Ma maison - Partie 5
Au milieu de la nuit, nous sommes sorties.
La jeune fille perdue que j’avais rencontrée n’était plus la même depuis que je lui avais tout raconté.
Elle n’était toujours pas sûre de ce qu’elle ferrait de sa vie dans les jours à venir mais en attendant elle souhaitait voir le ciel multicolore avec moi.
Ce n’était plus vraiment l’accompagnement de l’une par l’autre mais une décision concertée.
Pour elle comme pour moi, nous allions descendre.
Aved des torches et une nouvelle échelle en bois, nous sommes parties durant la nuit glaciale.
Nous avons rejoint l’entrée et elle m’a suivie avec une confiance qui me surprenait maintenant.
Comment en si peu de temps pouvait-elle volontairement me suivre dans un endroit pareil ?
Et sur les traces d’une légende féérique tout au mieux...
À sa manière, cette fille m’étonnait.
Je lui racontais d’autres évènements et découvertes le long du chemin.
Je n’avais pas encore beaucoup parlé de mon passé ou de ce que j’avais moi-même vécu dans ces caves en vérité.
En répondant à ses questions, je lui ai un peu parlé de mon pays natal et de mon enfance malheureuse, malheureuse. Je n’avais pas exaucé mon rêve d’enfance d’avoir un beau bureau avec une bibliothèque où travailler la nuit durant. Mais j’avais exaucé celui de vivre dans un endroit tranquille et calme, où la nature reprenant ses droits se mêle avec la culture.
Je n’étais pas spécialement heureuse d’avoir laissé la politique pour accueillir des légendes mystiques en revanche.
Une bonne part de la société humaine se fiche des légendes, des histoires et des rites culturels, surtout quand il s’agit de ceux des autres cultures que la sienne. L’importance d’une légende ou d’une croyance est peut-être moins dans sa véracité que dans ce qu’elle apporte au croyant ou sa transcendance.
Et il est tellement aisé de douter, comme finalement de croire... Moi j’avais toujours douté de tout. Cette jeune fille, elle avait toujours facilement cru ce qu’elle entendait.
Elle m’avait cru sur toute la ligne, comme sur le fait que ses rêves signifiaient bien quelque chose d’important.
Elle voyageait bien plus vite que moi car elle se jetait à bras ouverts vers le danger contrairement à moi.
Ce qui me laissa suspecter que c’était probablement aussi pour cela qu’elle en était arrivée là, à être suicidaire au milieu de nulle part.
Elle avait due se brûler les mains plus d’une fois, peut-être au point de s’en démolir la vie.
Je lui ai demandé pourquoi elle avait l’envie de mourir au cours de notre longue descente. Elle a hésité.
Elle m’a parlé de jeunes qui se suicident car la pression sociale est trop forte ou l’émotion suivant des traumatismes devenait insoutenable.
Des gens préférant la mort à une vie de continuelle souffrance où l’espoir a disparu. Abandonner la lutte par fatigue et précipiter l’échéance par souci d’abréger les souffrances comme l’on achève des blessés humains et animaux.
Souffrance, désespoir et épuisement étaient les clés selon elle. Peut-être avec d’autres comme la solitude le silence et sûrement la violence.
L’important était que les facteurs venaient de l’extérieur de l’être, ils étaient hors de son contrôle. Et quand il ne voyait plus d’issue favorable, le poids du désespoir commençait à peser..
Moi, commença t’elle...
Elle, elle n’avait pas excessivement souffert.
Mais elle s’était sentie mourir de l’intérieur depuis toute petite.
Tous les bonheurs et tous les rires d’enfance, heureux en surface de son corps, tombaient dans un vide abyssal au creux d’elle-même.
Elle s’était sentie depuis son enfance comme si ses entrailles s’effondraient en gouffre et qu’elle n’était plus qu’une pellicule ou coquille vide, une mue encore un peu vivante.
Tout l’amour, le bonheur, la joie, et même les malheurs du monde n’y changèrent rien.
Les émotions heureuses ou douloureuses, comme les sensations agréables ou pas plongeaient en elle et disparaissaient rapidement.
