表示調整
閉じる
挿絵表示切替ボタン
▼配色
▼行間
▼文字サイズ
▼メニューバー
×閉じる

ブックマークに追加しました

設定
0/400
設定を保存しました
エラーが発生しました
※文字以内
ブックマークを解除しました。

エラーが発生しました。

エラーの原因がわからない場合はヘルプセンターをご確認ください。

ブックマーク機能を使うにはログインしてください。
Solaris Ikizkuz Kardesler  作者: 蕤
Recto
8/24

Recto - partie 7

Éloïse marqua une pause. Elle avait longuement parlé, et réalisait seulement à cet instant que l’environnement qui l’entourait ne pouvait pas être réel. Elle était en plein rêve, obsessif, fiévreux. Le genre de rêve dont on se réveille sans doute en sursaut et en sueur. Elle s’y sentait bloquée, obligée de terminer quelque chose d’oppressant pour pouvoir en sortir.

Ce qu’elle devait terminer, c’était d’évacuer ce qu’elle avait sur le cœur à cette silhouette couleur crème qui flottait devant elle en envahissant son esprit...


Élo- Quelles que soient les étrangetés qui peuvent affliger mes filles, je les aime. Elles sont à jamais le plus grand bonheur de ma vie. Leurs quatre ailes déployées, elles s’envoleront pour briller...


Éloïse ne voyait rien autour d’elle...La voix de son interlocuteur ne répondait pas à ses questions. La silhouette se détachait très lentement du décor inexistant. C’était l’image de la plus belle personne qu’elle pouvait inventer qui tentait de se peindre...C’était l’ange qu’elle avait déjà rêvé par le passé.


Éloïse releva les yeux sans répondre à une question ou une autre qu’elle entendait résonner dans sa tête. Elle perdit son sourire doux habituel. Une expression froide se dégageait d’elle. Quelque chose de vaste s’étendait autour d’elle. Éloïse déployait quelque chose d’invisible, inconsciemment. Quelque chose sans image que son interlocutrice percevait cependant parfaitement. Un malaise avait besoin de sortir. Éloïse soupira.


Élo- Les voir...Me donne parfois l'impression que je ne suis pas leur seule mère... C'est un sentiment désagréable. Comme si une partie d'elle ne venait pas de moi...


Élo- Elles ressemblent aux revers d'une même pièce pour moi. L'une est plus vive et extravertie que l'autre, qui est plus timide et discrète. Je crois que c'est un phénomène courant chez les jumeaux non ? Qu'ils se spécialisent en quelque sorte, dans des voies complémentaires. Mais elles sont toutes les deux gentilles et adorables. Elles ont peut-être développées des qualités différentes et complémentaires, mais le fondement, c’est qu’elles sont gentilles.


Élo- Leur lien l’une à l’autre en revanche... Il m'inquiète un peu celui-là parfois aussi... Je n'ai pas de certitude qu'un lien aussi fort soit bon pour leur futur...Avec le temps les enfants se séparent, mais elles, c'est comme si elles se rapprochaient toujours plus... Elles ont l'air heureuses, donc je préfère leur faire confiance. Je suis même un peu jalouse en fait, car moi je suis complètement écartée. Même si elles m'aiment, je sais qu'elles pourront me quitter sans problèmes. Par contre elles, je ne vois pas comment elles pourraient se quitter maintenant. J’espère juste que cela restera un lien heureux et ne deviendra rien de triste ou néfaste, parce qu’il est plus fort que tout. Je suis la première à dire que la normalité n’est pas forcément le meilleur choix, mais je reste un peu inquiète malgré ça...


Élo- Comme les serpents ? Je ne sais plus pourquoi, mais je n'ai plus le sentiment qu'ils soient un danger...Je ne sais pas ce qu'ils sont ou ce qu'ils veulent par contre. Peut-être qu'ils vivent parce que certaines personnes peuvent les voir ? J’ai choisie d’avoir confiance en mes filles, même pour ça. Que puis-je faire d’autre contre ce qui n’existe pas dans le monde que je perçois ? Je ne veux pas sombrer dans la paranoïa...


L’interlocutrice marqua un silence. Elle ne chercha pas à lui rappeler le rêve où elle l’avait rencontrée. Celui où elle l’avait apparemment convaincue que les serpents blancs étaient inoffensifs, et que c’était autre chose qu’il fallait craindre.

L’image de l’interlocutrice, humanoïde, évoquait un sentiment apaisant à Éloïse.


Elle partageait avec beaucoup de légèreté une impression, une idée ou une autre, qui n’atteignait pas vraiment Éloïse. C’était comme si une amie tentait de lui faire des confidences en murmurant trop bas ; tout ce qu’elle entendait n’était que de légers souffles, accompagnés de cette sensation d’intimité et de confiance entre elles. Mais ce rêve pulsait bientôt au rythme d’un cœur qui voulait se réveiller. Éloïse se retrouvait de nouveau à réaliser de façon consciente qu’elle était en plein rêve.


Éloïse redécouvrait ce visage tendre aux couleurs claires. Un visage de jeune fille qui n’était pas familier, mais lui était agréable à regarder. L’image de douceur remua très légèrement. Cette apparence était celle que cette chose conserverait avec elle désormais, ce serait la seule qu’elle n’aurait jamais. Éloïse allait bientôt se réveiller, tandis qu’elle allait retourner dans le néant d’un sommeil sans fin.


La forme beige clair de peau reprit la parole en redressant ses yeux vers le regard d’Éloïse. Celle-ci ne réagissait plus à l’apparence qui lui parlait.


