Ma jeunesse - Partie 2
Aux vacances, j’aidais ma mère dans son travail.
Je nettoyais de la vaisselle, je sortais des poubelles.
Parfois on m’envoyais acheter une bricole ou une autre.
Je n’aimais pas particulièrement, mais il n’y avait aucun enfant à part moi.
Le travail des enfants était peut-être interdit, mais qui allait se plaindre pour un petit coup de main occasionnel.
Moi je ne disais rien et je me rendais utile selon les besoins.
Je n’étais pas une esclave forcée de travailler jusqu’à l’épuisement. Je n’avais simplement rien de mieux à faire.
Ce n’était pas si mal. Et je pouvais écouter toutes sortes d’adultes parler. Que ce soit au bar, au restaurant, à l’hôtel ou aux magasins du complexe où nous travaillons, je pouvais entendre de tout.
De la détresse, des vanités, de l’humour sale ou raciste, des plaintes, des disputes, parfois des rires, des avis politiques divers et parfois contradictoires.
Souvent les gens faisaient attention à leurs dires en me voyant passer, mais pas tous. Et à me constater muette, toujours le regard fuyant, d’autres finissaient par me croire sourde ou juste ne plus se soucier de ma présence pour parler.
Les gens aimaient bien manger.
Ils couraient après ce mauvais maître qu’est l’argent, qui les avait plus ou moins abandonnés.
Comment un système artificiel pourrait abandonner quelqu’un ? L’argent n’est pas un père.
Ces gens étaient aux bords d’un système qu’ils ne pouvaient ni ne voulaient quitter. Parce que la misère dans cette transcendance valait toujours mieux que de retourner à la nature ou tenter d’en construire une nouvelle.
Encore jeune, je voulais faire de la politique une fois devenue grande.
Pour créer une nouvelle société, plus juste et égalitaire.
Tout le monde, absolument tout le monde riait de mon idée.
Cela a duré bien des années.
Ces rires. Ce mépris. Pour les rares fois où j’arrivais à parler. Plus que de l’orgueil et de l’arrogance, j’y ai entendu du désespoir au fil du temps, et de la résignation.
Parce que je vivais parmi des faibles de la société. Ceux du bas. Les inférieurs. Ils ne pouvaient pas être arrogants comme les puissants qui trouvaient leur compte dans cette transcendance bien installée et développée sur le monde.
Mais ils étaient résignés ou convaincus. Comme des fourmis protègent leur aristocratie. Un système artificiel, mais pas si différent des autres les maintenait là.
Même s’ils souffraient, c’était le meilleur choix.
J’aspirais à pouvoir en proposer un nouveau une fois grande. Un meilleur, plus équitable, plus juste.
Car la justice n’existe pas vraiment dans la nature et péniblement dans notre société. Je voulais tenter de mieux faire, ou au moins tenter d’offrir quelque chose de différent.
Je ne suis jamais devenue politicienne.
Il va sans dire que mes ambitions de jeune fille furent tranquillement écrasées et réduites à néant au fil du temps.
Mais je l’ai souhaité pendant longtemps, sincèrement.
Pas de sauver ou améliorer le monde comme certains disaient en se moquant. Pas de réformer le pays ou la société. Non. En construire une nouvelle. Une nouvelle transcendance à faire germer et se construire, avec l’idée de proposer des schémas plus originaux, plus aimables. Proposer une société différente, plus juste et égalitaire...
Quelque chose qui évolue par rapport à la jungle et les sociétés connues.
J’ai tant fait rire. J’ai tant été méprisée à chaque occasion où je parlais et disais ce que je pensais. L’orgueil et la condescendance des adultes m’opprimaient autant que leur violence lors de ma petite enfance.
Ma mère était la première à dire aux gens, lorsque je prenais la parole, qu’il ne fallait pas m’écouter. Que je ne disais que des bêtises insensées.
Je me sentais seule et désespérée.
Alors que les étés et les années passaient, je parlais toujours moins.
~
Entre les étés où mes idées étaient piétinées, il y’avait les années scolaires où je tentais péniblement de trouver des amis qui me conviennent. Je ne leur demandais pas de partager mes idées, même si elles me semblaient assez logiques pour que tout le monde les accepte.