Elle ne vivait que dans la brièveté et la surface. Elle ne pouvait pas rire ou pleurer plus d’une heure, car ensuite l’émotion et sa cause tombaient dans le néant de son être.
Ce schéma n’était absolument pas vrai elle m’expliqua. Mais la façon dont elle pouvait au mieux décrire ses émois était de cette sorte.
Son infatigable désespoir était né de l’éphémère des couleurs de la vie, et de l’épaisseur de rétention des émotions de sa peau s’étant sans cesse amincie avec les années.
Après des derniers chagrins amoureux et disputes avec ses parents qu’elle résumait assez gentiment, elle était partie.
La gentille petite fille joviale avait fugué, mais n’était finalement pas rentrée après quelques jours.
Parceque l’idée de mourir avait pris plus d’ampleur que les peurs tombant également dans le vide de son âme.
Et parceque les rêves qu’elle faisait depuis quelques temps lui avaient laissé un arrière-goût étrange qui était tenu mais plus présent.
Elle associait le souvenir de mon image dans ses rêves à une odeur de caramel tiède qui aurait flotté en permanence dans l’air autour d’elle lorsqu’elle y pensait. Un léger parfum flottant dans l’air, qui restait inexplicable mais présent.
Elle était contente que cela ne soit pas que son imagination qui l’ai guidée là, même si la joie allait vite se faner comme toujours.
Qu’on la frappe ou qu’on l’embrasse, tout fanait trop vite pour elle désormais. Elle ne supportait plus ce creux dévorant ses entrailles sans fin.
Manger à l’excès pour combler cette faim n’y avait rien changé. Ni les drogues, ni le masochisme, ni l’amour, ni le sexe, ni la violence et la vue de la mort.
Au bout d’un moment, elle estimait avoir tout tenté, des thérapies aux médications. Aucune famille ou ami n’y avait rien changé. Elle s’était faite une raison sur son état comme une maladie irrémédiable et évolutive.
Après avoir tout cassé dans sa vie dans un dernier espoir de voir autre chose que cet irrémédiable glissement, elle était partie.
Et désormais, elle arrivait à l’embouchure d’un endroit étrange qui s’il ne lui promettait rien, éveillait au moins suffisamment sa curiosité pour qu’elle souhaite en voir le cœur.
Et aussi, elle le murmura, j’étais là.
Et même si cela ne voulait en soi absolument rien dire, ce rêve s’était bien réalisé pour elle.
~
Dieu, j’avais eu le temps de me préparer après la première rencontre, avant de m’y confronter.
Elle, cette jeune fille me prenait de cours sur chaque idée. Elle ne me laissait pas le temps de la comprendre et repartait déjà devant moi. Elle courait sans prudence, mais me laissait le sentiment désagréable de m’abandonner ou du moins de ne pas avoir besoin de moi...
Une tristesse pointait en moi en la regardant explorer ces couloirs avec un air émerveillé. Elle me détrônait quelque part dans mon cœur et l’idée que j’avais de cet endroit. Elle n’avait pas de raison d’avoir le même recueillement et cela me faisait un peu mal de le constater.
Nous sommes arrivées au bord du précipice. La cage d’escalier et les monte-charges. Les murs jaunâtres rongés par le salpêtre. Elle découvrit l’obscurité trop vaste pour que sa lampe torche puisse en éclairer la fin.
Pendant que nous commencions à descendre, elle me demande ce qu’était cet endroit. Je lui ai répondu ce que j’en savais et ce que j’en présumais.
Elle trouvait cela bizarre car selon elle, ce n’était pas ainsi que l’on creusait des mines. Je n’en savais rien.
Ce que je savais, c’était ce qu’il nous attendait en bas...
Et l’heure arriva. Je plaçais l’échelle en bois liée de cordelettes. Je ne descendis pas.
Je lui demandais de descendre avant moi et d’observer l’endroit attentivement.
Et si elle le souhaitait, de revenir me dire ce qu’elle avait vu.
Je doutais toujours de moi...
Je doutais toujours de ce que je croyais avoir vécu.
Je n’avais pas cherché avec emphase la réponse car aucune conclusion ne pouvait m’apaiser.
