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Solaris Ikizkuz Kardesler  作者: 蕤
Recto
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Recto - partie 5

Une fillette en robe rose s'approcha d'elles. Elyne la regardait s'approcher sans réagir. Elle ne devait pas avoir sept ans, très certainement moins. Elle portait une petite robe rose, des sandalettes de la même couleur ; et un maillot un peu large, toujours rose. Sa tête un peu baissée ne permettait pas de voir son visage, à cause des cheveux roux qui tombaient devant. Elyne se sentit soudainement mal à l'aise, sans comprendre pourquoi. La fillette arriva devant Prume qui prenait toute la longueur du banc qu’Elyne n'utilisait pas pour s'asseoir. Elyne ne remarqua qu'à cet instant l'énorme ruban rose qui attachait quelques cheveux derrière la tête. Elle était en rose de la tête aux pieds. Elyne n'avait rien contre cette couleur, mais là, c'était un peu trop pour elle. Elle fut retenue par un détail cependant bien plus intriguant.


La fillette ne souriait pas. Un fait très rare en cette ville, et surtout au cours d'une fête annonçant des vacances. Quelque chose n'allait pas.

Elle posa sa peluche de lapin par terre, et s'assit à côté, contre le pied du banc. Elyne n'avait pas pu voir ses yeux. Elle se leva pour lui parler. Elle s'agenouilla devant la fille qui s'était assise en tailleur.


Ely- Bonjour ! Comment tu t'appelles ? Moi c'est

Nép- Elyne Gains.

Sa voix était très froide ; ou peut-être d'une agressivité contenue ? Elyne était par contre étonnée d'entendre son nom prononcé par une inconnue si jeune.

Nép- Ma grande sœur est dans ta classe, elle m'a parlée de vous deux.

Elle fit un geste dans la direction de Prume, et releva un peu le visage, souriante pour la remarque qui suivit ; elle allait dire une évidence.

Nép- Et vous êtes facilement reconnaissables...

Ely- Dis-moi, tu n'as pas l'air d'aller bien, je peux t'aider ?

La fillette leva les yeux, croisant son regard avec celui d'Elyne. Des yeux d'une couleur verte presque incolore face à celui vairon d'Elyne. Elle rabaissa la tête aussitôt, comme horriblement gênée.

Nép- Ne me regarde pas comme ça !

Sa voix semblait beaucoup plus triste dans cette phrase. Elyne se demanda si elle allait pleurer. Elle avait quand même enfin put voir ses yeux, souvent cachés derrière ces cheveux roux. Ils étaient si clairs qu'on ne remarquait presque que les pupilles noires. Elle s'était recroquevillée. Elyne lui donna la peluche qui avait été délaissée sur le côté. La fille n'y toucha pas.

Ely- Tu veux un jus de fruit ? Je vais aller en chercher.

Elle secoua la tête, elle n'en voulait pas.

Ely- Bon, je te confie ma sœur un instant.


Elyne s'éloigna. L'étrange fillette se releva, au bout de quelques minutes et vint s'asseoir à côté de l'endormie. Elle effleura un peu le cou de Prume d'une main tremblante. Quelque chose de très lourd sembla s'envoler hors de ses doigts pendant le bref contact. Le fardeau étrangement imposant qui s'échappait provoquait un soulagement important chez la fillette. Elle venait de perdre une quantité invraisemblable de noirceur en cet instant infime. Rien ne semblait avoir eu lieu vu de l'extérieur, mais pour elle, quelque chose d'incroyable venait de se passer. Même si cela avait été invisible, ça lui avait donnée la possibilité de respirer quand elle s'étouffait lentement.


Elle était d'abord ébahie, mais poussa un long soupir de soulagement, respirant beaucoup mieux ; puis commença à sangloter. Prume remua un peu à cet instant.

La fillette se frotta les yeux et se tourna vers elle. Prume s'éveilla, elle découvrit le visage de l'inconnue au-dessus d'elle.


Nép- Bonjour Prume.

Sa voix était plus douce, comme rassurée. Prume en revanche était surprise, elle ne connaissait pas cette enfant au visage clair.

Pru- ...Bonjour ?

La fillette se redressa, permettant à Prume de se rasseoir. Elle la regardait de ses yeux trop clairs. Les yeux de Prume avaient toujours leur aspect de profondeur, leur nuance entre bleu et violet profond, presque vaste. Un regard à la pupille cachée dans un large iris, qui pouvait être dur à supporter.

Pru- Qui es-tu ?

La fillette sourit candidement.

Nép- J'aimerais être ton amie...

Elle lui tendit le lapin en peluche. Prume le prit et l'examina ; elle sourit en voyant son visage comique.

Pru- Il est mignon.

Nép- Il est pour toi.

La fillette gardait ses yeux braqués sur Prume qui était confuse.

Pru- Un cadeau ? Pour moi ?

Nép- Oui, je te l'offre.

Pru- Je...