- Réveilles toi... Réveilles toi Éloïse...


~~~



Prume fit un jour une belle surprise à sa sœur en acceptant de s'entraîner avec elle ; en douceur toutefois. Elle n'aurait jamais pu bloquer un des coups de pieds d'Elyne sans se briser un os. Elyne était ravie de la voir bouger un peu plus que d’ordinaire. Cela changeait quelque chose pour elle.

Dans ce petit gymnase près de chez elles. La petite salle de sport libre d’accès n’avait pas grand monde ce jour-là, ce printemps invitant à sortir des salles. Prume se changea pour la première fois dans un habit plus commun. Les quelques autres personnes présentes ne s’intéresseraient pas aux deux fillettes. Elles s’approprièrent un bon morceau d’espace pour pratiquer.


Prume n’appréciait pas vraiment ce sport, elle n’avait pas envie d’en faire régulièrement. Mais très occasionnellement, comme une fête, elle appréciait de faire cela. C’était l’opposé d’une fête, il n’y avait qu’elles, pas de bruit, pas d’aspect festif. Mais un autre aspect était là, un qu’elle préférait. Dans ses habits légers cette fois-là, même si les longues traces dépassaient. Sentir les articulations dans chaque doigt qu’elle bougeait, dans chaque orteil, puis l’air glisser autour de ses mouvements, c’était quelque chose d’aussi plaisant qu’une fête.


Prume soufflait longuement pour vider ses poumons avant de s’élancer sur les tapis. Une course sur quelques mètres, une attaque en expirant le reste d’air et contractant les muscles de ses membres. Elyne ne s’était pas laissée atteindre et envoyait aussitôt sa sœur s’étaler au sol à la suite d’un coup sans pitié dans le flanc. Prume avait un peu mal, mais cette douleur physique due au sport, c’était autre chose que des souffrances d’ordre médical. Elle se redressa en souriant. Elle était contente. Elyne souriait avec une joie fracassante.


Ely- Allez sœurette, montre moi qui est la plus forte !

Pru- Hum, c’est toi évidemment.

Elyne hocha négativement la tête, un sourire moqueur au visage.

Ely- Tss tss...Montre-moi ce dont tu es capable. Je sais qui tu es moi. Tu ne me convaincras pas avec quelques paroles...


Prume se releva, rattacha ses cheveux en arrière avec un élastique et ajusta son habit. Son torse griffé se recouvra du tissu. Elle se positionna comme Elyne faisait, et expira. Elle réattaqua une fois tout l’air expiré.

Elyne mesurait la puissance dans ses coups, mais restait impitoyable. Prume fatiguait rapidement, et finissait par avoir mal de partout. Elyne porta une attaque, en poussant sa voix dans ce qui sembla pour Prume être un cri de bataille. Sous l’impact brutal contre elle de tout le bras droit de sa sœur, de coude à épaule, Prume s’envola brièvement. Elle eue le temps d’être surprise, puis tomba à plat dos sur toute sa longueur, une seconde après l’impact.

Le coup avait étonné d’autres sportifs présents. L’adolescente venait de mettre un coup assez bien maitrisé, où elle avait envoyée toute l’énergie cinétique des mouvements de son corps dans le thorax de la fille, de sorte à la dégager littéralement en l’air. La surface d’impact étant large, cela n’était pas très douloureux, mais relativement impressionnant. Prume avait vraiment volée sur plus d’un mètre.


Elyne appela sa sœur à se relever. Prume se releva, un peu secouée, mais un sourire large au visage. A son tour de jouer à la sauvage. Elle se remit en position, se contracta, puis poussa un cri rauque particulièrement fort. Sa voix portait et résonnait. Elyne fit l’erreur d’être surprise par l’intensité du cri, et de ne plus faire attention à ce qu’elle aurait pu voir pendant la fraction de seconde où elle réfléchissait sur le son entendu. Prume avait courue et rejoint Elyne, un peu sur sa gauche, l’angle mort de sa vision. Celle-ci s’apprêta à parer le coup à temps, mais Prume voulut tenter la même attaque. Au lieu d’envoyer son poing, elle contracta tout son bras droit pour l’envoyer contre le ventre d’Elyne en poussant un nouveau cri sourd. Le son la troubla à nouveau, mais le coup ne fut pas assez efficace pour l’envoyer au sol. Prume n’avait pas sa force et sa technique. Elyne eut le souffle coupé un instant, et renvoya sa sœur au tapis.

Elles s’arrêtèrent là, Prume n’en pouvait plus, et était déçue de ne pas avoir réussie à envoyer Elyne au tapis au moins une fois. Elyne la félicita tout de même sincèrement pour ses efforts. Elle avait quand même été surprise.


Éloïse fut d’abord surprise de voir Prume revenir le visage bleuit et avec des courbatures, mais en les voyant toutes les deux sourire aussi largement, elle fit de même. Prume ne referai probablement que très rarement des combats comme cela, mais à l’occasion, elle s’en amusait aussi. Elyne avait été ravie, non pas d’écraser un adversaire d’un niveau incomparable, mais de jouer avec sa sœur à ce sport. Et puis de l’avoir vue s’habiller un peu différemment, c’était aussi quelque chose d’agréable.


~~~



Cette période paisible était l’avant dernière de l’ère pour les trois Gains. La dernière longue époque où la famille pouvait profiter de son bonheur. Contrairement à la quasi-totalité des autres familles, les Gains allaient être l'exception qui serrait aberration. Elles finiraient par souffrir ; mais la sérénité avait encore quelques belles années devant elles en ce printemps vingt-quatre.


Ces quelques derniers mois de collège furent les plus doux et les plus chaleureux. Prume se permettait même de temps en temps de montrer un peu ses cicatrices aux chevilles, aux jambes, aux bras et aux poignets. Malgré son apparence qui restait stable, elle avait un peu de confiance et d’optimisme. Elle profitait de ce qu’elle faisait et vivait. Même si les différences continuaient d’augmenter, elle était plutôt contente.


Accompagnée d'Elyne, Maya ou parfois Néphéline, Prume continuait ses activités, et ne restait plus prostrée dans son coin comme pendant un temps douloureux. Même si elle n’avait pas encore trouvée de grand espoir, elle profitait du présent. Même si elle ressemblait à la cadette qu’aurait eue Elyne.


Néphéline avait malencontreusement presque atteint la taille de Prume. Elle avait eu une croissance rapide jusque-là. Elle restait une fillette bien jeune, et avait du mal à se faire à cette taille si proche de celle de Prume. Dans un sens, elle avait l'impression que Prume était encore loin devant elle, mais ce n'était plus la même direction...

Néphéline n’avait pas envie de changer le rapport qu’elle avait avec Prume. C’était un lien moins direct que pour Elyne, mais elle aussi partageait l’angoisse de la fille Gains. Prume avait partagée avec son amie la lourdeur qui pesait sur ses épaules balafrées. Elle lui avait racontée ce qu’elle avait vécue, et ce qu’elle craignait. Néphéline avait été honorée de recevoir cette confiance, même si elle n’en avait pas demandée tant par humilité. Prume savait qu’elle pouvait lui faire confiance. Même si Néphéline était impuissante, elle compatissait fortement. Elle pouvait la conforter un peu en étant là, guère plus à son regret. Elle partageait là quelque chose avec Elyne, mais avait au moins le soulagement de n’avoir toujours pas eue l’impression de la rendre jalouse en s’accaparant Prume. Elle avait encore de la peur face à Elyne malgré leur point commun...


Les familles Gains et Coppelnheart, se retrouvaient régulièrement, parfois avec la fille Wolframite et plus rarement sa grand-mère. Ils étaient tous devenus assez proche.


Il y eut les plus joyeuses des vacances pour elles cette année-là. Semblables aux précédentes, mais bien plus heureuses. Prume était vraiment libérée, comme si le poids de la menace avait disparu, alors qu'elle la ressentait en permanence à l’époque où elle ne la connaissait pas vraiment. Elle ne s’était pas attendue à ce qu’elle aille mieux qu’avant, quand elle avait appris ce qui lui arrivait.


Pour la première fois depuis huit ans, Prume se baigna à nouveau dans le lac de la ville, à la plage. Son maillot laissait bien évidement vois les zébrures blanches qui n'épargnaient que les extrémités des membres et la tête. Éloïse avait été d’accord avec ses filles pour y retourner. C’était là que Prume avait fait son premier malaise là, à cause du soleil, mais elle était plus grande, et les trois étaient plus confiantes. Elles essayaient, et tout se passa bien.

Son bronzage rapidement notable mis en valeur ses traces blanches de plus belle. Elle donnait plus l'impression d'être maquillée que d'être couverte de cicatrices. Éloïse se sentait mal à la vue de ces marques ; mais étonnamment, Prume riait. En jouant avec sa sœur elle riait, et cela la soulageait infiniment. Leur mère se détendait, et profitait avec elles de l’été.


Une fois bronzées au maximum, les jumelles avaient vraiment l'air différentes. Leur peau habituellement claire pouvant vraiment devenir brune au point de devenir plus sombre que leurs cheveux. Elyne semblait avoir l'œil gauche plus blanc que jamais. Quant à Prume, les cicatrices de sa sclérodermie d’autrefois étaient d’autant plus contrastées. Elle avait obtenue l'apparence d'une drôle de créature à fourrure rayée, ou tout au moins avec de nombreuses lignes qui ne lui offraient aucun camouflage. Ces faux traits de peinture avaient pris un aspect moins inquiétant sous ces couleurs de peau. Cela n’avait plus l’air de cicatrices.


Les deux sœurs avaient un teint de chocolat au lait, et chacune avait leurs particularités qui retenaient les regards. Malheureusement ce n'étaient pas souvent des regards d'admirations ou d'envie ; ils étaient généralement de craintes, de malaise naturel et parfois d’une peur instinctive, face à ces enfants différente. C'était leur fardeau ; mais celui-ci n'était pas si lourd pour elles, car elles étaient en bonne forme et contentes en ce temps-là. Ensembles, elles étaient fortes. Elles jouaient sans se soucier de ce que les autres pouvaient penser, ils n’avaient aucune importance.

