussi j’avais envie de pleurer, et de hurler. Depuis toujours.
Je ne pouvais pas.
Mon conditionnement me l’interdisait. La douleur restait.
Elle me prit dans ses bras et me serra contre elle. Elle sanglotait et c’était plus elle-même que moi qu’elle voulait rassurer en faisant cela.
Le vide de ma vie lui avait fait terriblement peur.
J’avais déjà put mesurer mon retard, intellectuel, social, psychique, affectif, économique, physique, et pourquoi pas spirituel aussi.
J’étais un peu résignée, si. Mais je n’avais pas perdu espoir de trouver une vie meilleure à l’avenir. Une vie qui me plaise.
Elle me serrait le dos en sanglottant. Je me sentais un peu absente. Je ne savais pas quoi penser ou comprendre de sa tristesse pour moi.
Je m’excusais de lui avoir fait de la peine, à défaut de meilleure idée sur quoi dire. Cela la fit rire entre deux sanglots.
Non, non, non, dit-elle. Je n’y étais pour rien. Ce n’était pas de ma faute, elle répéta.
Je ne me souviens pas exactement de quoi nous avions discuté ensuite, mais nous avons parlé très très longuement.
Jusqu’à la nuit, et qu’elle décide de dormir là plutôt que de rentrer chez elle, même si elle suffoquait un peu à cet endroit qu’était ma chambre.
D’abord sur un matelas, elle a fini par dormir avec moi, en tenant de mes bras contre elle. Elle avait peur.
Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi elle m’affectionnait comme cela. Elle finit par s’endormir serrée contre moi, qui avais désormais trop chaud pour arriver à dormir.
Je n’avais pas l’habitude de ce genre de contact ni de cette chaleur contre moi. J’étais mal à l’aise.
~
Le matin arriva doucement après cette nuit inhabituelle. Elle se réveilla vaguement en me serrant contre elle, le visage niché dans ma poitrine.
Cela me laissait assez insensible et perplexe. Elle crut encore une seconde que mes seins étaient un oreiller avant de réaliser, de sursauter et de bondir.
Moi je refermais mon pyjama ouvert un peu par elle en dormant et du reste par moi qui avait trop chaud. Elle avait l’air terrifiée une nouvelle fois en me regardant, mais la peur était différente de la veille.
Elle se confondit en excuses qui me firent rire. Je lui dis que je ne comprenais pas pourquoi elle s’en voulait autant.
Pendant que nous prenions le petit déjeuner, elle s’excusa de nouveau, un peu empourprée encore. Je lui pardonnais sans réfléchir, et elle s’intérogeait bientôt à l’inverse sur pourquoi cela ne m’avait pas dérangée.
La moitié de la réponse était encore tout autour d’elle, elle le réalisa.
A cet endroit où je vivais. Mon corps était devenu similaire. Sans intérêt.
Ce n’était pas une idée qui me réjouissait, mais je lui accordais qu’elle avait probablement raison. Une partie de moi n’arrivait plus à accorder une juste importance à ma personne, ma propre personne et mon environnement.
L’idée était tout de même à tempérer, car déjà j’avais mal dormi, et ensuite parceque je n’aurais jamais put laisser quelqu’un d’autre s’approcher autant de moi sans qu’une peur viscérale ne me raisonne.
Elle s’excusa encore et fit un sourire amusé et timide, comme si je l’avais flattée.
Elle buvait son bol de lait chaud sucré d’une traite ensuite.
Il lui arriva de repasser chez moi, une fois le choc initial digéré, et même de rencontrer brièvement ma mère.
Elle s’habitua rapidement à l’ambiance délabrée qui régnait chez moi et dont je me désintéressais ; même si elle maintenait qu’il régnait quelque chose de morbide plutôt que charmant comme à la bibliothèque.
Les deux n’avaient rien à voir.
Et je luis répliquais sans hésiter que je me sentais plus à l’aise à la bibliothèque le soir, que dans mon véritable chez moi. C’était aussi pour cela que j’y restais aussi longtemps et autant.