Prume était timide, et là, elle ne savait plus quoi dire. Ses idées devenaient confuses. Il y'avait quelque chose qui s'embrouillait dans sa tête et l'empêchait de réfléchir correctement.

Pru- Mais, comment t'appelles-tu ?

Nép- Je m'appelle...

La fille hésita un moment, bouche ouverte ; comme si elle réalisait quelque chose d'important.

Pru- Oui ?

Nép- C'est que... Mon nom et mon prénom sont très différents des tiens...

Pru- Je m'appelle Prume Gains ; et toi, comment t'appelles tu ?

La fillette hésita un peu une dernière fois.

Nép- Néphéline Wolframite...

Pru- C'est joli pourtant, tu n'aimes pas ?

Nép- Je trouve ça bizarre...

Elyne revenait avec des jus frais. Elle trouva sa sœur en train de discuter avec la fillette étrange. A son arrivée, la fillette arrêta de parler, retrouvant un visage sombre.

Ely- Tu vas bien sœurette ? Je t'ai amené un autre jus de fruits.

Pru- Hum, merci Elyne.

Prume prit un des gobelets que tendait sa sœur et commença à le boire. Elyne en tendit un autre à Néphéline.

Ely- Tu en veux un ?

La fillette hocha la tête négativement. Elle se recroquevillait sur elle-même, cachant son regard sous ses cheveux. Elyne se sentait exclue, Prume ne savait pas quoi faire.

Pru- Néphéline, tu n'aimes pas ma sœur ?

Nép- Non. Elle n'est pas pareille.

Ely- Comment ça pas pareille ?


Elle ne lui répondit pas, peut-être inconsciente d'avoir violemment vexée Elyne. Au même moment, une grande femme qui était sortie du gymnase pour chercher quelqu'un arrivait. En voyant Néphéline sur le banc, elle s'était approchée. Cette femme devait bien avoir dans les septante ans, elle se tenait toujours très droite, presque hautaine. Vieille et fine, elle avait de l'allure.


Mar- Ma chérie, te voilà. Nous allons devons y aller. Excusez-moi mes demoiselles... Oh ! Mais vous êtes les filles de cette chère Gains !

Pru- Oui madame.

Elle leur serra la main amicalement, un sourire sincère au visage bien ridé.

Mar- Enchantée, je suis Margarette Wolframite. Je suppose que vous connaissez déjà le prénom de ma chérie ?

Pru- Oui.

Nép- Et bien je suis heureuse de vous avoir rencontrées ; à bientôt j'espère ! Allons-y, il faut y aller...


La fillette se releva sans enthousiasme et y alla sans dire un mot. Elles s'éloignèrent en se tenant la main, mais la fillette devait lever le bras pour garder celle de la femme âgée.


Ely- Comment elle s'appelait la fille ? Néphéline ?

Pru- Oui, Néphéline Wolframite.

Ely- Drôle de nom.

Pru- Moi je l'aime bien.

Ely- C'est peut-être pour ça qu'elle a l'air de si bien t'aimer.

Prume regarda le lapin en peluche qu'elle tenait encore entre les bras.

Pru- Je ne sais pas, elle a l'air timide elle aussi.

Ely- Mais elle n'as pas de sœur j'ai l'impression. C'est sa mère qui a dut lui parler de nous ; elle doit connaître maman.

Élo- Oui ?

Éloïse sortie aussi, elle avait retrouvée et rejoint ses filles.

Élo- Vous vous amusez bien mes chéries ? On peut rentrer si vous voulez.

Prume était toujours assise et ne répondit pas, perdue dans ses pensées.

Ely- Je ne sais pas maman... Dis, tu connais une Margarette Wolfram...?

Élo- Margarette ? Oh, oui. Je l'avais eu comme professeur et amie il y a longtemps ; et je l'ai retrouvée comme collègue il y'a quelques temps. Pourquoi ? Vous l'avez vue ?

Pru- Hum, d'accord. Oui, on l'a vue, avec sa fille.

Élo- Sa fille ? Ah oui, c'est vrai, Mary, elle avait trois ans de moins que moi...

Pru- Non, elle est plus petite que nous.

Élo- C'est peut-être sa petite fille alors ?

Prume baillât, elle était fatiguée malgré sa petite sieste.

Pru- Dis maman, on rentre ?

Élo- Allons y alors mes amours.


Prume garda avec elle la peluche de lapin. Son premier cadeau venant de quelqu'un d'autre que sa famille.


Le lendemain, les vacances commençaient. Maya et les jumelles jouèrent ensemble à la maison des Gains tranquillement. Éloïse n'avait plus besoin de surveiller Elyne en permanence pour l'empêcher de faire les risques tout, même si elle restait le feu et la force vive du trio. Le jeune Maya ressemblait plus à Prume dans le tempérament, mais il était toujours confiant et content.