Rien n'aurait pu les affaiblir tant qu'elles étaient sœurs, elles partageaient un lien qui allait au-delà. Aucun de leurs liens de jumelle n'avait failli, et malgré l’avance du temps, au contraire ils se renforçaient. Jamais elles n'imaginèrent cependant que cette période parmi les plus belles de leurs vies se finirait cette année.


~~~



Les filles entrèrent au lycée. Étonnamment, Prume choisissait une orientation plus scientifique et Elyne une plus littéraire. Prume pour ses goûts aux découvertes scientifiques ; et à cause de sa lassitude de la lecture et des écrits. Elyne pour encore essayer de comprendre l'histoire humaine...Ce serait en vain, mais cette première année obéissait à ce choix. Même si Éloïse s’était attendue à l’inverse, elle ne les contraria pas dans ces décisions ; sachant qu’elles pourraient toujours changer d’avis les années suivantes. Elle ne s’était évidemment pas attendue à ce qu’elles suivent le même chemin qu’elle, dans des études artistiques.


Les meilleurs jours étaient ceux qu’on se souvenait avoir vécu le plus rapidement. Ils ne paraissaient plus rapides qu’à postériori cependant. Les durées tendaient vers ce point proche. Ce dernier état douloureux. Le dernier de l’ère, celui qui annonçait le début de l’effondrement. Sous les mouvements vagues des six serpents blancs, quelque chose d’invisible changeait encore. Une nouvelle étape douloureuse de la pseudo croissance de Prume se préparait. Celle qui annonçait l’un des pires passages de sa vie.


Quelques mois. Leur anniversaire. Elles fêtèrent leurs quatorze ans, avec leurs amis chers. La veille, Néphéline avait fêtée son neuvième avec Prume ; dans une ambiance beaucoup plus calme que pour celui des jumelles. La fille n’avait pas les mêmes goûts et habitudes que les Gains. Un gâteau et du temps à jouer ensemble étaient suffisants pour la combler. Chez les Gains, il y’avait une envie de faire venir plus de monde, les amis, leurs parents, même un peu plus large. Une coutume à laquelle Néphéline se prêtait contre son gré, mais tolérait pour Prume.

Elles souriaient toutes ces jours-là. Prume avait confiance en elle, les autres aussi.


Deux mois et quelques jours de plus. Et ce fut la fin. Un matin d'hiver en fin janvier. Peut-être était-ce à cause du froid ? Elles étaient en chemin pour le lycée. Il neigeait doucement, le soleil se levait mollement au-dessus des brumes. Prume et Elyne ne portaient plus des vêtements assortis, principalement à cause de la différence de taille entre elles. Elyne avait un peu mal au bas du ventre, elle sentait un pincement douloureux, accompagné d’une sensation bizarre. Elle marchait vite, Prume la suivait. Elyne allait avoir ses premières règles ce jour-là, pas Prume.


Assez soudainement, Prume s'arrêta, la bouche entrouverte ; comme si elle venait de réaliser avoir oubliée quelque chose chez elles. Elle n’avait pas fait de bruit, elle avait juste cessée de marcher.

Elyne s’était raidie, comprenant instantanément qu’elle le devait. Elle avait ressentie un déchirement qui ne s’apparentait plus à son malaise physique. Elyne était tétanisée, sentant une panique exploser en elle. Elle s’était retournée vers sa sœur, pour la regarder avec un regard similairement désolé...Sous leurs pieds, le monde semblait s’effondrer.


Le froid que Prume ressentait ne venait pas de l'air mais d'elle-même. Elle l’avait compris immédiatement. Une sorte de néant s’était installé et brusquement élargit ; comme si un gouffre s'ouvrait en elle-même subitement. Elle allait s’effondrer molécule par molécule sur l’emplacement incertain où elle ne sentait déjà plus rien de ses vêtements, de son corps, de sa personne.


Elyne regarda sa sœur avec cette sensation de s'effondrer à l’intérieur, que tout ce qui la constituait venait de disparaitre, et que seule une pellicule de couleur formait encore son apparence. Prume regardait en l'air ; ouverte au vent. Elle avait senti la même chose, mais en pire. C’était son dernier mouvement contrôlé, relever légèrement la tête. Elle ne voyait plus que la brume, les nuances entre bleus et blancs. L’ensemble devenait uniforme à ses yeux. La dernière sensation de froideur et de vent sur son visage devenait tout aussi uniforme, aussi rapidement.


Son être se dissolvait dans un océan infini et noir. Elle disparaissait dans une mer de chaos, c'était un espace sans étoiles, où le corps et l'esprit disparaîtraient bientôt comme un sucre dans un café chaud. Prume versa quelques larmes sans remuer le moindre cil. Elle écarta ses lèvres tremblantes de quelques millimètres, mais aucun son ne les franchissait. Les muscles disparaissaient chacun leur tour, et le diaphragme était partit parmi les premiers. Quoi qu’elle aurait eue à subir à partir de ce moment, elle ne pouvait plus exprimer par sa voix ce qu’elle ressentait.


Elyne, malgré son impression de fondre littéralement, de se liquéfier et de mourir, parvint à s'approcher en gestes lourdauds, et la saisir par les épaules avant qu’elle ne tombe sur place.


Ely- Prume ! Réponds-moi ! Bats-toi ; sors de là !

Il n'y avait personne dans la rue pour assister à la scène...Aucun être ne semblait capable de partager cet instant, elles étaient perdues comme si cela n’avait jamais existé. Prume semblait être en contact avec l'au-delà, ses yeux s’écarquillant sur quelque chose qu’elle ne voyait pas. Elyne tentait de lui faire reprendre conscience. Elle l’appelait, la secouait, mais rien n’y faisait.

Prume avait les yeux grands ouverts mais ne voyait presque plus rien. Elle n'entendait presque plus sa sœur, et n'arrivait plus à bouger ou réagir. Elle n’arrivait plus à parler, elle n’avait plus aucun sens pour s’exprimer, mais elle souffrait d’une sensation de néant abominable. Elle pleurait soudainement, c'était la seule chose qui montrait qu'elle était encore vivante, qu’elle était encore un peu consciente...

Son corps se détendant, Elyne la tint plus fermement et continua de l'appeler ; sentant en elle-même que sa sœur se dissolvait dans le néant, qu’elle s’éloignait. Elyne commençait à grimacer de douleur et se retenait de pleurer, horrifiée.

Ely- Prume ! Prume ! Sors ! Tu peux le faire ! Tu a plus de force que moi, tu as toujours été plus forte ! Prume lève-toi !

Prume pleurait encore, les yeux ouverts, mais ne répondait pas. Sa tête perdait sa tenue et commençait à pencher misérablement en arrière. Elyne la regarda un instant, et vit le regard bouger très légèrement dans une direction sur la gauche. Prume distinguait peut-être là la dernière chose de sa vie. Elyne regarda au-dessus de son épaule droite et vit trois serpents, dur à distinguer dans un ciel neigeux, mais ils étaient juste au-dessus, toujours en l'air ; la regardant mourir sans réagir.

Ely- Sauvez la !

Elyne hurlait avec une rage désespérée qui s’accroissait ; elle commençait à pleurer. En tenant Prume dans ses bras, elle s’était tournée vers les choses.

Ely- Sauvez la ou je vous détruirais tous ! Sauvez-la !

Elyne hurlait après eux, de rage, de désespoir ; contre la mort, et ces esprits cyclopes qui ne bougeaient pas plus que d’habitude.

La neige ne tombant plus, ce fut une pluie qui vint ensuite, transformant en quelques instants les neiges en boues. Des gens arrivèrent enfin, alertés par les hurlements. Un homme arriva en trottinant, appelant une ambulance en même temps. Il aida Elyne à allonger Prume à l’abri de la pluie le plus proche, contre un bâtiment et prit ensuite son pouls. Il n'en trouva pas. Il vit qu’elle ne respirait plus non plus. Il soupira.

- Elle est...morte.

Elyne écarquilla les yeux, son cœur avait bondi. Elle hurla de tout son être, en effrayant les gens venus l'aider qui s’étaient approchés. L'homme qui se relevait devant elle essaya de dire quelque chose. Sous la violence du coup de poing qu’Elyne lui envoya, sa mâchoire entière fut subitement éclatée ; l’assommant sur le coup. Les derniers passants s'enfuirent à la vue de ce qui avait eu l’air d’un meurtre.

Elyne pleurait, réalisant à moitié ce qu’elle venait de faire. L’homme gisait dans son sang. Elle s’en détourna pour soulever Prume face à elle, la tenant par les épaules. Sa tête tombait pauvrement en avant. Ses yeux et sa bouche étaient mis clos, elle était morte, ou presque.

Ely- Prume... Réveilles toi ! Je ne te laisserai jamais mourir comme ça !

Elle l'attrapa par le cou, et la plaquant au mur de sa main gauche, lui frappa le ventre de l'autre en pleurant ; mais Prume ne pleurait déjà plus.

Ely- Réveille-toi ! Sors de là ! Sors de là !

Elle ne lui mit que trois coup de poing au ventre et au torse ; mais ils auraient réveillés des ours. Elyne abandonna en la ramenant contre elle ; prenant sa tête contre son épaule.

Ely- Prume, revient... Tu ne peux pas mourir comme ça. S'il te plaît revient...

Elle aperçut les serpents en face qui s'agitaient. Ils longeaient le mur.

Ely- Vous, je vais vous détruire, je vous le promets...

Les serpents se mettaient à briller. Elyne crut apercevoir un visage, mais elle ne le vit pas. Elle ne comprit pas ce qui se passait. Ils brillaient ?

Ely- Sauvez ma sœur si vous tenez à vos vies immondes serpents ! Si elle ne guérit pas, vous la rejoindrez très vite ! Je vous hais !

Les serpents approchèrent de Prume lentement. Elyne les regardait en sanglotant ; elle serrait sa sœur contre elle presque au point de l'étouffer si elle respirait encore. Elle n’était pas certaine que les bêtes lui obéissaient, mais elle n’avait plus d’autre espoir. Et pourtant, que ce fut à cause d’Elyne ou pas, ils faisaient quelque chose de nouveau ce matin-là.

Les trois serpents plongèrent dans le dos de Prume. Leurs têtes disparurent dans son omoplate droite. Les queues s'agitaient comme des tentacules qui serraient sorties du dos de Prume.

Ely- Que ? Qu’est-ce que vous faites-vous à ma sœur !

Elyne en attrapa brusquement un. Sa main ne passa pas au travers comme elle aurait cru. Elle faillit le lâcher de surprise. Elle eut un hoquet d’étonnement.

Ely- Ils sont...matériels ?

Elle n'y croyait pas. La peau lisse et froide de la chose se débattait entre ses doigts gelés par la neige et la pluie.

Ely- Ce ne sont pas des rêves ? Ils existent ?

Elyne le serra plus fort, au point de le broyer. Il ne s'écrasa pas, malgré sa texture molle, mais Prume gémit brusquement, comme si elle venait de subir la pression elle-même. Elyne lâcha la chose et redressa aussitôt la tête de sa sœur.

Ely- Prume ! Prume !

Les trois serpents qui bougeaient jusqu’alors de façon chaotique, se mirent à osciller à l'unisson comme une fausse armature d'aile qui se déplierait et se replierait lentement. Prume ouvrit la bouche dans un hoquet, mais vomit dans un soubresaut un liquide noir encre qui s’étala à terre. Elyne ne s’en préoccupa pas.

Ely- Prume ! Je suis là !

Prume retomba. Les serpents rentrèrent dans le dos de leur hôte comme une télévision qui se serait éteinte, presque instantanément. Cela provoqua un spasme chez Prume, qui restait inconsciente, mais restait aussi vivante... Elle respirait de nouveau...

Ely- Prume, est-ce que ça va ?

L'ambulance arriva. Les brancardiers embarquèrent les jumelles et l'homme à la mâchoire explosée. Ils examinèrent en vitesse le blessé et l'inconsciente en les installant sur les civières. Elyne montait à côté de sa sœur, mais jeta un regard désolé vers l’autre homme, dont elle pouvait voir des muscles de la gorge et la langue à vif. Elle l’avait démantibulé et commençait à souffrir de culpabilité.

Ely- Est-ce que...Ils vont s'en tirer ?

- Ta petite sœur à l'air d'aller ; quand à ton père, je ne sais pas ce qui lui à fait ça, mais ça l’a vraiment amoché.

Ely- ... A quel point ?

- Il va falloir lui refaire toute la mâchoire, ça sera long et douloureux...Vu l’état, ce sera une prothèse même.

Ely- Je suis désolée...Ce n'est pas mon père, et c'est moi qui l'ai frappé...Je ne voulais pas.

- C'est ça, et t'a utilisé une boule d'acier pour lui décaper la tête ? Je ne sais pas pourquoi tu dis que c'est toi, mais ça a pas d'importance pour le moment. Reste sage pendant le trajet.

Pendant qu’il commençait à plaquer des produits pharmaceutiques d’urgence sur l’homme blessé, l’autre infirmier avait fini de prendre les mesures de l’état cérébral de Prume. Des appareils affichaient les courbes et figures colorées qui rappelaient des souvenirs désagréables à Elyne.

- La petite est en train de rêver d'après l'appareil.

L’autre brancardier jeta un œil sur l'écran où oscillaient les formes diverses.

- Ta sœur, enfin si elle est ta sœur, est en train de rêver, donc elle va bien.

Elyne en pleura à gros sanglots.

- T'inquiète pas je te dis ; elle va s'en tirer !


Elyne avait eue tellement peur de la voir mourir, elle ne pouvait plus se contenir. Elle pleurait comme jamais, incapable de plus se contrôler. Elle ne pouvait plus répondre, elle ne pouvait plus réagir, elle se laissait emporter à son tour.


