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A  作者: 蕤
Chapitre 9 - Mon voyage
18/41

Mon voyage - Partie 1

Je suis entrée dans la forêt à pas de loup, sur mes gardes. Mon instinct m’avait fait remarquer l’étrangeté du virage de la route plus tôt. Il me disait désormais d’être exceptionnellement prudente.

J’avançais avec une précaution redoublée.


La forêt avait poussé depuis des années et envahit la route, mais celle-ci existait encore sous la terre et les racines. Elle se devinait par endroits. Je suivais le bord de ce sentier relativement dégagé et rectiligne qui s’était métamorphosé en long couloir forestier.


Les bois étaient calmes.

J’étais à plusieurs jours de marche du village le plus proche depuis le sud dans cette région relativement peu peuplée. J’étais arrivée au milieu de nulle part donc.


Je marchais dans un sous-bois très tranquille et habituel, bien qu’un peu plus calme.

Mon pied heurta quelque chose qui grinça. Sous ma semelle, les mailles d’un grillage apparurent.

Une barrière grillagée avalée par le sol et le temps. Je l’examinais. Il était âgé et rouillé.

J’ai trouvé des pancartes accrochées à celui-ci au niveau du milieu de la route abandonnée. Elles étaient en métal peint, très usées également.


Je ne pouvais plus lire les mots mais je devinais ce que le symbole orange et noir avait pu représenter du temps où la route était barrée.


J’ai reposé le panneau entre les herbes et les racines. J’ai longuement respiré, puis j’ai continué d’avancer.


~


Le silence devint presque absolu et m’inquiétait. Je n’entendis plus rien d’autre pendant un moment que les sons que mon corps faisait.

Je marchais avec prudence et un peu d’anxiété vers la destination de cette route. Je finissais par me régler sur le grondement léger et très sourd, très régulier. J’entendais mon cœur battre.


Une pression invisible montait et m’encerclait. Un instant de légère anxiété se mua en goutte de panique en moi.


Rien ne se passa. J’entendis enfin un peu le vent dans les feuillages au dessus et la pression que je m’imaginais redescendit un peu. J’ai soufflé. Je reprenais le contrôle de ma respiration pour retrouver doucement mon calme.


Je repris ma marche dans ces bois particulièrement paisibles, mais en entendant toujours l’écho régulier de mon cœur autour de moi, comme si une copie plus grande était en train de battre un peu plus loin dans la terre.


~


Le sol était le même, mais je ressentais le tremblement du battement de mon cœur parcourir mon corps chaque seconde comme si le sol lui-même tremblait à ce rythme.


Comme si j’entrais sur le territoire d’un gigantesque monstre. Mon instinct primitif ressentait le danger avec excès de précaution et me maintenait en alerte.


Ma curiosité était la plus forte désormais. Quelque chose que je ne comprenais pas m’avait amenée jusqu’ici.

L’on trouvera aisément des raisons et des intentions derrière ce qui n’est que hasard et sérendipité.


Mais à ce moment, rien ne me permettait d’affirmer quoi que ce fût. Je doutais. Je n’étais sûre de rien, et je préférais être très prudente avant que la nuit ne m’apporte probablement plus de doute, ou une réponse, d’un genre ou d’un autre.


Étais-je arrivée là par pur hasard, interprétant mes idées comme des signes et faisant de mon destin mon interprétation personnelle des évènements que j’avais vécue ? Ou bien, moins probable, quelque chose d’autre m’avait effectivement bien influencée, et je n’étais pas arrivée ici par hasard...


Tous les croyants choisissent la seconde possibilité, voyant et croyant en l’influence de leur dieu sur leur destinée.

Les scientifiques voient un rouage d’une infinie complexité qui finalement est une réponse intermédiaire, ou les deux à la fois. Le hasard et l’influence de tous les évènements amènent les choses à être telles qu’elles sont.


La différence est dans la croyance ou non que quelque chose a pu influencer la mesure, de l’invisible présence contemporaine aux jugements violents et miracles épiques de l’antiquité.


Dieu n’a plus fait de spectacles depuis que l’écriture s’est vraiment répandue, mais ce n’est que mon point de vue, et cela ne change rien.

Une foi ne se prouve pas pour les autres, elle se décide pour chacun.


Dans mon cas, j’étais encore très circonspecte, même si j’imaginais bien assez mal rencontrer dieu. Je me demandais sérieusement en revanche si quelque chose autre que moi-même avait pu influer sur ma route vers cet endroit-là particulièrement.


