表示調整
閉じる
挿絵表示切替ボタン
▼配色
▼行間
▼文字サイズ
▼メニューバー
×閉じる

ブックマークに追加しました

設定
0/400
設定を保存しました
エラーが発生しました
※文字以内
ブックマークを解除しました。

エラーが発生しました。

エラーの原因がわからない場合はヘルプセンターをご確認ください。

ブックマーク機能を使うにはログインしてください。
A  作者: 蕤
Chapitre 6 - Ma tristesse
13/41

Ma tristesse - Partie 2

La souffrance était toujours là sous toutes ses formes. Ce que moi j’avais pu vivre ne l’avait pas changé pour les autres.

J’avais envie de les aider mais sans bien savoir comment m’y prendre.


J’ai fait ma présentation avec un entrain diminué par la peine d’avoir revu des jeunes fantômes. Je suggérais que l’on leur permette de lire pendant les pauses, sans trop y croire. Les deux personnes à qui je le proposais semblaient subitement perdre la vue et tout intérêt à ma parole.

Ils regardaient alors dans le vague pour répondre quelque chose de creux et insignifiant.


Ils ne dérangeaient pas vraiment ces enfants taciturnes, donc peu importait leur devenir.


Je repartais désolée pour eux ce jour là. Je n’avais pas pu aider ce que j’avais été.

Les avoir revu m’avait rappelée à un passé pénible et à mon vœu de tenter d’améliorer les choses.

J’avais grandie sans vivre pour une autre que moi, et vécue heureuse avec elle seulement pour nous deux.


Je m’étais sentie coupable ce soir là, envers ces jeunes et celle que j’avais été.

Cette nuit j’ai rêvé.


D’une pluie battante et cauchemardesque. Un paysage terrifiant, traversé par des spectres que l’orage camouflait.

J’étais jeune ou rajeunie. Mon petit corps était affaibli. Je tremblais de froid sous la pluie et de peur à chaque visage de spectre passant près de moi.


La peur ruisselait autour de moi.

Cette obscurité terrifiante, je ne la connaissais pas. Ce noir qui t’absorbe et exacerbe tes peurs n’était pas celui dont j’avais l’habitude et le goût. Mon obscurité était chaleureuse et pleine de quiétude, quand celle là évoquait à chaque instant la douleur, la mort, une fin violente et le désespoir.


Je paniquais. Je courrais. Je trébuchais et rampais en pleurant dans une boue glacée. Je voulais fuir ce monde hostile que je n’aimais pas. Partir vite. Je tentais de fuir désespérément une réalité, mon corps me trahissant malheureusement.


Des spectres trébuchaient sur moi. La douleur était insupportable. Leur errance cessait après m’avoir heurtée, car la colère les emportait et ils me suivaient après pour s’en prendre plus à moi.

Chaque bousculade rajoutait un danger après moi, un soldat d’une armée innommable qui ne souhaitait que mon anéantissement.


Je désespérais de trouver un refuge, ou même une arme. Un échappatoire durable ou une force pour m’imposer. Mais je rapetissais encore. Je rapetissais toujours. A chaque heurt, je disparaissais un peu plus.


Et puis je trouvais un gouffre, avec le néant absolu avalant silencieusement ciel et terre.

La peur du néant le plus clairement imagé.

Sordide en réalité, lorsque l’on est éveillé, mais terrifiante lorsque l’on est encore piégés dans le songe.


Des spectres m’ont fait peur. Je suis tombée. Dans le néant le plus absolu en hurlant.

Je me suis réveillée en sursaut glacé ce matin là.


~


Le réveil d’un cauchemar intense me laissait encore tremblante et en sueur. Je me tournais vers mon amante pour que sa présence me rassure, machinalement. La surprise de l’absence me fit mal au cœur et je réalisais ensuite mon erreur avec un peu plus de douleur.


Ce matin là j’étais très triste. Un malheur hier m’en avait rappelé un autre, puis un autre, entrainant un autre... Je soupirais un peu mon manque et ma tristesse.


Je me mis à faire de plus en plus de rêves apeurant et récurrents à partir de cette période là.

Parfois avec des personnages plus clairs ou des lieux différents. Parfois des scènes de guerre ou de peste.

Malgré mon moral légèrement diminué, je continuais ma vie de tous les jours relativement tranquille.


Même si quelque chose n’allait pas.


Je n’ai pas été capable de voir et comprendre quoi avant longtemps. Mais je sentais que quelque chose n’allait pas.

Comme si j’avais entraperçu une erreur dans la réalité, mais n’arrivais plus à la retrouver. C’était une impression difficile à décrire et plus éthérée que se sentir menacée ou épiée.

Quelque chose n’allait pas, mais je ne comprenais pas encore quoi.