~~~



Prume était dans un coma léger, comme si elle dormait très profondément... Elle pouvait réagir à certains stimuli, ses pupilles étaient réactives ; et elle pouvait très certainement entendre ce qu’on disait à côté d’elle. Elle pouvait peut-être même éventuellement répondre, mais ce ne serait pas le cas.


Elyne fut hospitalisée aussi, elle était traumatisée. Éloïse les rejoignit en fin de matinée, et elle trouva Elyne sanglotant dans un coin comme une toute petite fille. Elyne était vraiment sous le choc, et ne s’en remettait pas encore. Ce qu’elle avait vécu ce matin, en plus de ses premières règles, avait été horrible. Elle se dégoutait en plus d’avoir pu faire autant de mal à un type innocent.


Prume était vivante ; mais elle avait failli mourir, et l’histoire se répétait apparemment. Une journée ne lui suffirait pas pour se remettre ; et elle fut internée dans la salle blanche qu'elle avait déjà connue. Son dossier médical était vague, et le médecin avait choisi cela le temps que la situation se calme...


C’était la même chambre où Elyne avait été prise dans la seule coupure de courant à l'hôpital de son histoire. Celle qui avait valu que le sas soit changé. Celle où les deux avaient eue des impressions bizarres. L’une avec une ange, l’autre avec les serpents.


Éloïse était tout aussi écœurée de revoir cela. Le cauchemar recommençait. Même si elle avait su que c’était la dernière fois que Prume serait dans le coma, elle n’en pouvait plus. Elle ne supportait plus cette attente et cette douleur. L’une de ses filles dans cet état entre vie et mort, et l’autre qui souffrait autant qu’elle de la situation. Peut-être même plus...


Elyne, une fois qu’elle eut retrouvé ses esprits et cessée de pleurer, lui expliqua à sa mère, ce qui s'était passé, sans oser lui parler des serpents... Elle-même n’osait pas encore vraiment croire ce qu’elle avait vu et touché.

Étaient-ils vraiment rentrés dans Prume ? Qu’est-ce qu’ils étaient ? Qu’est-ce qu’ils faisaient désormais ? Elle était laissée dans l’ignorance, et pour celle-là, elle savait que personne ne pourrait l’aider. Personne d’autre n’avait jamais vu ces choses...Personne ne savait ce qu’elles étaient...