Elle m’observa avec ce regard sans vie mais concentré, réfléchissant intensément. Elle se demandait à minima pourquoi je lui demandais de descendre la première si j’étais sensée la guider.
Elle finit par dire qu’elle était d’accord, et descendit sans plus regarder en l’air ou derrière soi.
J’ai fermé les yeux en m’asseyant sur les marches où j’avais autrefois roulé. Des tâches y persistaient.
Maintenant je ne voyais rien. J’entendais peu de choses à part ce léger grondement de vent et de roche en profondeur.
J’attendis que les fantasmes ne passent.
J’imaginais revoir un spectre avec angoisse...
J’entendais parfois la voix de la jeune fille en dessous de moi. Je mesurais l’ampleur de ma solitude en réalisant à quel point je ne la comprenais pas. A quel point elle était différente de moi...
Sa présence n’avait aucun sens à mes yeux. Pas plus que la mienne dans ses visions finalement, et quitte à encore remettre une question mon expérience une millième fois, peut-être pas plus de sens que ma propre présence ici...
A douter de tout, je n’avais jamais pu m’accrocher à rien. Mon amour avait été la belle exception et le beau chapitre de ma vie dans une autre direction. Ici j’avais trouvé ma paix en me rattachant à des fondamentaux.
Je m’étais accrochée au village voisin et à ma région, à mon rythme prudent.
Elle, elle n’était pas comme moi et me perturbait.
Je me suis maudite pour avoir envisagé une seconde vouloir la repousser hors de mon système.
Sa présence et son entrée soudaine me faisaient peur, pour mon petit système et moi-même.
Il me fallait surmonter cela sans succomber à cette peur. La menace n’était que dans mon imagination... Je repensais à ces gens violents autour de moi autrefois et mon rythme cardiaque s’accélérait.
Elle m’appela soudainement par mon prénom. Je rouvris les yeux.
~
Elle était assise à côté de moi dans le noir. Je ne l’avais pas entendue remonter l’échelle.
Elle me dit que tout allait bien se passer et qu’elle était venue en toute amitié.
Cela me fit sourire.
Je lui ai avoué mes peurs, et une partie de ma jeunesse, de ma vie. Je lui ai aussi avoué que j’avais été réjouie à l’idée d’avoir de la visite, même si au fond j’aimais la solitude.
Cela la fit rire. Je devinais son sourire dans les ténèbres.
N - J’ai sue depuis le début que tu es une gentille sorcière.
Seulement au début, elle-même avait eu du mal à y croire.
Je soufflais de rire. Je lui demandais ensuite ce qu’elle avait vue en bas.
Je voulais encore m’assurer, une dernière fois, par les yeux de quelqu’un d’autre, que je n’avais pas rêvé. Je ne douterai plus jamais aussi fortement qu’avant désormais.
Elle me dit avoir vu du sable, des tombes... Et du sang qui coulait en remontant le long des murs. Du sang glacé et ocre, mort, partout autour d’elle. Un paysage terrifiant.
Elle avait aussi vu dans un creux du sable des restes calcinés et des cendres.
J’ai soupiré de soulagement. Je lui ai demandé si elle avait trouvé la lueur.
N - Bien sûr, elle est juste là.
J’ai tourné la tête et vue la flamme sombre au-dessus du sable, juste à a quelques pas de moi.
Je me suis relevée du sable où j’étais assise avec frayeur.
Quand étais-je descendue ?
Quand avait-elle apprit mon prénom ?
Elle m’invita à me rasseoir en me rassurant, c’était juste un rêve.
Nous étions dans une version plus complexe et plus riche du rêve où elle avait l’habitude de me voir.
Cet instant présent n’avait rien d’inhabituel pour elle...
Je me suis rassise dans l’obscurité, le cœur douloureux. Je reconnaissais l’endroit moi aussi maintenant.
J’avais bien prit la place de l’autre sans le réaliser...
Je suis restée là, songeuse, pendant qu’elle me parlait avec bonheur de tout et de rien. Non, pas rien. Elle me parlait avec joie de ses rêves, de son rêve, d’un parfum de caramel. Mon parfum selon elle.
Elle présuma qu’en revenant ici, j’avais pu recharger mon pouvoir à la source.
Je ne savais pas encore quoi en penser.