La forêt était trop normale. Je cherchais désespérément du regard quelque chose qui donnerait une réponse, peu m’importait laquelle, à mon angoisse croissante.


Je voulais savoir. Que je sois arrivée là par sérendipité, ou pour une autre raison, je voulais savoir...


Je cherchais une réponse existentielle, presque métaphorique de ma vie toute entière.

Je me cherchais...


Je la cherchais dans une forêt abandonnée depuis de nombreuses années, au sein d’une région bien reculée.

Le bord inconnu du monde et de l’inconnu... Dans cette région où personne n’allait, il n’y avait plus que moi, rien que moi.


J’étais seule avec mes doutes, mes rêves et mes chimères. Et je tremblais un peu en me trouvant seulement maintenant réellement seule avec moi-même.


La route avait été un plaisir et une rêverie.


Là, je retrouvais tout ce que j’étais, qui avait été assommé par la marche incessante et oublié.


Les peurs. Les doutes. La solitude. Le néant. Mes démons.


J’avais envie de repartir évidemment. De reprendre la route, de retrouver mon bonheur.

Mais une détermination qui avait fleuri et mûrie au cours de ce long périple me poussait désormais à aller de l’avant.

Je voulais enjamber tous mes démons, et assouvir cette curiosité qui naissait dans toutes leurs ombres.

Je voulais voir le sens de ma destination avant de repartir.


Je voulais découvrir où ce voyage m’avait réellement menée, quelle que furent les raisons qui m’y avaient menées.

J’avais la force d’avancer en dépit de l’acidité de mes doutes.

J’ai marché sans faillir au travers de ces bois.


L’exaltation de la marche avait cédée la place à l’aventure dans une région inconnue et certainement interdite.


~


Après une demi-journée de marche dans ce sous-bois assez bien éclairé, mon tunnel végétal arriva à un croisement. Un autre tunnel relativement dégagé le croisait perpendiculairement.

Un carrefour de routes abandonnées depuis très longtemps.


En l’examinant, j’ai compris la différence rapidement.

Des rails d’un acier aux reflets chromés parcouraient l’autre chemin. Je croisais une ancienne ligne ferroviaire. Deux même.


De part et d’autres je ne voyais rien à l’horizon, masqué par les arbres. La voie ferrée était aussi légèrement courbée dans la distance. Cela m’intriguait, mais sans savoir où aucun de ces chemins me menait, je préférais continuer de suivre la route s’enfonçant dans les bois pour commencer.


Une forêt tempérée mais tellement calme que cela m’inquiétait.

Je n’étais pas tranquille. Mon corps restait en alerte, méfiant. Mon esprit également, car encore incertain sur ce qui m’avait conduit là, comme dans un piège de très longue haleine.


Avec ce doute à l’esprit, il était hors de question de me précipiter.

J’allais déployer toutes mes capacités de prudence et d’intelligence, maintenant que j’étais en terre vraiment inconnue.

Maintenant que mon sixième sens, mon intuition qui collectait les informations que les autres sens dédaignaient, me disait que j’étais sur le point d’arriver à destination. Mon instinct restait méfiant.


Plus loin sur le sentier forestier, une carcasse de véhicule se faisait absorber par le sol et la végétation.

Un véhicule motorisé dont seul le squelette abimé pouvait pratiquement être distingué.

La végétation par-dessus avait une teinte plus orangée, comme si elle se nourrissait de la rouille.


D’autres pancartes d’avertissement trainaient autour. J’allais en croiser un peu partout désormais et pas seulement à la périphérie du secteur.


J’ai décelé des traces de brulé. Je crois que ce véhicule avait été incendié. J’ignore s’il avait été abandonné avant ou après. La forêt camouflait déjà bien l’engin, en en faisant une part d’elle-même. Il y fondait doucement.


Je décidais de m’en inspirer au moins un minimum pour avancer. Je quittais donc la route bien tracée pour avancer dans le sous-bois calmement, et plus discrètement.


J’atteignis ensuite ne division, ou plus exactement une route plus importante contre laquelle se terminait la mienne.

Une route qui n’avait pas été volontairement détruite mais avait aussi bien été abimée par les années sans entretien ou circulation.


Elle aussi s’étendait au loin dans les deux sens perpendiculaire à celle par laquelle j’arrivais. Je distinguais sur cette clairière tout en longueurs d’autres véhicules affaissés, ainsi que des bâtiments au loin à ma gauche, à l’ouest.


