Chapitre 01 - Mon monde
Mon histoire n'est ni belle ni intéressante.
Même si on a fini par me traiter de sorcière, ou d'ange.
A
Il était une fois une belle histoire.
Que ce fut un amour tendre ou une belle aventure, une romance qui donne valeur à ma vie fut tout ce que j’espérais.
Tout ce dont je rêvais, c’était qu’une signification et une utilité agréable s’offrent à ma vie. Vivre heureuse, avoir une vie bien.
La vie, ou le monde dans lequel je vécue, ne l’a pas permis. Dieu ne l’a pas voulu.
Mais avant lui, ou peut-être à cause de lui, mon malheur débute bien avant que je ne me heurte aux mœurs que les gens d’église défendaient aveuglément en son nom.
Le problème d’une règle stricte, c’est que l’on finit tôt ou tard à se heurter à une situation où celle-ci devient contre-productive face à son but premier.
Le problème d’une règle laxiste, c’est que l’on finit par ne plus s’en soucier, et l’esprit d’un règlement est soumis aux interprétations culturelles du moment.
Ça veut simplement dire que la justice et les lois des hommes sont une hypocrisie permanente plus ou moins mal assumée. Et brandir le nom de Dieu pour faire valoir un argument, un droit, une raison, une loi, ou une antériorité, une valeur morale ou culturelle, c’est le bout du chemin de la politique.
Ce monde est moche. Ce monde est mal foutu. Parce-que tout le monde veut vivre au mieux. Je ne peux le reprocher à quiconque ni même à l’espèce. C’est aussi naturel que tous les instincts qui nous animent. Le problème c’est que si notre intelligence et nos cultures ne nous permettent pas de transcender les lois de la jungle et de la régulation naturelle des surpopulations quand les ressources viennent à manquer...
Alors à quoi bon ?
L’économie, l’argent, est l’un des plus anciens monstres que l’humanité a créé pour se transcender.
Cet être informe dont nous sommes les cellules, c’était un bon serviteur, un moteur. C’est un mauvais maître. Et les luttes des classes et répartition des richesses depuis le début, ne sont pas sans rappeler une chaine alimentaire, une échelle de domination qui n’est finalement pas bien éloignée d’une loi de la jungle artificielle.
La loi du plus fort est toujours la même, sauf que la force physique a été substituée par la force financière.
Est-ce mieux ?
La condition humaine s’est améliorée. Mais elle n’a pas résolu son problème fondamentale en ne faisant que le substituer.
Les cultures religieuses, sociales et politiques. Ne sont-elles pas similaires ? Des organismes sociaux transcendant les humains en longévité pour mieux les unir et les aider à prospérer.
Mais qui ne parviennent pas à se distinguer des sociétés d’insectes en cela qu’on reste racistes, esclavagistes, égoïstes, intolérants et terriblement peureux. La peur gouverne toujours le monde des vivants, bien plus que Dieu ou l’argent. Ces derniers ne sont que des digues pour tenter de canaliser nos peurs. Ancestrales ou modernes, les peurs humaines nous définissent autant que notre génome.
Elles n’ont pas changées, nous sommes globalement incapables de les dépasser.
La vie est plus agréable aujourd’hui, parceque nous nous sommes intelligents et avons construits toutes ces transcendances au fil de l’Histoire.
Mais nous n’avons pas évolué. Pas plus que n’importe quelle autre espèce qui est gourmande en ressources et ne parvient pas à se réguler d’elle-même avant que les pénuries ne le fassent avec une violence infiniment plus grande.
Nous sommes en réalité incapables d’anticiper en tant qu’espèce. Nous le sommes déjà très peu et bien rarement en tant que peuples ou pays.
Et nous avons encore moins évolué que les insectes en cultivant nos castes, où l’argent substitue la force physique d’autrefois.
Et encore, notre économie a cela de ridicule qu’en étant dématérialisée, elle autorise des individus à avoir des richesses absurdes.
Des milliards ? Cela n’a pas de sens. Quand les règles de puissance étaient dictées par les seules aptitudes physiques, il y’avait les limites biologiques et organiques pour nous distinguer. Nos créatures artificielles n’ont pas de limites, car virtuelles, et notre jungle en est devenue une foire aux absurditées en plus d’être incapable de se montrer beaucoup plus juste et équitable.
Un homme riche de milliards a moins de logique que s’il était capable de porter sur son dos un milliard de litres d’eau.
Et le pire, c’est qu’ils en sont plus conscients que la majeure partie de la population, et préfèrent donc investir cette fortune immatérielle dans des biens tangibles, synonymes de réel pouvoir et possession. Des terrains, des logements, des bijoux, de l’art, des industries.
L’art est le seul monstre qui s’éloigne le plus du schéma primitif, même si au final il y obéit quand même.
L’humanité court à sa perte, pas à cause d’une guerre nucléaire ou de la pollution qu’elle engendre.
Non. Bien plus simplement parceque comme des bactéries dans un milieu nutritif limité et au renouvellement limité, notre gourmandise instinctive, notre peur de la mort en vérité, nous pousse à nous répandre sans considération de l’avenir.
Ou du moins, même si certains en ont conscience, l’espèce continue sur sa croissance gourmande vers une grosse régulation automatique des populations.
Il y aura une terrible crise. Nous y survivrons sons doute, vu que nous sommes plein de ressources. Mais nous n’aurons pas été assez intelligents pour éviter consciemment cette grosse purge qui s’annonce.