Laissant sa mère avec le médecin optimiste, Elyne entra voir sa sœur. Le sas déclara comme d'habitude un taux de risque extrêmement faible, envoya quelques jet de fumées et la laissa entrer. Elyne s'approcha de sa sœur, toujours endormie sur le lit en biais. Elle s’en rappelait de l’époque où elle venait lui parler chaque soir. Elle repartait de cet endroit ? Est-ce que tout avait été vain ? Elle se dégoutait à se le demander. Elle avait été contente de passer ces années avec sa sœur. Elle ne les regrettait pas...Si tout devait recommencer, ce serait encore environ deux ans de coma suivit de quatre ou cinq ans de liberté ? Elyne n’était pas sûre que cela marcherait comme cela en le croyant, mais cela la rassurait un peu, de se dire qu’elle n’aurait qu’a supporter deux ans de souffrance, avant de pouvoir à nouveau profiter plusieurs années de sa sœur chérie...Mais cela restait très dur, même dans cette hypothèse qu’elle ne savait pas placer entre optimisme et pessimisme...


Elyne glissa une main sous l’épaule droite de Prume, et la souleva pour regarder son dos, son omoplate. Il y avait trois petites taches noires écartées de quelques doigts l’une de l’autre. Ils étaient presque alignés, en suivant l’arrête de l’os.

Les yeux des serpents... Les trois ronds noirs avaient la même taille ; et la position des serpents quand ils s’étaient plantés...Ces taches ressemblaient à des marques de naissances, Elyne se doutait donc que personne n’y ferrait attention. Autour des trois ronds, des cicatrices, partout...Elyne se demandait comment cela allait finir pour Prume. Elle s’inquiétait. Son corps subissait tellement de dommages.


Elyne réfléchissant quelques instants, réalisant qu'il y manquait quelque chose dans ce qu’elle voyait. Peut-être pire, il n'y avait pas d’erreur... Il manquait des serpents... Elles en avaient déjà vu plus autrefois. Elles en avaient vues six en tout...Si ce n'était pas une erreur que Prume en ait eue trois dans le dos, et pas plus ; c'était que les autres étaient prévus pour elle-même...


Elyne frissonna, angoissée. C'était quoi ces choses à la fin ? Des extra-terrestres ? C’était impossible, pas dans la ville, ils auraient été repérés d’une façon ou d’une autre. Des illusions ? Elle en avait empoigné un. Et ces marques dans le dos de sa sœur confirmaient qu'ils avaient un minimum de réalité physique. Alors qu'étaient-ils ? Des fantômes ? Des fantômes de quoi ?

Elyne pouvait se débattre, c’était en vain, elle ne trouvait pas de réponse.


Elyne laissa sa sœur et ressortit, inquiète pour deux. Elle reprendrait la même routine qu’autrefois, se réconfortant autant que possible en revenant la voir chaque soir. Mais cette fois ce serait plus dur, parce que ce n’était pas un progrès, mais une régression...


Elyne était au lycée...Et pour la première fois, elle ne s'inquiétait non pas pour sa sœur, mais pour elle-même... Ces monstres allaient l'aliéner elle aussi. Ils allaient attendre le moment propice pour rentrer dans son dos à elle aussi. Plus elle y réfléchissait, et plus elle paniquait.

La plus grande peur étant celle de l'inconnu, ces choses-là terrorisaient maintenant ; car elle n'en connaissait rien. Elle ne pouvait même pas être sûre qu'ils avaient sauvée Prume. Elle n’osait pas imaginer qu’ils l’avaient mangée, ou d’autres horreurs du genre...Elle s’en gardait à tout prix pour garder l’esprit.

Prume avait eu une nouvelle crise. Crise de quoi était difficile à dire... Au moins, elle ne s’était pas vidée de son sang, mais la sensation que Prume mourrait entre ses bras avait été terrifiante pour Elyne. Ce trauma reviendrait régulièrement la hanter.


Elyne passa des mois à réfléchir à toutes les questions qu’avait amené ce dernier évènement. Elle ne trouva malheureusement aucune réponse, et sa crainte se développait sur ses vides, l'angoissant toujours plus.


Et Prume ne se réveillait pas. Comme si elle savait que cela aurait été dans la chambre qu'elle ne voulait jamais revoir... Une grande chambre jaune claire avec son lit au milieu. Elle ne grandissait pas. Ses marques étaient toujours là. Rien ne changeait à l’extérieur, mais à l’intérieur, sa conscience souffrait.


Sa mémoire était floue. Le vide, elle s'en souvenait. La sensation de disparaître corps et âme, elle avait l’impression d’en frissonner. L'impression de fondre dans un univers plus noir que l'encre, se dissoudre dans une mer de chaos ; de néant, elle la touchait de l’esprit. Était-ce la mort ? Elle se sentait vivante ; mais que s'était-il passé après qu'elle perde connaissance ? Elle avait le sentiment que quelque chose était arrivé ; mais elle ne comprenait pas quoi, et ne pouvais pas remarquer les marques dans son dos...Elle ne réalisait pas son état, à mi-chemin entre la conscience d’un rêve et le gouffre d’un coma proche. Elle avait une conscience d’elle-même limitée, détachée de ses sensations corporelles...

Quand sa sœur revenait lui parler les jours suivant, elle entendait vaguement, comme si c’était lointain et sans importance. Mais elle savait que c’était important, c’était plus exactement qu’elle n’arrivait plus à fixer son attention sur les paroles...Elle pensait parfois répondre, mais Elyne ne remarquait rien...


Ely- Trois serpents sont venus, tu me les avais montrés du regard. Ils ont...

Pru- Ils m'ont aidée ?

Ely- Je ne sais pas ce qu’ils t’ont fait... Ils sont...

Elyne hésitait, elle avait du mal à lui dire ce qu'elle avait vu.

Ely- Ils sont entrés dans ton épaule ; dans ton dos...

Prume, dans son petit monde sans lumière, ne réagissait pas. Elle n’était pas certaine du sens réel de la phrase qu’elle avait crue percevoir. Peut-être que la voix d’Elyne était rêvée après tout...

Ely- Je ne comprends pas Prume...Je ne sais pas pourquoi c’est arrivé...

Elyne tourna un peu le corps de sa sœur pour pointer d’un doigt dans le dos les trois points sombres.

Ely- Ils ont laissés trois points là, là et là...


Prume aurait probablement partagée la peur d’Elyne de ces choses si elle était éveillée... Prume n’aurait probablement pas sue quoi faire non plus ; mais à deux, c’était différent. Elyne n’aurait pas eue à angoisser seule...Elyne n'osait pas en parler vraiment à leur mère. Bien qu'elle ne les voie plus, elle était encore craintive.


Ely- Tu me manques...


Éloïse se rendait bien compte qu’Elyne n’osait pas lui parler. Qu’il y’avait quelque chose qu’elle n’osait pas aborder...Quelque chose qui faisait peur à Elyne, et inquiétait sa mère, qui elle craignait surtout la cause originelle de la peur...

Mais elle préférait attendre que sa fille lui parle d'elle-même de ce qui la tourmentait, plutôt que de tenter une ouverture forcée, aux risques plus probables et dangers plus importants que la cause initiale, très certainement... Elle se doutait que ce n’était certainement plus ses menstruations qui lui posaient problème.


Un soir, après quelques journées particulièrement maussade, Elyne craquait. Elle lui raconta tout ce qu'elle savait sur ces serpents...Les fois où elles les avaient revus, et tout ce qu’elle avait vécu récemment...Éloïse avait un peu peur, ignorant quelle était la part de vérité dans l’étrange histoire. Ses filles ne lui avaient pas parlée de ces choses depuis très longtemps. Mais ces nouvelles histoires lui rappelaient bien quelque chose. Mais cette fois c’était pire.


Élo- Ma chérie, est-ce qu'ils sont revenus depuis qu’on est revenues de l’hôpital ce jour-là ?

Ely- Non, mais j'ai peur qu'ils viennent pour moi aussi...

Élo- Moi je ne les vois pas...Ils sont peut-être partis après avoir laissée ces marques à Prume ma chérie. Tu sais, depuis le temps qu'ils sont avec vous...Qu’ils vous suivent, si c'est du mal qu'ils vous voulaient, ils auraient pu le faire dès le début.