J’ai vu des oiseaux passer, et même un lapin. Cela m’a un peu rassuré.


C’était très étrange d’être inquiétée par une zone si vide. Voir des animaux me rassurait sur la possibilité de chasser pour me nourrir, mais également sur autre chose de plus viscéral vis-à-vis de cet endroit où je m’aventurais.


La peur de ce que l’on ne comprend pas. La peur de quelque chose d’invisible qui nous serait dangereux. Les peurs de l’obscurité me touchaient là en pleine journée.


J’ai commencé à marcher doucement sur le bas côté de cette vieille route toute fragmentée, vers les silhouettes de bâtiments tout aussi âgés, aperçus au-delà des bois à l’ouest.


~


Des fleurs et des herbes diverses poussaient au milieu de la route comme des quelques véhicules en ruines. J’aimais bien ces vues, ces paysages de la nature se réinstallant en silence après notre départ. Nous ne pouvions guère empêcher la vie de continuer.


Voir cela avait quelque chose d’apaisant pour moi. Ce que j’avais vécu et subit de l’humanité n’était pas universel. Le système violent de la nature que j’ai tant décrié, il se dévoilait sous un autre jour que les interactions sociales et la chaine alimentaire là. Ou en fait, pas du tout.


La végétation avait l’air moins violente car elle avançait à un autre rythme, mais les principes compétitifs et sélectifs que je n’aimais pas restaient valables pour elle aussi.


Pourtant cette vue me plaisais plus que celle d’une société en expansion. Dans cette végétation se réinstallant sur ce que nous avions abandonnée je trouvais quelque chose de rassurant.

Peut-être parce que le règne végétal n’était pas que compétition sanglante, comme les transcendances finalement. Parce que la vie continuait...


Je n’arrivais pas à expliquer rationnellement cet apaisement.

Je me souvenais de la bibliothèque aux couleurs marbrées et organiques de mon lycée. J’avais aimé similairement ces traces, cette image d’un système toujours prêt à revenir s’installer.


Peut-être que de cela aussi l’humain a peur. Cette nature à laquelle il s’oppose par sa culture, et celle-ci qui est toujours prête à nous recouvrir.

La peur de disparaitre dans un retour à la nature que nous croyons avoir quitté.

La peur que nos transcendances soient effacées comme ces ruines par les herbes.


Nous avons tellement peur de ne plus avoir notre place...

Nous nous sommes regroupés pour progresser, avec beaucoup de succès, mais surtout pour nous rassurer je crois.


Face à ce monde vivant toujours prêt à nous ravaler à la moindre faiblesse excessive, ou même malchance spontanée et injustifiée. Cette violence est effrayante.


Mais elle n’est pas tout. Comme la société que j’ai quittée n’était pas que violence et désespoir.

Tout est complexe. J’étais bien ingénue de penser tout comprendre. J’entrapercevais la complexité.

Pourquoi cette nature me rassurait, c’était probablement parce que je pouvais m’y faire librement ma place.

Ce n’était pas rationnel mais émotionnel et personnel. Cela n’avait de sens que pour moi ; en regard de ma vie et de mes expériences.


Mon parcours dans mon histoire m’avait conduit à trouver l’apaisement dans cette image calme d’une nature patiente qui retrouve sa place.

Comme moi.


Je venais de trouver ma place.


~


J’étais sûrement moins à l’aise dans cet environnement que ne pouvaient l’être les animaux vivant ici depuis cinquante générations.

Mais pas forcément moins que dans les villes où j’avais vécue. En pensant à cela je réalisais l’étendue de ma solitude, l’étendue de ce que j’avais quitté.


Je n’étais pourtant encore qu’au début de mon voyage, même si la route avait pris fin. J’avais encore tout à découvrir, mais sur ce sentier entre deux mondes je réalisais déjà clairement où mon cœur penchait.


La route trouvait fin sur une sorte de parc ouvert sur un lac.

Un beau lac entouré de forêts principalement. Je devinais le murmure d’un ruisseau au loin, qui l’alimentait ou en découlait.

Au nord un plateau surélevé offrait la vue d’un mur naturel, partiellement effondré par endroits. Autour du parc en bordure du lac, mélangé à la fin de la route comme sa continuation, plusieurs sentiers se dispersaient vers des bâtiments ou leurs ruines. Entre la falaise au nord du lac et moi, un bâtiment en particulier retenait mon attention.