Une autre nuit où elle s’endormait près de moi, mais sans m’étouffer pour une fois, elle me dit quelque chose d’un peu étrange. Elle regardait le plafond et la fenêtre. Elle me dit qu’elle comprenait mieux d’où je venais désormais, et également où je voulais aller.
Où voullais-je aller ?
Cette question me fit rêver d’une route, une très longue route à parcourir. Elle devenait sentier, étendu à l’infini, dans des climats grisâtres et pluvieux. Je traversais des champs, des prairies, des colines, des montagnes, des bois clairsemés et de sombres forêts.
Je suivais sans faillir ce sentier immense et déserté. Je voulais voir où il me menait.
Au bout du chemin, au moment où j’allais l’atteindre, je me réveillais, un peu décue.
A coté de moi mon amie dormait, le corps tout relaché et inoffensif. Elle me montrait une forme de confiance que je n’avais pas encore considérée.
Je ne la réveillais pas, et décidais ce matin là pour la première fois de rester un peu plus longtemps à rêvasser sous les draps.
~
Nous nous promenions parfois dans les bois, ou autour des cultures environnantes.
Nous parlions parfois un peu de cette soirée où elle avait découvert ma chambre pour la première fois. Elle ne s’en était jamais entièrement remise de ce choc. Elle me voyait un peu comme une prisonière, qu’elle rêvait d’aider à s’évader désormais. Mais elle me le répéta, ce qui l’avait effrayée et attristée, plus que l’état des lieux miséreux, c’était le vide et la résignation.
- J’ai cru...Que tu étais vide à l’intérieur.
Que mon esprit soit aussi vide que ma chambre et aussi triste qu’une cellule vide.
Que je sois un genre de monstre en un mot.
Mais heureusement, de notre amitié et de tout ce qu’elle m’avait entendu exprimer, elle savait que j’étais plus que cela. Elle savait que j’avais des envies, des rêves, de la personnalité qui s’opposait au néant. Elle avait bien compris que j’avais vécu en tentant de dépasser ce qu’elle appellait le vide. Ni résignée, ni désespérée, même si terriblement éloignée de la normale des gens optimistes apparemment.
Cette vision de l’abîme l’avait vraiment remuée, mais n’avait pas alteré l’amitié qu’elle me portait. Au contraire même.
Elle voulait s’assurer que je m’en sorte, et m’y aider. Pour moi-même et pour se rassurer aussi. Mon bien être la rassurerait quelque part vis-à-vis d’elle-même. C’était une idée intéressante pas fondamentalement altruiste mais qui le devenait dans les faits.
Ses peurs étaient différentes des miennes car je ne me sentais pas choquée de ma chambre. Mais si la rassurer, l’apaiser, passait par une amélioration de ma condition et de mon bien être, nous formions alors définitivement une bonne équipe. Le bien de chacune aidant les deux.
Et puis il n’y avait pas que cela. Il n’y avait pas que sa peur à apaiser pour nous réunir, comme l’état de ma chambre ne reflétait certainement pas toute ma personnalité.
Si elle était restée et revenue, si elle avait pleuré sur mon sort, c’était aussi parcequ’une affection sincère envers moi s’était manifestée en elle. Au point de la faire revenir vers moi et revoir ses peurs au lieu de s’en détacher et de partir ailleurs.
Son affection surpassait ses peurs et cela me touchait. Similairement, je lui faisais toujours plus confiance alors que mes premières impressions m’avaient mise mal à l’aise par la peur qu’elle m’inspirait.
Je ne la voyais plus comme au premier jour au point de me deamnder comment elle avait put tant changer. Un doute qui n’avait pas vraiment de sens car toutes nous avions évoluées. Même nos relations avaient évoluées.
Même quand elle retrouvait son attitude très sérieuse, je ne la voyais pas aussi effrayante qu’elle ne m’avait semblait l’être autrefois.