Ely- Tu penses qu'ils serraient gentils ? Mais comment savoir ?

Élo- Je ne sais pas... Vous aviez déjà essayées de leur parler je crois.

Ely- Ils ne parlent pas. Jusqu'à ce qu'ils entre dans le dos de Prume, ils ne faisaient rien...

Élo- Pourtant, on dirait bien qu’ils ont aidée Prume, tu ne crois pas ?

Elyne doutait. Sa mère, ne sachant rien, ne savait pas trop comment la rassurer...Elle n’avait pas l’intention de commencer à mentir pour autant. Éloïse ne se souvenait pas du rêve qu'elle avait fait, longtemps auparavant aussi ; peut-être bien à la même époque, mais elle avait conservé ce sentiment de confiance envers ces créatures invisibles ; même si elle ne pouvait plus l'expliquer...

Ely- Qu'est-ce qu'on doit faire maman ?

Élo- ... Essayes de garder confiance en vous. Vous êtes fortes, j’espère, mais je crois aussi, qu’il ne vous arrivera rien de dramatique. Je crois que ces bêtes ne vous feront pas de mal.

Ely- Avoir confiance en notre force ? Et toi, tu arrives à avoir...de la foi, en ces choses que tu n’a jamais vue ?

Élo- Mais oui. Vous êtes très courageuses ; vous n'avez jamais baissées les bras quand tout allait mal. Vous doutez juste un peu, parce que vous ne savez que trop peu de choses encore sur ce qui est arrivé...Rassures toi, personne n'aurait su comment réagir face à ça... Et ça te surprend tant que ça que je puisse avoir confiance en quelque chose que je n’ai jamais entendue que par vous ?

Ely- Oui...Je ne comprends pas comment tu arrives à faire ça...

Élo- Tu sais, il y’en a qui disent qu’une mère représente dieu dans les yeux de son enfant...C’est-ce que ma mère aurait dit une fois il parait...Je n’ai pas l’impression que vous me considériez vraiment comme ça ; mais par contre moi, c’est bien vous deux les êtres auxquels je crois, c’est toi et ta sœur.

Ely- Je ne comprends pas ce que tu dis.

Élo- Je crois en vous deux, et ça inclut ce que je ne peux pas voir. Si ces choses sont liées à vous, je leur accorde aussi de la confiance ; parce qu’elles sont liées à vous. Vous êtes fortes, alors c’est seulement si c’était quelqu’un d’autre que je n’aurais pas cet optimisme.


~~~



N’y avait-il vraiment personne dans le monde qui n’en savait plus ? Presque... Il y avait, peut-être quelque part sur terre, une personne pouvant leur expliquer de quoi il s'agissait...

Il n'était pas certain qu’une telle personne existât vraiment ; et elles ne la rencontreraient jamais si c’était le cas. En réalité, une telle personne, capable de répondre à ces questions, elle n’existait pas encore à cette époque. Elle n’arriverait, capable de répondre, que des années trop tard...

Quoi que pouvaient être les théories et présomptions, elles étaient et demeuraient en terrain inconnu. Elyne ne revit pas les êtres blancs avant longtemps.


Elyne avait attrapé le virus de la grippe quelques jours après. Elle était prise de fortes toux qui n'étaient pas sans lui rappeler des mauvais souvenirs, et raviver des craintes. La maladie ne faisant qu'empirer Éloïse l’emmena chez leur médecin, espérant qu'il n'irait pas trop loin dans ses analyses.

Leur médecin était un homme gentil. Il était souriant, et n'hésitait pas à se tourner en ridicule. Les patients détendus, il faisait son travail. Il diagnostiqua une très forte grippe et prescrivit quelques médicaments, ainsi que l'interdiction de sortir dehors pendant au moins deux semaines à la jeune borgne.

Elyne s’affaiblissait à son tour pourtant. Elle ne guérissait pas, elle angoissait...Sa mère l’emmenait voir sa sœur à sa chambre, mais elle ne pouvait plus rentrer...Prume aussi s’était affaiblie ces derniers temps...Quelque chose l’affaiblissait au moins autant qu’Elyne. Celle-ci craignait toujours de voir resurgir les serpents.


Éloïse remmenait difficilement Elyne à leur maison après les visites, celle-ci peinant à se séparer de sa sœur. Elyne se demande ce qui pouvait affaiblir Prume, avant de se préoccuper d’elle-même. Et elle retournait très rapidement douter autour des serpents. Ils étaient toujours l’inconnu, malgré une certaine habitude de leur présence...Elyne n’avait plus beaucoup de certitudes depuis qu’elle avait vu les taches dans le dos de sa sœur. Qu’allait-il advenir d’elle ?

Elyne réfléchissait, mais s’assombrissait. Prume perdait lentement de sa vitalité et de sa réceptivité. Prume s’enfonçait doucement dans un état léthargique qui s’approfondissait.

Comme elle semblait toujours rêver, elle partait en fait pour le plus long sommeil de sa vie, comme si cela devenait une simple nuit...Sa famille n’apprécia pas beaucoup cette formulation maladroite faite par un médecin. Elyne allait guérir de sa première vraie maladie, mais sa blessure allait demeurer. Sa crainte allait perdurer...


Elyne fit confiance à sa mère, et garda péniblement confiance. Elle grinçait, elle contenait son envie de pleurer à nouveau, en voyant et apprenant que Prume s’enfonçait à nouveau dans un coma de longue durée. Elle avait mal, mais elle survivrait. Elle devait être là quand Prume se réveillerait, que ce soit un, dix, cent ou mille ans plus tard...


~~~



Un an passa.


Elyne continuait d’aller au lycée sans réelle motivation. Une part de son psyché était en panne et rien ne l’intéressait pratiquement. Elle avait un cercle d’amis très restreint et en dehors des visites régulières à sa sœur inanimée, la seule chose qui la faisait vivre c’était le sport.


Elyne alternait les activitées les fins de journées. Le plus souvent elle allait passer un moment plus ou moins pénible à côté de Prume. Elle révisait ses cours-là plutôt que chez elles.

Et les autres soirs, autant qu’elle le pouvait, elle allait se défouler dans cette salle de sport où elle s’entrainait au combat.


Elle ne semblait prendre aucun plaisir à cela et son expression faciale glacée la rendait antipathique, tant au lycée qu’à son club de sport.

Le temps passant, l’animosité qui l’entourait aidant, son repli sur elle-même devint un mélange de mépris et d’agressivité.


Son talent naturel pour le sport de combat, en plus de sa force hors du commun, firent d’elle la championne sans mérite. Celle que l’on déteste.


Il y eut quelques bagarres. Elyne eu diverses occasions de prendre quelques coups puérils, et d’en rendre des violents.


D’une manière ou d’une autre, à tâtons dans cette réalité où Prume lui manquait et où le temps continuait de s’écouler doucement, Elyne avançait. Sans beaucoup de bonheur.


Éloïse n’avait plus beaucoup de pouvoir pour guider sa fille sur le droit chemin. Elyne restait assez docile et obéissante envers sa gentille mère. Elyne restait sage chez elles, même si elle avait parfois du mal à contrôler sa souffrance en dehors.


Mais aussi paisible que puisse être leur maison, Éloïse voyait bien que sa fille avait du mal à retrouver le sourire, quoi qu’elles puissent faire. Quoi qu’elles fassent ensemble, il manquait quelque chose.


Elyne passa les années qui se tissaient doucement avec divers hauts et divers bas à son moral. Certains temps elle se sentait libérée et apaisée, confiante.

Durant d’autres, elle souffrait à en envisager la mort, pour elle-même ou pour Prume.


Les sentiments qui l’animaient en la regardant dormir pouvaient changer de couleur violemment parfois. Dans ces moments les plus noirs, Elyne serrait les dents et repartait en courant au gymnase. Là elle se défoulait jusqu’à s’épuiser et se faire terriblement mal.