Un fin film nuageux semblait couvrir la ville et filtrer un dixième de la saturation des couleurs me parvenant. Tout était indistinctement plus terne et maussade. Un lointain nuage s’était étendu sur tout le ciel qui couvrait la ville. Mais cette perte de coloration était le symptôme d’autre chose encore.

De mon deuil. De ma tristesse. Ma peine pour ce que j’ai aimé et perdu.


Elle me manquait, mais ma tristesse s’apaisait. Il n’y avait pas que cela qui me turlupinait.

Autre chose flottait.


~


Un jour gris après une journée flottante à la bibliothèque, je me suis faite agresser.

Je ne sais pas s’il était un de ceux d’autrefois, car il ne m’a ni insultée ni reproché quoi que ce fut.

Je n’ai même pas compris ce qu’il me voulait après coup. Peut-être juste évacuer une folie violente, et je n’avais pas eue de chance.


Il est apparu devant moi sur le chemin qui me ramenait chez moi. Une silhouette noire.

Un homme noir ? Il avait l’air encagoulé. Si mon instinct m’avait dit de reculer en le voyant, je n’ai pas réagi à temps.

Il m’a frappé au ventre et aux membres.


Projetée à terre, il m’a relevée pour me frapper encore. La terreur avait fait place à l’abandon dans la douleur. Aussi à l’incompréhension.

Après d’autres coups, il tâta mon corps, me relevant encore comme si je ne pesais rien, et serra ma tête entre ses mains brûlantes. Je peinais à respirer avec les nombreux coups prit au ventre. Il me faisait mal mais ne disait rien. Pas un mot. Je ne voyais pas son visage avec les yeux embourbés par les coups et les larmes, mais je crois qu’il n’en avait pas.


Après m’avoir malmenée et serré le crâne à me le fissurer, il s’en alla comme il était arrivé. Il ne me viola pas et ne me vola rien, me laissant simplement choir et agoniser dans cette rue avec des os fracturés.


Il y avait des choses de ce monde que j’étais incapable de prévenir ou de comprendre...

Je restais étalée là dans le froid, alors que la nuit approchait.


J’ai fini par ramper quelques mètres avant que quelqu’un ne passe et ne m’aide.

Il m’accompagna à l’hôpital voisin.


J’ai paniqué devant l’entrée.

Je me suis mise à crier et refusais d’entrer.


Je ne voulais pas aller à l’hôpital. J’avais trop peur et trop de mauvais souvenirs associés à ce lieu.

J’ai paniqué... Je me suis cassée le bras fracturé plus tôt en tentant de fuir les infirmiers venus me chercher.


J’ai hurlé à la mort tandis qu’ils m’emmenaient, incapable de me contrôler. Je n’avais pas compris ce qu’il m’étais arrivée plus tôt et je ne saisissais pas plus pourquoi entrer dans ce lieu me révulsait autant.


Je parlais de la morgue sans bien maitriser les mots que je criais. Je parlais toute seule, les phrases s’échappant hors de ma bouche sans aucun contrôle.


Je parlais sans me maîtriser. Je disais en criant à moitié que je ne voulais pas finir comme l’autre fille qui était sortie de l’école. J’avais peur. Je disais avoir peur de la morgue et suppliais pour ne pas la voir et qu’on ne m’y emmène pas. Juste après, je suppliais que l’on m’emmène voir mon amante pourtant, que l’on m’emmène la voir une dernière fois.

Tandis que l’on m’emmenait de force dans les couloirs tristes, je suppliais des choses et leur contraire en me laissant faire, en me regardant faire, impuissante.


J’étais devenue passagère attristée de mon sort, de mon corps en panique et blessé.

Une tristesse sans pareil m’envahissait en même temps et je me mis à pleurer sans pouvoir plus me contenir.

Je pleurais bruyamment et à grosses larmes à m’en déshydrater rapidement.


J’étouffais. Ma propre voix entre cris et pleurs me vrillait désormais le crâne et la conscience, en plus des douleurs croissantes dans mon corps tout entier.


Ils m’ont sédatée ou je me suis évanouie.

J’ai subitement retrouvée le calme de l’obscurité et la paix.


~


A mon réveil, j’étais attachée de toutes parts à mon lit.

Mais bizarrement là je n’ai pas paniqué.

Au contraire, je me sentais enfin un peu calmée et tranquille. Je respirais plus paisiblement.


J’ai attendu patiemment en regardant le losange de ciel nuageux que je pouvais apercevoir dehors. Je remettais sans précipitation mes idées en place.


Mon chagrin avait duré...

Un gros morceau attristé de moi-même avait mis du temps à mûrir et à s’extirper hors de moi.

Je l’avais enfin vu sortir.


Je restais mélancolique. Je laissais quelques larmes finir de s’écouler.


Quand quelqu’un entra, il me découvrit en train de pleurer très calmement. Je repensais à mon amante en regardant le bout de paysage dehors.