~
L’année allait bientôt se terminer et nous nous entendions bien. Elle allait partir tout l’été. Moi je prévoyais de retourner travailler, mais pas que de nuit cette fois.
J’avais gardé quelques cheveux blancs en mèche depuis la dernière fois. Elle les avait remarqué et découvrait encore avec un frisson leur origine. Elle me fit lui promettre de ne pas me négliger de la sorte cet été là.
J’acceptais sans y voir de problème, je ne voulais pas non plus présumer de mes forces une nouvelle fois.
Je lui proposais pour l’un des derniers soirs de lycée une nuit de camping incongru. Je lui avais offer l’idée de renouveller mon expérience d’une nuit passée à la bibliothèque.
Une drôle d’idée, mais qui s’apparrentait à une invitation à venir passer la nuit au véritable chez-moi.
Celui qui en dépit des similarités avec ma chambre ressemblait plus à ce que je souhaitais avoir. L’endroit exprimait beaucoup plus ma personnalité que ma chambre ne le pouvait.
Elle avait comme moi amené un sac bien plus gros ce jour là. Nous n’avions pas proposé à nos deux amies de nous rejoindre, nos liens s’effilochant encore.
Nous nous laissâmes enfermer un soir d’orage estival.
Un ciel magnifiquement contrasté couvrait l’horizon.
Tout se déroula comme prévu. Elle avait apporté un matelas gonflable de camping, principalement. Moi des vivres et des petites lampes surtout.
L’orage égaya prodigieusement la soirée qui s’était annoncée plutôt tranquille autrement. Nous n’avions pas besoin de faire attention à être discrètes avec la tempête. C’était un spectacle théatral dont nous profitions cachées là.
Nous installâmes notre camp dans le coin reculé de la bibliothèque. Mon amie découvrit la douceur de l’obscurité, même si pour elle ce n’était pas quelque chose de rassurant à la base. Elle s’y habitua et se mit doucement à voir les mêmes charmes que moi dans la pénombre et le noir.
Les formes douces dans les ombres. La sérénité, l’apaisement. Les sensations d’endormissement qui incitent à rêver tout en restant éveillée. Rêver, espérer.
Elle me fit part qu’elle ne m’avait pas crue, la première fois où je lui avais dit que j’arrivais à voir de l’espoir dans l’obscurité. Et qu’elle en était encore surprise ; mais qu’elle arrivait un peu à le voir aussi désormais. Nous avons rit.
Oui il y’avait de l’espoir pour moi dans le noir.
Tout comme je voulais vivre mieux, tout comme elle.
Je lui demandais son rêve enfin.
Elle sourait, allongée à coté de moi. Son rêve, son vieux rêve lui apparraissait. Elle me murmura l’avoir enfin à portée d’elle.
Elle se redressa pour se pencher vers moi. Elle a hésitée pendant une seconde où j’ai douté aussi. Nous voyons légèrement le visage de l’autre dans l’obscurité. Elle posa ses lèvres sur l’une de mes joues pendant quelques secondes étranges. Elle se décolla avec inquiétude, nerveuse.
Je me laissais faire sans réagir. Je me sentais toujours calme bizarrement, même si j’étais étonnée. Le contact m’avait chatouillée mais pas effrayée.
Elle m’embrassa sur le front avant que je ne le réalise, puis l’autre joue. Elle s’arréta là après car elle commençait à paniquer.
Je comprenais que mon absence de réaction l’inquiétait. L’idée de l’embrasser ne me passait pas par la tête je me souviens. Mais je la sentais soudainement très inquiête et je voulais la rassurer. C’était à peu prés tout ce que j’étais capable de comprendre et gérer alors.
Je l’ai enlacée et gardée entre mes bras, contre moi. Je sentais légèrement son cœur battre rapidement. Elle avait peur, mais je ne comprenais pas bien de quoi encore.
J’espérais que l’enlacer pourrait l’apaiser. Elle ne pleurait pas mais avait de la peine à respirer.