Le temps passait sans s’en soucier.


~~~



Néphéline visitait le lycée avec un groupe de camarades qui lui avaient été imposé. C’était une journée où les collégiens visitaient le lycée et ses diverses activitése.


Néphéline terrorisait ses camarades garçons et filles, projetant une aura de menace terrifiante autour d’elle, au contact de laquelle l’instinct de tout animal et humain était un peu perturbé.


L’une de ses rares amies tentait tant bien que mal de la suivre parmi les foules, entre les clubs et les salles de travaux pratiques. Quelque chose attirait Néphéline vers les gradins en hauteur du gymnase. En contrebas, sur des tapis, quelques lycéens faisaient des sports de combat. Néphéline reconnut immédiatement en contrebas la seule adolescente qui avait une corne, et une allure de meurtrière.


Elyne avait été enrôlée pour des démonstrations. Elle avait encore une fois récupéré un beau rôle qu’elle n’avait ni voulu ni cherché, et qui lui attirait encore plus d’animosité.

Elle ne cherchait plus à refuser ce genre de chose. Elle se contentait de détruire ce qui tentait de rectifier l’équilibre ou la justice à son encontre.


Quelque chose la perturba et elle tourna le dos un instant à son adversaire. Le regard acéré de Néphéline et celui d’Elyne se croisèrent. Néphéline avait envie de cracher, Elyne était juste un peu surprise, sans animosité.


Elyne fut frappée dans son angle mort et projetée au sol. Elle se releva avec force et écrasa son adversaire. La sueur et la douleur la maintenaient éveillée.


Néphéline repartait. Elyne survivrait sans joie mais survivrait. Néphéline se sentait mal et quitta le lycée alors que la journée n’était pas terminée. L’amie qui l’avait suivie avec peine jusque-là s’arrêta au portail et la regarda disparaitre.


~~~



Elyne avançait, toujours partagée.


Elle avait fini par se lasser du sport de combat et quitta le club. Le gymnase restant en libre accès, il lui arrivait encore parfois d’y aller pour s’épuiser.


Sa mère continuait de peindre, inlassablement. Elle ne changeait ni ses habitudes, ni ses bottes blanches. Cela faisait sourire Elyne à chaque fois qu’elle les voyait. C’était un îlot de stabilité dans son univers. Elle pouvait douter de tout lors de ses déprimes, sauf du fait que sa mère portrait ses énormes chaussures blanches montant jusqu’aux genoux lorsqu’elles se retrouveraient. Toujours.


Éloïse quant à elle pouvait douter de tout, sauf de la force inépuisable de sa fille, qui pouvait bien sembler discrète par moments, mais qu’elle devinait à chaque fois lorsque ce début de sourire réapparaissait sur le visage d’Elyne.