À chaque rentrée scolaire, le brassage aléatoire des enfants selon les classes était la plus grande opportunité de faire des rencontres.
Même si d’autres se faisaient par la force du hasard ensuite, ce jour là restait la plus grande chance de chercher et trouver quelqu’un qui colle le plus à mes préférences, et de l’aborder aisément.
C’est ce que je fis et répétais des années durant.
Je cherchais du regard dans le groupe qui allait devenir ma classe une ou deux personnes dont le profil correspondait à priori au mieux à mes exigences, à mon goût.
Ceux-ci qui me plaisaient le plus de prime abord, je m’efforçais d’être proche d’eux durant les cours, et éventuellement aux pauses. J’augmentais les chances de les fréquenter un minimum, préférentiellement.
Je faisais mon maigre possible.
On sympathise toujours un minimum avec nos voisins. D’autant plus lorsque leur personnalité nous plait de prime abord.
J’ai rencontré mes premiers amis de la sorte. Je m’en souviens bien. Je me souviens de ma timidité la première fois, devant ce tout petit garçon à lunettes qui semblait encore plus jeune que moi. Il n’avait peut-être pas le bon âge effectivement.
Assis côte à côte sur un banc d’école, je me souviens n’avoir réussi qu’à lui sourire timidement le premier jour.
Il était intimidé, les yeux baissés. Même moi qui était petite me trouvait encore bien plus grande que lui, et nous étions tous les deux timides.
Petit à petit, l’habitude nous a domestiqués, et je lui montrais que je ne lui voulais pas de mal. Nous avons finis par parler un peu au fil des jours et a sympathiser. Ce petit garçon avait une voix fluette et semblait tellement perdu parmi nous.
En y repensant, je crois qu’il était impossible qu’il ait eu réellement dix ans quand moi-même n’en avait que huit ou neuf. Et puis je me suis longtemps embrouillée sur les âges à cause des mensonges de ma mère sur le mien.
C’était difficile d’apprendre à compter quand les choses pouvaient avoir deux valeurs à la fois.
Je suis devenue amie avec ce petit garçon trop jeune, les premiers mois de cette année là.
Ensuite il s’est rapproché aux fil des récréations des autres garçons de son âge, et petit à petit de ceux de notre classe.
C’était une évolution classique et sans surprise, jusqu’à ce qu’il n’ait plus envie d’être à côté de moi.
Je me suis retrouvée seule au premier rang, un peu plus seule cette année là. Parfois une fille ou un autre se retrouvait à coté de moi, pour une raison ou une autre, et je restais mutique.
J’interagissais un peu, par des hochements de tête, très rarement par ma voix.
J’avais envie de pleurer et de hurler je me souviens très bien. Pas de parler.
~
Beaucoup de familles déménageaient entre chaque année, et autant de nouvelles familles arrivaient. C’était un échange migratoire étrange, mais j’avais l’impression d’être la seule à me retrouver chaque année dans la même école sans changer.
Je ne reconnaissais ni les autres élèves, ni les enseignants même. C’était une drôle d’impression.
Je ne reconnaissais pas même les autres fantômes d’années en années.
Je me suis toujours demandée si j’étais la seule à rester là ? Allais-je rester là toute ma vie ? Et si je me trompais, est ce que quelqu’un me reconnaissait ?
L’année d’après, au retour d’un été où mes opinions avaient encore souffert l’humiliation auprès des rares adultes auxquels je parlais, j’ai réessayé.
Une petite fille qui ressemblait beaucoup au précédent petit garçon, au point que je croyais qu’elle était aussi un garçon. Son visage était tout aussi discret derrière des cheveux sales et des lunettes abimées. Elle baissait moins la tête mais avait un regard fuyant comme le mien.
Ma nouvelle amie devait avoir mon âge. Cette petite fille semblait déjà bien plus contente de me revoir arriver après que nous ayons sympathisé. Un grand sourire commençait à illuminer son visage quand elle me voyait arriver. Cela me réchauffait de voir cela.
Ensuite, elle cachait rapidement son visage et me saluait d’un bonjour tout bas, un reste de sourire au coin du visage.
Ces sourires me firent un effet étrange. D’abord j’ai été attirée, car cela me faisait plaisir d’être accueillie ainsi. Ensuite ils m’attristèrent, car je réalisais que cette fillette était plus heureuse de me voir arriver que ne l’était ma propre mère.