Et n’espérez pas que la purge soit juste ou équitable.
Quand la famine touche la jungle, le haut de la chaine souffre aussi, mais pour l’humanité, la richesse a cet intérêt qu’elle remplace tous les besoins.
Les plus riches survivront.
Vous avez vu ? On arrive à faire pire que la jungle. Il n’y a aucun espoir en tant qu’espèce.
Seul compte l’individu, et chacun veut naturellement son bonheur, son confort et naturellement vivre, et si possible se reproduire.
C’est naturel. C’est ce qui nous limite. C’est ce qui ne nous distingue pas des bêtes, et c’est ce qui nous fera prochainement souffrir et mourir pire que des bêtes par milliards.
Et même si l’humanité s’unissait, se reprenait différemment et parvenait à réellement évoluer de façon à éviter cette crise à venir… Ou bien même si cette crise n’avait jamais lieu, pour une raison ou une autre ; cela ne change rien au temps présent dans lequel j’ai vécu.
Ce monde inégal et injuste n’est pas révoltant. Il est juste terriblement triste en cela que nous n’avons pas réussi à perpétrer d’autres schémas que ceux les plus primitifs des sociétés animales ou microbiennes.
Occasionnellement un peu mieux, mais occasionnellement pire également.
Nous ne sommes pas comme ces insectes qui font la course aux armement du sexe. C’est déjà ça. Mais sommes-nous à l’échelle du monde bien différent de sociétés d’insectes ou de bactéries ?
Nous ne sommes pas aussi uniformes que des bactéries ; des champignons plutôt.
Et notre langage nous sert à communiquer au sein de ces transcendances que nous avons créées. Et nous croyons être tellement plus que de simples microbes à cause de cela.
Nous ne sommes pas des cellules d’un grand organisme unifié et capable de nous gérer.
Nous n’avons pas réussi cela, même si on tente d’apaiser nos peur en le croyant, ou en combattant et tuant pour cela.
L’intolérance est une réponse à une peur interne en lien avec cette conscience mal admise que l’on est bien toujours de simples animaux dissociés, et non des cellules harmonieuses au sein d’un tout bien organisé. L’intolérance est bien cela plus qu’une réponse immunitaire à une menace envers la transcendance à laquelle on pense appartenir.
Chacun défend ses convictions et sa culture, pensant défendre un tout plus vaste et plus juste que lui-même.
La vérité c’est que chacun ne fait que se rassurer face à ses propres peurs primales. Et cela en fonction des moyens que notre jungle lui a donné depuis sa naissance…
Nous ne valons donc pas mieux que des animaux. Même si je concède volontiers que nous sommes bien plus aimables et empathiques que certaines bestioles. Que nous ne soyons pas parmi les pires ne fait pas de nous les meilleurs que nous pourrions être pour autant. Et même si nous étions les meilleurs du vivant, nous sommes toujours incapables de dépasser ses lois et règles injustes ou dangereuses et douloureuses.
Au mieux nous remplaçons les problèmes par d’autres. L’attribut du pouvoir a été substitué, par l’argent ou l’intelligence, selon la transcendance que l’on préfère étudier.
Les guerres sociales continueront d’exister comme toujours.
Et quand tout le reste échoue, nous en venons aux armes et aux mains comme les animaux que nous sommes restés au fond. Même si nous aimons à nous croire meilleur que cela et bien au-delà. Ça nous rassure de le croire.
Le monde se trompe et seuls les imbéciles ne changent jamais d’avis. Savoir remettre en question ses idées, son comportement et ses croyances, c’est une des grandes qualités de l’humain. Il serait dommage de ne pas le reconnaitre et de ne pas s’en servir avec intelligence.
Ce monde moche et sans espoir, il m’est aussi arrivé de le voir différemment. C’est mon histoire.
Une humaine parmi cent milliards.
Une bactérie qui ne changera jamais ni le monde, ni l’Histoire.
Une vie insignifiante, dans le recoin d’un pays quelconque, à une époque quelconque.
Un petit rien, pour qui sa propre existence vaut tout. C’est normal, comme pour chacun, comme pour chaque être vivant, ma propre vie et existence était le plus important. Mon histoire était naturellement douloureusement importante pour moi.
Ma vie commença mal. Je ne suis pas née parmi les pires, mais certainement pas parmi les meilleurs non plus.
En pays, en époque, en famille, en culture…
Bien vite, j’apprit et découvrit ce monde que j’ai décrit. J’ai compris cette réalité au travers du filtre Sali de ma propre souffrance. Comme toute humaine, aussi simplement.
Une simple humaine parmi cent milliards.
Insignifiante à toute échelle autre que la mienne. Insignifiante aussi dans ce monde en tant qu’individu.
Cela ne m’a certainement pas empêchée de vivre, de souffrir, et parfois d’espérer.
Je n’en attends rien.
De ma vie, de cette petite histoire que j’écris. Je ne suis rien.
Je suis seule, même si un amour me touche, et j’ai peur, même si un amour me touche…
Pourquoi écrire cette histoire insignifiante si nihilisme et pessimisme régissent mon existence ? Eh bien, parceque la réalité est plus complexe que ce résumé ne peut trahir. Et aussi parceque mes expériences m’ont amenée à trouver utile d’écrire ce récit.
Voyez pourquoi si le cœur vous en dit.
Voila donc ma vie, mon rien.
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