Lorsqu’un soupçon d’aventure se présentait à elle, Elyne souriait involontairement. Elle ne pouvait pas l’empêcher.


~~~



La dernière chose que les yeux embués de Prume virent, ce n’était pas les choses blanches, c'était le regard de sa sœur posé sur elle.... Une vue qui dans le dernier instant, avait changé quelque chose dans son esprit. Ce regard lui avait fait réaliser quelque chose relatif au lien qu’elle avait à sa sœur. Quelque chose qui avait été douloureusement excité comme un nerf à vif.

Ses derniers doutes, autour d’elle et sa sœur, tombèrent dans un puits, et le dernier concernait sa survie ; est-ce qu’elle allait mourir ? Ensuite, l'obscurité revint.


L'ombre, le nocturne se répandait, comme une eau légère et à la fois transparente mais obscurcissante qui la noierait. Prenant brusquement ses vêtements et son corps, avalant les sens rapidement.

Et elle était revenue dans ce lit qu'elle aurait reconnu simplement en s’y réveillant. Mais son esprit se détachait, tout son être s'allégeait et enfin, s'éteignait. La nuit, l'océan infini de ténèbres l'avait engloutie ; en douceur sur la fin, sans douleur ou peur, elle y était partie.


Dehors, le temps s'accélérait démesurément, comme flou, la vie des autres se serait mise à bouger trop vite pour Prume, si elle avait été capable de voir ; de percevoir autre chose que les méandres d’elle-même...Elle était retournée dans un coma qu'elle connaissait bien.


Après un sommeil étrange, une période de néant, Prume s'éveillait à nouveau, à un état de conscience très profond, mais dans les limbes sombres de son être endormi. Elle était dans un rêve du plus profond de sa conscience. Elle n'avait plus de conscience concrète, justement, de la majorité des choses réelles. Elle n'était nul part, elle n'était plus rien de concret, mais elle ne doutait de rien non plus. Son esprit était éveillé au minimum pour la conscience normale. Mais tout en bas de l’endroit où elle était, comme si l’effet de la diminution s’était inversé après un seuil critique, une autre forme de conscience émergeait. Une conscience concrètement ralentie, qui après un an et demi pouvait lui donner l’impression d’une seule nuit.


Prume pouvait à peine penser, et il n'aurait même pas été question de lui demander son prénom, qui aurait nécessité que la communication ait des moyens d’être établie. Que faisait-elle ? A quoi rêvait-elle ? Rien. Pendant cette durée sombre, il n’y avait rien qui passait. Prume était réduite à un rêve sans image.


Et puis, elle réalisa qu’elle était là, à cet endroit, peut-être à nouveau...Une réaction signifiant que Prume avait pensée quelque chose ; et que plusieurs mois s'étaient déjà écoulés. Prume s'était demandée, vaguement, ce qui se passait. Comme à chaque fois, à ce niveau de conscience vague où la mémoire n’était pas accessible, il fallait réactiver les choses les plus élémentaires avant de pouvoir envisager de retrouver son identité. Il lui fallait d’abord, par automatisme ou instinct, réactiver des fonctions, comme autant de boutons à enclencher dans une grande salle de contrôle obscure, où une petite fille ignorante se trouvait perdue.

La petite fille aurait d’abord tournée sur elle-même, découvrant l’incompréhensible, puis finie par choisir des boutons où appuyer. Des facultés à réactiver, des choix à faire. Dans l’immense réseau cérébral, tout pouvait mener à ce que l’on cherchait, mais dans ce monde éteint, sans ordre encore reconnu, l’ensemble était d’abord un labyrinthe invraisemblable. C’était sa conscience assoupie. La petite fille n’aurait pas encore put définir les objectifs comme comprendre l’origine du problème, qui avait mené à cette situation, ou trouver un moyen de résoudre celle-ci. Le début, c’était la perception. Machinalement, celle-ci aurait appuyée sur le seul bouton qui brillait.


Du néant, de l'océan de chaos, naquit alors la lumière. L'esprit profond de Prume était plus clair, au sens figuré de l'expression. Quelque chose s’était un peu ravivé. Elle ne pouvait guère concevoir son univers interne et elle n'en percevait rien encore. Elle percevait à peine sa propre existence. Mais le néant changea lentement. Tout doucement, avec une lenteur infinie, il changea. Des simples réflexes aux automatismes, il restait un fantôme dans la machine, dans la coquille. Des étincelles, plus ou moins hasardeuses apparaissaient. Elles ne décrivaient pas encore le schéma d’une pensée quasi consciente comme un rêve, mais elles formaient l’état de la pensée au niveau où Prume était tombée.


Des perceptions très légères se formèrent méticuleusement. Avec une patience d'une éternité, Prume finit par pouvoir percevoir, et altérer, de légères pensées. Une fausse vue lui ouvrait un faux monde que son esprit avait formé. L’illusion d’une perception, mais encore à son échelle, à peine perceptible depuis la réalité.

Il n'y avait rien encore. Sa sous-conscience n'avait pas accès à la mémoire de Prume. Elle n’avait donc rien à mettre. Ni sol, ni lumière, ni un corps propre. Le monde et elle-même étaient dans le même miasme indéfini. Elle existait donc très relativement encore, dans un univers très primitif, et généré par une fille dans le coma, inconsciemment, à partir de rien. Autrement dit, ce n’était toujours presque rien, mais c’était pourtant le résultat d’un cheminement déjà long, peut-être le plus long. Comme l’apparition de la vie était peut-être considéré comme la plus longue partie du long chemin de l’évolution depuis l’origine de l’univers ; dans celui-ci, le plus long restait le plus insignifiant au final ; ensuite tout finirait par s’accélérer.


La mémoire restant bloquée, la situation ne changea presque pas, malgré les durées infinies qui s'écoulaient. Il fallait que quelque chose la débloque, pour que la conscience de Prume puisse évoluer. Malheureusement, les évènements physiques et sensitifs du monde réel ne pouvaient pas encore l'atteindre. Prume restait donc là, dans une impasse des deux côtés. Elle n'avait pas de corps, presque pas de vie, et elle attendait. Elle attendit des mois entiers. Son état n'évoluait plus. Elle n’aurait évidemment pas été capable de signifier si les fois précédentes où elle était venue là, les choses s’étaient déroulées de façon identique, ou seulement vaguement similaires. Cet état où elle bloquait avait eu lieu auparavant, ou était une nouveauté qui diminuait les espoirs de revenir à la conscience de la réalité.


Pourtant, à un moment difficile à déterminer, il y eut une intrusion. Un changement qui ne venait pas d’elle, arrivée au bout de ce qu’elle pouvait faire à ce niveau.

Des choses apparurent au milieu de l’espace vierge. Des choses qui se formaient en opposition à une personnalisation d’elle-même, qui se formait du coup obligatoirement en simultané. Les choses ne pouvaient exister que dans le contexte où elle était une entité, les deux allaient donc de paire. Les choses forçant l’entrée avaient forcée Prume à retrouver un début de consistance en tant qu’entité.


Cela la fit changer. Une silhouette d’elle-même déjà très représentative de son propre corps pouvait se former, même si elle n’en saisissait pas encore la richesse. Une simple silhouette floue, encore au-delà de ce qu’elle pouvait encore concevoir. Mais celle-là étant déjà dotée d’une précision d’un niveau supérieur aux capacités actuelles, présageait qu’elle allait continuer à les recouvrer.

Des verrous psychiques avaient sautés, et une partie de ses connaissances étaient revenues. Avec certains souvenirs qui structuraient désormais ce monde, elle-même, et ce qu’elle avait face à elle ; la petite bête avait augmenté le niveau de conscience dont elle disposait. Les formes, elle parvenait des lors à les identifier ; à distinguer les couleurs et même à les reconnaître. A chaque pensée, un monde de connaissance pouvait réapparaitre. L’apprentissage apparent était la redécouverte du savoir, et au final du verbe...Prume retrouvait déjà sa langue, avant son visage.


Pru- Les... Anges...

Sa parole n'était qu'une expression au plus profond de son esprit. Dans sa chambre d'hôpital, tout ce qu’elle vivait, ou revivait, ne ressortait que sous une légère activité cérébrale, étendue sur des jours et des semaines. Sa sœur qui passait n’était qu’une nuance de couleur qui apparaissait et disparaissait régulièrement à côté d’elle. Elle l’aurait au mieux perçue comme un rythme qui faisait partie d’elle-même, comme un battement de cœur régulier, sur lequel elle pouvait compter. Elle n’aurait pas encore fait la distinction entre elle-même et le reste du monde ou les autres. Cette nuance colorée régulière, parfois accompagnée ou distancée d’une irrégularité, ce n’était même pas encore une présence.

Prume n'avait toujours pas de corps massif. Face à son propre flou, sa vision d'un univers inidentifiable, et les trois anges qu'elle avait vue dans ses rêves d'autrefois... Un trio grisâtre, aux couleurs vagues, dissipées, qui se tenaient sous une grosse zone d’ombre. Une sorte d’amas d’ombre qu’elle voyait sans pouvoir le définir, et ne percevait donc pas.

Elle se rappelait de détails significatifs pour elle. Elle reconnaissait la grande, elle se souvenait de l’idée de jambes sous la robe. Elle reconnaissait une cape sur la deuxième. Et enfin, elle reconnaissait celle à l'armure vestimentaire. Une armure...Des écailles qui auraient couvertes des portions de corps entières...Le contour d’un cœur noir couvrait le torse de celle-là. On la reconnaissait bien...Elle les reconnaissait avant toute autre chose...Non, la première chose dont elle se serait souvenue, cela aurait été autre chose que ces trois-là. Celles-là, elles avaient trichées, elles n’auraient pas dût être là...


Prume sentait une forme d’oppression, qu’elle comprenait comme leur regard. Prume Qui ne parvenait qu'avec difficulté à articuler toutes ces informations parfois vagues, souvent revenues par à-coups brusques, leurs demanda simplement la première chose logique.

Pru- Qui... êtes-vous ?

Il y’eu des sons, après celui de sa propre voix, les leurs. Il y’eut une ou deux voix, peut-être pas trois, mais il lui sembla que chacune à son tour se présenta. Les voix continuaient de produire des sons dans un ordre abscons pour Prume ; qui ne comprenait pas le moindre mot de ce qu'elles pouvaient être en train de dire, si les sons étaient bien leurs voix. C’était peut-être un souffle de vent, ou autre chose dans lequel il ne fallait pas chercher de langage, qu’elle entendait vraiment.

Pru- Je ne comprends... pas.

Elles ne parlaient probablement pas la même langue. Prume ne pouvait rien saisir de toutes manières, de par son état. Sa propre langue ne revenait qu’avec ses mots à elle, vu qu’elle était encore la seule à les prononcer et pouvoir les comprendre ou les définir...

Quelque chose d'autre apparu alors. Les trois anges lui suggéraient une vision. Elles faisaient un spectacle sensoriel pour elle. Prume n'y voyait d’abord pas vraiment. Une silhouette apparut dans la flaque de peinture qui n’était plus vraiment spatialement localisée.

Au premier coup d'œil, Prume crut vois sa sœur, redécouvrant quelque chose de vital. Tout était trop flou et s’estompa, mais le poids du souvenir d’Elyne se fit sentir. Prume tomba et se vaporisa, avant qu’une nouvelle silhouette ne réapparaisse debout ; mais en conservant l’impression de fatigue extrême. Les souvenirs de sa propre vie revenaient en masse et l’épuisaient. Prume repoussa toutes les visions que les anges formaient, hors d'elle-même.

Pru- Laissez-moi...

Toutes ces couleurs illusoires s'évanouirent aussi simplement qu'elles étaient apparues, par création de l'esprit de Prume. Les anges disparurent aussitôt qu’elle l’avait souhaitée, avec leur aura, leurs soupes de couleurs et la silhouette qui lui avait rappelée Elyne. Tout était reparti comme si elle en avait été la première et seule instigatrice depuis le début...

Son esprit était disparate, les souvenirs revenaient de points divers, et se multipliaient. Les anges rêvées, quelle que fut leur origine, furent bientôt oubliés derrière un océan de connaissances trop vaste pour leur laisser leur place.


Prume avait alors à peine plus de vigueur qu'une personne profondément endormie...Le temps défilait dehors, mais concrètement, rien ne semblait évoluer dans son esprit. Ses réflexions étaient trop lentes pour être perçues, son activité physique et cérébrale trop maigre pour être vraiment jugée.


~~~


評価をするにはログインしてください。
この作品をシェア
Twitter LINEで送る
ブックマークに追加
ブックマーク機能を使うにはログインしてください。
― 新着の感想 ―
このエピソードに感想はまだ書かれていません。
感想一覧
+注意+

特に記載なき場合、掲載されている作品はすべてフィクションであり実在の人物・団体等とは一切関係ありません。
特に記載なき場合、掲載されている作品の著作権は作者にあります(一部作品除く)。
作者以外の方による作品の引用を超える無断転載は禁止しており、行った場合、著作権法の違反となります。

この作品はリンクフリーです。ご自由にリンク(紹介)してください。
この作品はスマートフォン対応です。スマートフォンかパソコンかを自動で判別し、適切なページを表示します。

↑ページトップへ