Ce sentiment amer dégoulina en moi. J’en ai encore plus voulu à ma mère, et je me suis sentie très mal à l’aise face à la candeur de cette fillette.
Elle était contente d’avoir trouvée une amie, par chance et si vite, si facilement après son arrivée. Je ne lui ai pas avoué que c’était moi qui l’avais trouvée, et pas par hasard mais par choix.
J’ai réussi à surmonter mon malaise et mon amie là fut la première à vraiment entendre ma voix. Elle était toute contente.
Je compris rapidement que ma timidité et mon éducation m’empêchaient de parler longuement à l’école. Je n’arrivais à parler librement qu’une fois ailleurs, sur le chemin, dans le parc voisin, ou chez elle quand elle m’invitait.
Il importait assez peu à ma mère où j’étais comme à l’époque où j’avais flâné dans les rues sans qu’elle ne le remarque. Je ne lui demandais plus si je pouvais sortir, après quelques essais où son désintérêt s’était manifesté.
~
Chez cette petite fille, l’appartement était bien plus grand et tellement plus propre. Je respirais mieux, et j’arrivais à parler.
Je me souviens de son visage surpris et rapidement heureux. La première fois qu’elle m’entendue vraiment parler, à haute voix au lieu de murmurer ou faire semblant de parler, mimant les mots.
Bizarrement, cela avait eu l’air de lui faire l’effet d’un cadeau.
Entendre ma propre voix résonner dans ma tête et dans une pièce calme, c’était étrange.
Je l’avais juste remerciée de m’avoir invitée. Je me sentais plus en confiance et je parlais. C’était presque une nouvelle vie pour moi.
Au fil du temps et de notre amitiée, je me suis même entendue rire parfois.
Je réalisais ne pas avoir en souvenir avoir jamais ri de ma vie avant ce moment. Là aussi, l’amertume monta en moi et dégoulina.
Un autre jour elle me vit en panique à cause de mes règles. Je l’ai vue triste et compatissante. Elle en avait entendue parler mais ne les avait pas. Elle était toute triste pour moi.
Je me souviens qu’elle m’a tenue la main un soir où j’avais mal au ventre à en pleurer.
Un jour sa famille est repartie.
L’année s’était peut-être terminée, je ne me souviens pas. Je me rappelle seulement que cette disparition avait été soudaine pour moi.
Je me suis retrouvée seule devant une porte close un après-midi.
Un voisin me disant qu’ils étaient partis et me demandant d’arrêter de sonner, car il entendait aussi la sonnerie. C’était tout.
J’ai compris que c’était fini, et que la vie est ainsi.
J’ai dut sangloter sur le chemin du retour, me sentant vraiment triste de l’avoir perdue.
Je rêvais de la retrouver et qu’elle me tienne de nouveau la main dans les moments où la douleur est intense.
Je ne sais pas ce qu’elle est devenue. Je me suis longtemps demandé combien de temps elle se souviendrait de moi.
J’ai été triste de perdre cette gentille amie.
~
L’année suivante et encore celle d’après, je recommençais mon approche très délicate d’une personne choisie soigneusement parmi les autres.
Il y’eut des garçons et des filles, mais je me sentais plus d’affinités avec les filles. De plus en plus, elles pouvaient comprendre cette terreur menstruelle qui m’attaquait régulièrement. J’avais envie qu’on me tienne la main dans ces moments là, mais je n’osais pas le demander.
Les garçons ne comprenaient pas aussi bien et sympathisaient plus facilement avec d’autres enfants. Les filles parfois comprenaient, mais pas toujours.
Certaines se sont moquées quand je gémissait sur un banc à la pause.
Quelques autres qui passaient m’ont aussi donnée sans un mot des serviettes, des mouchoirs, et même quelques médicaments antalgiques pour calmer mes douleurs.
Il y’avait de la pitié et du mépris, de l’amitié et de la sympathie, répartis au hasard entre mille visages que je ne reconnaissais pas. Autant de noms et de voix que je ne retenais pas.
Je souffrais. Ma vie débordais de Pathos. Mais c’était la mienne.
Chaque fin de mois était un cauchemar.
Les amitiées perdues m’attristaient et me seraient le cœur.