Mon pouvoir de lui parler en rêves ? Je me rappelais avec inquiétude de ma faucheuse surtout, de ce monstre fait de rien et de cendres capable de me frapper avec violence. Qu’en était-il de celui-là de pouvoir ?
Définir le pouvoir vivant là me faisait peur.
Elle, elle me rassurait en me disant qu’elle aimait ce que j’avais fait pour elle et le parfum rassurant que je laissais flotter.
Qu’avais-je donc fait pour elle ?
J’avais répondu à ses prières en apparaissant dans ses rêves apparemment, et exaucé son vœu en l’accueillant là où je l’avais inconsciemment guidée. C’était immense selon elle.
Je restais silencieuse, dépassée.
Elle murmura qu’elle savait que je n’avais pas consciemment souhaité tout cela. Mais qu’elle savait aussi que quelque part au fond de moi-même, j’avais aussi souhaité sa venue.
Le rêve que je n’avais jamais formulé car je l’avais refoulé avec les mauvais souvenirs de cet endroit ; il s’était tout de même réalisé...
J’aurais inconsciemment emprunté le pouvoir de l’endroit pour invoquer la personne qui répondait à mes souhaits et auxquels je répondais...
Comme elle l’avait tenté avant moi, sauf qu’elle s’était trompée...
Non, peut-être pas... Son erreur n’avait pas été dans le choix de ma personne pour exaucer son souhait, mais dans son ambition et son comportement envers moi.
Dans d’autres circonstances, j’aurais pu l’aider...
Je me suis mise à pleurer. Toute ma vertu fondait. Je me sentais dénudée, mise à nue et sale ; face à celle qui était peut-être venue me remplacer dans ma propre existence.
Elle a essayé de me consoler, mais elle était celle qui pouvait désormais me tuer et tout me prendre.
Je me suis enfoncée dans le sable comme s’il se liquéfiait.
Pour me réveiller en sueur et stupeur sur l’escalier.
~
Elle se réveillait en même temps, sur le sable en bas.
Je commençais à relever l’échelle en paniquant.
Elle me supplia d’attendre.
Elle essayait de m’appeler par mon prénom mais ne le connaissait pas en réalité.
Je suis restée sans savoir quoi faire et en pleurant. Ce n’était pas ce que j’avais voulu. Je n’avais rien voulu de tout cela. Je ne savais pas quoi faire.
Elle me disait le comprendre et m’implorait de ne plus fuir.
Elle prétendit que l’avoir fait venir était la meilleure idée que mon inconscient ait put avoir, car elle pouvait me sortir de là. Je ne la croyais pas. J’essuyais mes larmes incontrôlables.
N - Tu ne comprends pas ? Tu m’as aussi appelée pour t’aider à te libérer de cet endroit sous terre... Je t’assure, je ne suis pas venue pour te remplacer mais t’accompagner, de cet endroit, vers l’extérieur...
Je n’étais pas emprisonnée ici-bas, mais la douleur dans mon cœur ne répondait pas à des bêtises.
Au-delà des images et métaphores, il y avait du vrai dans ses dires inconcevables. J’en pleurais encore.
A - Tu savais déjà tout avant d’arriver !
N - Non, ce n’est pas vrai. De tout ce que tu m’as dit en rêve, je ne me souvenais que de quelques fragments.
Mais cela lui avait donné le temps de comprendre des choses sur cet endroit et sur moi.
Elle m’avoua n’avoir pas pu tout me révéler sur le champ quand elle avait réalisé, au risque justement de me faire paniquer comme c’était le cas maintenant. Et au tout début, elle n’y avait pas cru elle-même non plus évidemment.
Elle me dit qu’elle n’avait pas vu d’autre moyen de me faire redescendre...
Mais pourquoi...
Je lui demandais implorante. Pourquoi redescendre à cet endroit...
Je savais pourquoi elle me répondit.
N - Tu sais pourquoi...
Tu le sais depuis ta première venue au fond de toi...
Pour empêcher ces fragments de sortir.
Pour veiller sur cet endroit...
Pour vivre sur ces terres et les protéger de ce qui peut sommeiller plus bas. Pour vivre libre au-delà...