Il m’a demandé comment je me sentais avant de remarquer les larmes. Il me demanda si j’avais mal.

Mal au cœur je lui ai répondu en soupirant.


Il me demanda avec beaucoup d’empathie ce qu’il m’était arrivé.

Je lui ai dit que le chagrin du deuil de quelqu’un qui m’avait été très cher m’avait submergé, pour pouvoir s’évacuer.

Comme un monstre que j’aurai empêché de me quitter... Il s’était enfin enfuit...


L’homme m’examina et m’interrogea un long moment sur ce qu’il m’était arrivé, et à propos de comment je me sentais. Pendant que nous parlions, il détachait progressivement toutes mes entraves, une à une après chaque réponse calme que je donnais.


Le personnel hospitalier avait naturellement été inquiété par mon comportement à mon arrivée. Au moins psychiquement, je me portais déjà mieux maintenant.


Mon bras cassé me faisait mal mais c’était supportable. Comme je lui ai dit au cours de la discussion, ma plus grosse douleur n’avait pas été là.


Ils me gardèrent quelques jours en observation sans plus me restreindre. Mes explications avaient éclaircit ma situation. On me suggérait un bilan et un suivi psychologique et psychiatrique tout de même.


J’hésitais. Les médicaments pour le cœur pouvaient aider de la même façon que ceux pour le corps. Tout était dans le cerveau et les hormones...


La dame que je remplaçais est passée me voir à l’hôpital. Je me sentais comme une enfant que sa mère vient voir en prison, honteuse et diminuée.

Elle savait seulement que j’avais été agressée. La violence m’avait blessée, mais moins traumatisée que mon retour dans un hôpital en vérité.


Maintenant que ce choc était derrière moi, je me sentais presque redevable à ce type étrange de m’avoir forcée à faire parler mon deuil. Presque. Mon corps endolori ne le pouvait tout de même pas.


Je rassurais un peu cette dame, lui laissant paraitre ma personne sous un jour indigne.


Et pire, quelque chose de discret n’allait toujours pas.


Je me sentais allégée, rafraichie d’un côté, mais en même temps profondément assombrie par quelque chose toujours incompris.

J’évoluais dans un sens inconnu. Je ne voyais pas bien ce que j’allais devenir désormais.


~


Avant de quitter l’hôpital, j’ai rencontré un psychiatre qui ressemblait à la fois à un homme et une femme. Je lui ai demandé sans politesse ce qu’il était. Il m’a dit qu’il était parmi les un pour mille pour qui la différence n’était pas claire de naissance. Il était d’une nuance intermédiaire.


J’avais du mal à imaginer comment il avait grandi avec cela comme base identitaire dans notre société.

Il m’a évoqué d’autres pays, où les lois et cultures peuvent différer.

En entendant cette remarque, j’ai compris qu’il avait su qui j’étais. J’ai eu un mouvement de recul et il a voulu me rassurer. Je pouvais lui faire confiance, c’était l’idée à retenir.


J’hésitais. Que pouvais-je lui dire ? Je n’avais rien à lui raconter. Je me sentais vide à cet instant...


Lui parler de moi et de ma vie il demanda.

Mon discours s’est progressivement délié et je lui ai parlé de ma jeunesse.

De ma mère et de mon père ne m’ayant pas voulu. De mon interdiction de pleurer et de crier.


C’était à peu près tout.

Il souhaitait que je revienne régulièrement.


J’hésitais. Une voix hurlait dans ma tête et je me sentais mal.

Je me sentais triste.


Je lui ai dit que je ne croyais pas pouvoir le faire et je suis repartie.

Je suis rentrée chez moi en portant mon bras emplâtré et en boitant légèrement. Je repensais à cette rencontre.


J’avais refusé l’aide, par peur et par douleur. Je n’étais pas sûre d’avoir fait le meilleur choix.

Mais...


La souffrance m’envahissait en bouillonnant. Le calme de ces derniers temps semblait lointain à nouveau. Je croyais la noirceur évacuée mais elle semblait revenir à nouveau, encore plus vaste.


J’ai crûe que ma tristesse était passée. Le malheur revenait en ébullition tandis que je marchais, et me remplissait tellement vite que j’en avais des nausées.


Cette nuit j’ai refait des cauchemars épouvantables.

J’étais effrayée dans des paysages décharnés et morbides.

Je n’étais plus paisible.


~


Je m’étais promise d’être intelligente.


J’ai écrasé mes prétextes morbides et je suis retournée là bas, la mort dans l’âme.

Je l’ai revu, et il a accepté de me donner une seconde chance sans me critiquer. Il trouvait au contraire mon courage admirable.


Au fil des mois qui suivirent, je lui expliquais ma vie et mes impressions, mais surtout mon pressentiment pesant et ma souffrance actuelle.