Ce mot étrange, Pathos, en l’entendant et le comprenant pour la première fois, j’ai cru voir comme mon deuxième prénom apparaitre. J’aurais pu m’appeler comme ça à mes yeux.
Il n’y eut qu’une seule amie que je pus conserver sur plus d’une année scolaire.
Une jeune fille qui fit sa poussée de croissance pendant que nous étions amies. La petite fille devint plus grande que moi, ce qui me mit mal à l’aise.
Mais je ne l’ai pas fuir pour autant, car nous étions amies.
Elle était une gentille lectrice avec un sourire léger et des cheveux bouclant bizarrement. Je l’ai choisie comme je le faisais à chaque fois. Je ne l’ai pas regretté. Elle acceptait ma gentillesse avec mon silence et savait m’apaiser par un calme et un ton de voix tranquille.
Elle aussi aurait été fantôme au début si je ne l’avais pas approchée. Elle le savait et m’était reconnaissante pour mon accueil gentil et prévenant.
Comme avant, je parvenais à libérer ma voix auprès d’elle après quelques temps, la période d’adaptation..
Elle se révéla en revanche bien moins faible et timide que moi. Aussi parce qu’elle grandissait vite, et un peu parce que notre amitié la soutint dans sa croissance également. Nous trouvions toutes les deux une confiance dans notre amitié.
Nous nous apprécions bien du coup.
Elle compris pourquoi je préférais allez chez elle que de l’inviter chez moi, après avoir fortuitement rencontré ma mère.
Une femme abimée et vieillissant dans l’aigreur, avec qui je partageais encore un petit appartement par la force des choses.
Je me débrouillais de plus en plus seule pour m’occuper de mon linge et de ma nourriture. Je la voyais de moins en moins et cela me convenait. Je préférais ne pas la voir à l’entendre se plaindre de moi, de mon existence ou de sa vie malheureuse et injuste.
Chez mon amie, j’ai rencontré un père qui inspirait confiance. C’était une agréable surprise.
Un homme doux et propre sur lui, avec des bonnes manières comme je n’en avais lu que dans les livres des siècles passés.
La mère de mon amie était morte quelques années plus tôt. Cela l’avait secouée, et elle s’en remettait bien.
Quelque chose de fascinant était là, invisible mais tellement grand.
Moi j’ai toujours eu mal et souffert, en permanence. Elle, elle n’avait eu qu’une tragédie pour la blesser. Elle avait été rendue ainsi plus faible que moi, mais elle se reconstruisait à mesure qu’elle grandissait, très vite.
Tout au contraire de moi qui n’avais pas le sentiment d’évoluer ou de m’améliorer.
L’environnement et la famille jouaient les mêmes rôles que cette amitiée que j’avais tant recherchée.
L’environnement peut apporter une stabilité nourrissante. Et chaque relation humaine peut jouer pour l’amélioration ou la détérioration d’une personne.
Et là, en plus de le comprendre brusquement, j’avais trouvé des gens biens.
Je les ai fréquentés autant que je l’ai pu, bien consciente que c’était à leur contact à eux, que j’arriverais à avancer.
Personne d’autre au monde, ni à l’école ni dans ma famille, n’allait autant qu’eux m’aider à grandir.
~
Ils écoutaient et encourageaient. C’était plus nourrissant que tout ce que j’avais pu manger.
Même si ce que je disais aurait pu les faire rire comme d’autres, ils ne se moquèrent jamais.
Un jour où j’avais trop mal à cause de mes crampes et règles, je finissais par demander à mon amie ce que je n’osais jamais demander, même si j’y repensais à chaque fois que la douleur me prenait.
Je lui ai demandé de me tenir la main. De m’accompagner ou de me soutenir, d’une certaine façon.
Je n’avais plus osé demander cela, depuis la dernière fois où la main m’avait été donnée en toute gentillesse.
Je crois qu’elle a un peu hésitée. Elle ne comprenait pas bien pourquoi cela pouvait être aussi anormalement douloureux pour moi. Elle a accepté.
Le contact de cette main n’était pas très agréable. La nervosité me démangeait toute la peau.
Mais ailleurs, cela m’apaisait profondément. Je me souviens l’avoir longuement remerciée ce soir là où je dormais chez elle, attendant que les crampes se détendent un peu.