Il dépassait de la forêt et s’était partiellement effondré dans le lac.


J’ai passé des barrières effondrées, mortes de négligence et d’abandon. Des débris. Des traces de suie sur le mur principal. Les portes du hall s’ouvraient sur l’obscurité.

Avant d’entrer je me suis enfin approchée de l’eau.


J’en avais envie depuis que j’avais compris qu’un lac était là à ma portée, mais je n’avais pas encore m’approcher.

En longeant le mur qui s’effondrait, j’ai atteint la berge boueuse et rocailleuse.

L’eau était limpide. Les seules empreintes visibles étaient celles d’animaux communs.


J’ai vu des poissons se délasser tranquillement. Ils ont fui quand j’ai trempé ma main dans l’eau.

L’eau était froide mais propre. J’avais de la chance avec cet endroit. J’étais déjà bien agréablement surprise.


Je suis entrée dans le bâtiment adjacent. Des rats se promenaient entre les décombres sans trop se soucier de moi. Ils avaient assez fière allure, pour des rats. Les halls s’ouvraient rapidement vers des machines complexes et des citernes ou réservoirs, agglomérés dans une végétation opportuniste et une nuée de tuyauteries diverses.

Il y avait des bassins étranges avec des filtres, des tamis ou des palles. Des moteurs, des turbines. Des pompes.


J’ai vu des tuyaux plonger dans le sol au milieu de la vaste salle principale. Un monte-charge, des échelles et des escaliers plongeaient également dans un trou au milieu du sol, vaste puits vers un sous-sol apparemment non inondé.


Dans les anciens bureaux à l’entrée de cette usine, le mobilier en bois s’était effondré sous son propre poids et la moisissure. Il restait quelques documents mais ils n’étaient plus lisibles.

Dans l’usine, des inscriptions sur les murs, peintes ou gravées, me permirent de comprendre qu’il s’agissait d’une station de pompage et de traitement des eaux.


Sur un mur d’un bureau, une vieille carte avait été autrefois encadrée. Une marque était restée tandis que les débris avaient pourri au sol.

J’ai déplié ce que j’ai cru être une peinture pour découvrir la carte.

Après un long moment à tenter de différencier l’impression effacée des moisissures, il m’a semblé trouver le lac.

Quelques lignes partaient vers l’est-nord-est, vers des taches aux couleurs différentes. Peut-être une ville proche.

Des schémas indescriptibles avaient autrefois, pour d’autres, eu du sens et de l’utilité. L’archéologie était un métier bien étrange, me rappelant la fragilité de nos transcendances. Elles sont illusoires, par nature éphémères.

Ce métier a cela d’étrange qu’en étudiant les marques du passé il permet d’envisager le futur...


Un futur où nos technologies sont d’étranges labyrinthes aux significations incertaines.


Qu’aillait-il rester de moi après mort ?

Que voulais-je laisser ?

Je l’ignorais encore.


Je me suis approchée de l’obscurité du puits vers le sous-sol. De la lumière du jour filtrait par le toit abimé et les murs. J’ai vu le fond, humide, luisant. Un tunnel partait dans la même direction que la route un peu plus haut, emmenant un impressionnant tressage de conduites et tuyauteries.


C’était un tunnel reliant probablement cette station de traitement des eaux aux égouts d’une ville proche, ou d’un centre industriel abandonné. J’avais entendu parler d’usines très rapidement déménagées au siècle dernier, mais je ne les situais pas dans cette région. Je ne savais toujours pas à quoi m’en tenir.


Le soir s’installait. Je n’allais pas commencer la spéléologie maintenant.

Je me suis préparée pour la nuit. J’ai installé quelques pièges dehors et suis allée m’installer au sommet d’une grosse machine, entre deux tuyauteries couvertes de végétation.


Je n’avais pas eu froid ni encore trop faim, je n’ai donc pas fait de feu. Pendant que je me déshabillais dans cette pénombre dans ce vaste hangar, je me sentais comme une invitée.


J’étais un peu stressée car je me doutais que cette nuit allait dans un sens ou dans l’autre répondre à certaines de mes questions.

J’allais probablement rencontrer quelque chose de nouveau ici.


Je voulais croire. Donc j’allais sûrement voir quelque chose.


Je passais ma première nuit dans cet endroit, cette région qui signifiait beaucoup pour moi. Même si je ne comprenais toujours pas clairement pourquoi.


~


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