Mon deuil, mon sentiment de culpabilité qui me minait, en plus de la tristesse de la perte.

La recherche désespérée d’un contexte rassurant pour vivre.


Ma sensation que quelque chose d’inquiétant que je ne comprenais absolument pas approchait.

Une peur décolorée qu’un nouveau malheur allait m’arriver.


Lui ne me parla jamais de sa personne, me proposant juste des interprétations souvent intéressantes auxquelles je n’aurais pas pensée ou que je n’aurais pas admise à moi-même si j’avais été seule.


J’évoluais sans savoir où j’allais. Il m’aida à admettre mon dégoût violent pour la société. Continuer de vivre normalement dans cette région, parmi les habitants qui m’avaient tout prit, c’était impossible sans que quelque chose pourrisse en moi. Cette moisissure remontait.


Mon sentiment de culpabilité était vis-à-vis de la mort de mon amante, mais surtout de sa déchéance sociale et des souffrances de la fin de sa vie.


L’affection de ma mère et celle pour ma mère. Légères, mais vivantes.


Il m’aida à relire mon histoire et à la réinterpréter différemment, d’une perspective plus calme.

Certainement pas tout en optimisme, c’eut été impossible, mais autrement.


Mes pertes avaient été nombreuses, à commencer par la parole et le droit d’être triste ou en souffrance.

Quelque part je ne l’avais jamais pardonné à la société, au monde entier.


Mes parts d’ombres remontaient froidement, entrainant mes peurs avec elles.

J’avais crûe m’en sortir après avoir fait sortir de moi une créature de malheur. Il en restait encore mille en moi. Ils sortaient en désordre, se dévidant hors de moi comme si je vomissais un océan.


J’avais de l’amertume à en inonder le pays qui avait stagnée en moi.

Je me vidais sans fin, semaine après semaine. Je ne voyais jamais le fond.

Les cauchemars continuaient.

Cela n’en finissait plus. Je m’épuisais à vider mon esprit de ce pus défiant la compréhension, brutalisant la physique même ou presque. J’avais le sentiment d’évacuer des monstres plus grands et massifs que moi-même je n’étais.


Il me prescrivait des médicaments aux effets très pénibles et aux bénéfices insensibles.

J’ai finis par lui dire que je n’en pouvais plus de ne pas voir la fin de ce processus de guérison.

Il m’a aidée à réaliser le chemin parcouru.

Mon deuil s’apaisait. Ma tristesse et ma douleur se calmaient de plus en plus.


Les monstres que j’évacuais me faisaient mal et retenaient mon attention, m’empêchant de remarquer que cette douleur, cet effort, améliorait tout ce que j’étais en arrière et autour. Quelque chose se raffermissait et refleurissait même, parce que j’étais en train d’exorciser par la parole mon malheur.

Par ma voix, l’eau putride de ce marécage en moi s’évacuait, révélant le sol à nouveau.

Et quand j’arrivais à stopper cette purge, je pouvais commencer à ressentir que le sol redevenait ferme et que des choses bien pouvaient revenir.


Le noir de la nuit perdait enfin sa teinte sinistre.

Cette sensation redécouverte était le sommet émergé d’un processus gigantesque que je faisais progresser.

Le noir me redevenait agréable, c’en était mon phare.

Les étoiles et l’espoir revinrent dans l’obscurité.

L’imagination revint.


Avec le temps et l’effort, la panique des rêves se calma aussi.

La tristesse ne s’estompa pas exactement, mais changea de visage pour devenir plus avenante, presque agréable.

Je redevenais moi-même, effarée de l’immensité de la douleur qui m’avait séparée de celle que je reconnaissais être moi.


Mon regard redevint, ou devint, plus sûr et calme.

Les cauchemars s’étaient évaporés.


Je me sentais mieux jusque dans mes rêves, où ma confiance retrouvée me redonnait du poids.

Même là, l’obscurité redevenait limpide comme une nuit dégagée.


Rien d’autre que le calme à observer autour de moi. L’impression étrange s’était dissipée.


Jusqu’à une nuit étrange, où quelque chose encore plus étrange bascula.


~



評価をするにはログインしてください。
ブックマークに追加
ブックマーク機能を使うにはログインしてください。
― 新着の感想 ―
このエピソードに感想はまだ書かれていません。
感想一覧
+注意+

特に記載なき場合、掲載されている作品はすべてフィクションであり実在の人物・団体等とは一切関係ありません。
特に記載なき場合、掲載されている作品の著作権は作者にあります(一部作品除く)。
作者以外の方による作品の引用を超える無断転載は禁止しており、行った場合、著作権法の違反となります。

この作品はリンクフリーです。ご自由にリンク(紹介)してください。
この作品はスマートフォン対応です。スマートフォンかパソコンかを自動で判別し、適切なページを表示します。

↑ページトップへ