Cette nuit là, j’ai rêvé de quelque chose de très calme. Comme un sous bois au crépuscule, mais si loin de la ville que je n’entendais plus rien. Le silence était absolu, quelque chose d’inexistant en ville.
Je me sentais apaisée. J’ai souvenir d’une couleur de ciel un peu turquoise, que l’on pouvait bien regarder sans que la lumière ne fasse mal aux yeux.
Tout était doux aux sens. L’air était doux, comme le silence et cette lumière. C’était très agréable.
Je me suis réveillée dans la nuit.
Mon amie dormait dans son lit à coté.
Je n’avais plus de crampes dans le ventre, j’étais détendue.
Je me suis levée pour aller aux toilettes. J’ai remarqué que son père était au salon, en train de travailler.
Je me demandais comment il faisait pour tenir en travaillant si tard durant la nuit.
Puis en m’approchant j’ai compris pourquoi il faisait cela.
Il attendait la nuit, et le calme que cela apportait.
Il m’a offert du thé et ne m’a pas embêtée, sans question ni remarque.
Assise là, à quelques pas, je me suis dit que j’aurais bien aimé l’avoir comme père.
Je suis restée un moment là, assise sur le côté à le regarder travailler à la lumière jaune d’une lampe.
J’ai senti ma voix s’élever, et j’ai dit que j’aimerais vivre comme ça.
Les mots sont partis tout seuls, avant que je n’ai le temps de les peser ou de les retenir.
Il m’a regardée avec surprise. Il se demandait sans doute quelle réponse était appropriée pour la fille qui se trouvait là, et qu’il connaissait assez peu en vérité. Il avait peut-être entendu à quel point ces mots étaient en réalité lourds de sens pour moi. Il a dut y réfléchir, très rapidement.
Un sourire léger, très léger. Pas du rire, mais de la confiance simple. Il répondit d’un ton posé.
Pourquoi pas ?
Je repensais à ce mot. Pathos. Je le ressentais partout dans ma vie. Mais je croyais encore que cela voulait juste dire souffrance, car je l’avais mal comprit.
Je ne sais pas si l’un comme l’autre cette nuit-là nous avions bien compris tout le sens de ce que disait l’autre.
Je suis retournée dormir peu après, toujours à repenser à ce mot. Souffrance en grec, je croyais.
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Mon amie est allée dans un autre lycée que moi.
Nous avons très peu gardé contact après cet été là.
Je me souviens avoir commencé à ressentir cette tristesse de la perte d’un être cher, alors qu’elle était encore là près de moi.
Je ne comprenais pas pourquoi je ressentais déjà ça.
Elle était devenue bien plus mature que moi désormais, et avait l’air de comprendre quelque chose qui m’échappait, et l’attristait aussi.
Je pense qu’elle avait compris que notre amitié allait s’effilocher là, et en était aussi triste que moi.
Nous avions commencé à nous quitter cet été là, mais je ne l’avais pas encore bien comprit consciemment.
Je devais déjà me comporter différemment, sans doute plus distante, lointaine.
La mélancolie revenait me salir le cœur.
Avant de partir, elle m’avait serrée dans ses bras. J’ai eu tellement peur que cela m’a tétanisée. Elle m’a relachée en sentant que je m’était crispée de peur, et m’a juste prit les mains après pour me parler.
Elle m’a dit quelques mots d’encouragement, mais je n’arrivais plus à l’entendre. J’étais perdue. Je l’avais déjà perdue.
Nous nous sommes revues quelques fois encore après cela, mais la relation n’était plus qu’un souvenir ou une ombre passée pour moi.
Je n’ai plus réussie à lui parler.
Elle n’entendit plus jamais ma voix, et me voyait sans doute triste, me refermant, mais elle n’insista pas.
Pour moi, je l’avais perdu cet été-là.
C’était d’autant plus bizarre pour moi de la revoir et qu’elle me rappelle cette tristesse due à sa perte.
J’allais seule comme jamais dans un nouvel établissement. Un lycée de quartier, un peu plus loin de chez moi.
À la rentrée, je ne trouvais personne à qui m’attacher malheureusement.
Je passais une année difficile, dans une solitude quasi-totale.
Tout s’assombrissait autour de moi, et probablement aussi à l’intérieur de moi.
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