Ses désirs et ses peines, ses rêves, elle commença enfin à les partager. Elle s’exposait comme si elle se dénudait, désarmée devant moi. C’était désormais plus que de la confiance qu’elle m’accordait, et plus que de l’amitié qu’elle ressentait pour moi.
J’avais voulue une amitié, elle avait voulue beaucoup plus que cela.
Mais son rêve s’était heurté à sa préférence interdite en plus de sa timidité.
Elle me demandait si elle m’avait dégoutée.
Je ne voyais honnêtement pas pourquoi c’eut put être le cas. Cela la fit rire un peu.
Elle me dit que je pouvais paraître très froide dans les moments graves, mais que mon fond comme mes actes restaient invariablement chaleureux. Je lui répondais qu’elle me tenait chaud, continuant de la serrer contre moi. Cela la fit rire de nouveau. Elle s’excusa et me remercia, se séparant de mes bras. Sa silhouette se détachait dans l’obscurité.
Elle attendait quelque chose ou cherchait ses mots. Elle me demanda si je pourrai aimer une fille. La question n’avait pas de sens pour moi. Je lui répondis que je ne m’étais jamais posée la question de qui je pouvais aimer ou pas.
Je commençais enfin à comprendre qu’elle était probablement amoureuse de moi. J’avais été bien lente à le réaliser.
L’été arrivait. Elle avait peut-être eu peur de me perdre, par cette longue absence ou à l’inverse en se précipitant et me dégoutant.
Elle ne voulait pas me perdre. Je réalisais là quelque chose qui me touchait, même si l’amour entier me restait encore étranger.
Je lui ai dit que l’amour était encore un peu tôt pour moi, mais qu’elle était déjà l’humaine que je préférais.
Mes mots étaient sûrement maladroits. Je lui promettais que l’on se retrouverait après l’été si c’était ce qui l’avait inquiétée.
Je lui dis que je ne la laisserais pas. Désormais nous comptions l’une pour l’autre.
Elle me dit timidement qu’elle ne pouvait pas me promettre la richesse, la santé, ni même le bonheur ou l’amour éternel. Qu’elle n’avait peut-être pas beaucoup à m’offrir, mais qu’elle voulait m’aimer pendant au moins les vingt années à venir.
Elle m’avoua bien plus tard qu’elle n’avait pas prévue de tout m’avouer cette nuit là, mais je comprenais bien que ces idées avaient dut la tourmenter depuis fort longtemps. Comme des peurs, à cause de la peur de me perdre, et celle de tout perdre.
Je l’ai rassurée en la ramenant près de moi. Comme je lui redisais, l’amour était encore un peu tôt pour moi, mais moi aussi je souhaitais avoir sa présence à elle auprès de moi désormais.
Elle n’était pas entièrement apaisée mais elle s’en contenta. Elle me dit en me tenant une main qu’elle patienterait.
Je l’invitais à revenir dormir contre moi, vu que cela semblait lui plaire. Elle accepta avec joie.
Son visage posé contre moi, elle me dit apprécier le rythme toujours très calme de mon cœur battant. Il n’était pas toujours si lent évidemment. Mais à cet endroit, à ce moment et avec elle, je m’apaisais.
Je lui caressais un peu les cheveux, machinalement. Je n’étais pas si mal comme ça.
La nuit était agréable, même si l’heure présente avait été riche en émotions.
Elle s’endormit rapidement. Moi un peu plus tard.
J’eu le temps de penser un peu à l’amour dont elle rêvait. Moi je n’avais pas pousséencore mes réflections et désirs jusque là.
Il était temps de commencer à y songer, pour elle, pour son propre bien être, autant si non plus que du mien.
Je m’endormis en regardant l’orage s’abattre sur les fenêtres. La nuit était si belle que j’en sourais. Cette sensation que tout à l’extérieur disparait, le temps d’une nuit d’obscurité, c’était renforcé par le temps exécrable. C’était beau, vu de cet abris agréable.
Je rêvais bientôt à mon tour.
Peut-être découvrais-je une fin au chemin par amour.
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