Débarrasser la région du mauvais esprit qui la hantait, puis préserver ce lieu à jamais.
Refermer cette porte en bas pour pouvoir vivre heureuse en haut, à tout jamais...
J’ai crié.
Assez.
Assez de toutes ces histoires de pouvoir et de sorcières.
Je ne voulais que la paix et l’ignorance, pas faire partie d’une légende délirante.
Je n’avais jamais voulue être une shaman de conte pour enfant. Je n’avais jamais voulu rencontrer ce dieu et cette chose-là.
J’ai sangloté encore un long moment. Toute mon histoire que je croyais stabilisée s’était en réalité échappée hors de mon contrôle avec elle. Je ne m’appartenais plus...
J’étais enfermée par elle et cette histoire dans ce gouffre que je ne voulais plus jamais voir.
Non. Une part de moi était enfermé par un traumatisme depuis bien plus longtemps que cela encore.
Depuis ma première venue déjà.
Peut-être depuis bien plus longtemps encore...
Depuis toute petite, je m’étais toujours sentie comme emprisonnée dans ma vie, dans moi-même... Sans savoir comment exprimer ou décrire cette sensation.
Partout, peut importait où je me trouvais, je m’y sentais comme en prison.
Menacée, apeurée, rêvant d’évasion et de m’envoler... Mais chaque matin je me retrouvais ramenée là... Dans cette seule réalité.
J’avais eu quelques périodes de bonheur, mais je n’avais jamais quitté la prison où une part de mon âme, de mon psyché demeurait.
Le droit de crier. Le droit de pleurer...
Si longtemps enfermés.
Se sentir aimée... Se sentir à l’abri du danger.
Le droit d’exister tellement, tellement reproché... Au point de me faire choisir de partir loin, si loin.
J’ai été heureuses parfois, mais je n’ai jamais quitté ma prison.
La fillette en dessous de moi tentait de me rassurer et de m’apaiser en vain. Comment voulait-elle qu’un tour de magie ou une profession de foi me libère ?
J’avais exprimé ce doute à voix haute. Il y eut un moment de silence.
Elle chercha les mots justes pour cet instant décisif. Je le comprenais à son regard chargé d’inquiétude, et crainte de ne pas arriver à regagner ma confiance. Tout allait se jouer à sa réponse car j’allais partir. Je m’apprêtais à tout quitter mais cette fois sans espoir au terme du chemin...
Elle ne trouva pas les mots qui pouvaient changer un destin.
Je me suis relevé, le visage plus froid qu’à l’accoutumé. Elle a fait un pas en avant. Mon cœur me faisait atrocement mal.
En lui tournant le dos, mon cœur, mon ventre et ma tête me torturèrent.
Je n’arrivais pas à vivre avec ma mauvaise conscience. Je n’étais pas capable de l’abandonner là.
Je repensais à cette promesse d’être plus intelligente dans mes choix et actes.
Je pouvais, j’avais le droit, d’être opportuniste, car j’existais...
Vivre, ce n’était pas être fière.
Mes bras tombaient et j’avais la nausée. Je me sentais me décomposer sur place entre mille émotions ceinturées de panique.
Je me rappelais que vivre c’était aussi prendre des risques. Risquer de croire, accepter l’aide...
Ce que je m’étais promise de faire, au-delà de mes peurs naturelles...
J’ai refait demi-tour malgré les douleurs somatiques. J’ai cessé d’agoniser pour surmonter la peur d’évènements et d’une histoire que je ne parvenais pas à comprendre rationnellement.
L’inconnu et l’incompréhensible m’avait dominée ici.
J’ai choisi de croire en elle comme elle semblait avoir choisi de croire en moi.
J’ai choisi ce risque, même si c’était un plongeon vers l’inconnu à mon cœur et mes yeux.
Parce qu’en dépit de toute raison que j’arrivais à structurer, elle avait su m’inspirer un peu de confiance, malgré tout ce que je ne comprenais pas ou qui m’effrayait.
J’ai scruté l’obscurité et ce fond du gouffre juste en dessous de moi.
J’ai sauté par-dessus elle pour ancrer mon choix, en reposant bientôt pieds sur ce sable froid...
~