Les courtes vacances s'écoulèrent bien. Personne ne revit pourtant la petite Néphéline durant ces vacances. La rencontre, sans doute fortuite, qui avait eu lieu à l'aube des vacances, n'avait pas eu de suites encore.

La fillette aux yeux très clairs allait sur ses cinq ans ; et elle souhaitait rencontrer Prume depuis déjà quelques temps pourtant. Pourquoi cela ? Toutes sauf elle l'ignoraient encore.


Les chaleurs estivales revenaient doucement, le printemps étant très doux cette année-là. Les Gains durent finalement retourner à l'école pour terminer leur année scolaire, et en finir avec le primaire. Les jumelles retrouvèrent leur professeur mal aimé qui parvint à finir son programme, toujours très consciencieusement.


Prume avait essayée quelques maquillages pour pouvoir découvrir ses bras et jambes tout en cachant ses cicatrices. Elle n'y parvint pas bien et continuait de se contraindre à porter des vêtements longs tous les jours. Elyne reprit pourtant des vêtements plus courts avec le temps, sans que cela ne les contrarie en rien cependant. Cela n'affectait pas leurs liens, les deux sœurs étaient toujours d'accord, même si les années passaient.


~~~



L'année scolaire trouva sa fin, et sa grande fête habituelle, généralement désertée par la plupart des élèves. Ils préféraient profiter des vacances plutôt que rester cloîtrés encore quelques heures dans l'enceinte de l'école. L'administration leur laissait la cour de récréation ouverte durant toute la journée dans ce but. La longue et dernière récréation était la plus animée de toute l'année.


Prume et Elyne jouaient avec des camarades de leur classe à un jeu de ballon, avec grand enthousiasme. Maya les encourageait d'un banc où il était assis. Prume n'était clairement pas sportive, mais riait et s'amusait beaucoup ; autant qu’Elyne, qui était elle forte et sans pitié pour ses médiocres adversaires. On avait beau essayer de l'avoir par sa gauche, dans son angle mort de vision, rien n'y faisait, elle devinait aussi bien que si elle y voyait. Elle était forte. Elles riaient.


Néphéline, qui avait alors quatre ans et demi seulement, était là aussi. Elle jouait sans entrain avec quelques-unes de ses camarades. Quand elle en eu assez, elle s'éloigna des groupes pour s'asseoir, en attendant que Prume ait fini son jeu. Les mèches rousses recouvrant ses yeux, on aurait pu croire qu'elle dormait. Ce n'était pas le cas ; elle attendait simplement, avec une patience calme.


Les formidables capacités sportives de Prume lui valurent de perdre très vite son souffle et le jeu peu après. Respirant un peu difficilement mais contente, elle alla boire un peu d'eau avant de chercher un endroit pour se reposer. Elle venait de relever la tête après avoir bu beaucoup d'eau au robinet quand elle entendit la voix de la petite fille.


Nép- Bonjour Prume.

Elle se retourna et baissa la tête pour trouver Néphéline. Prume lui souriait aussitôt.

Pru- Oh ! Bonjour Néphéline. Tu vas bien ?

Nép- Oui, très ! Merci beaucoup... Et toi ? Tu as l'air fatiguée.

Pru- Oui, le sport me fatigue vite, je voulais aller m'asseoir.

Nép- Viens avec moi, je connais un coin bien pour ça !

Elle entraînait alors Prume en lui prenant la main. Prume lui laissa sa main en l'accompagnant.

Pru- Hum, d'accord...

La petite fille visiblement contente emmena Prume dans un morceau du petit parc qui constituait une bonne moitié de la zone de récréation. L'autre moitié avait un sol non terreux pour permettre la plupart des jeux et sports. Les deux filles s'étaient installées dans une petite pelouse ombragées par de grands arbres.

Prume s'adossa à un rocher et allongea ses jambes. L'air un peu frais qui passait dans les ombres lui faisait du bien.

Pru- Merci Néphéline, c'est vrai, on est bien ici.

Nép- C'est bien !

Néphéline était accroupie à côté et souriait, toute contente. Prume resta quelques minutes ainsi, se reposant. Les bruits des enfants jouant moins de vingt mètres plus loin ne semblaient pas être réellement perçus là où elle était. Prume avait presque l'impression de ne pouvoir entendre que le bruit du vent dans les feuilles.

Néphéline restait à côté, jouant avec l'herbe ou ce qu'elle pouvait trouver. Respectant le silence de son amie ; elle ne parlait pas. Elle la laissait souffler et se reposer.

Un peu remise de l'effort, Prume demanda finalement un peu brusquement à Néphéline ;

Pru- Dis Néphéline, comment est-ce que tu me connaissais ?

L'interrogée leva ses yeux un peu surpris vers ceux de Prume. Même si son regard pouvait sembler agressif, elle ne le voulait pas. Elle regardait Prume pour lui répondre.

Nép- Ma grand-mère connait ta mère. Elles vous avait vues ta sœur et toi quand vous étiez plus petites. Elle m'a dit des fois que je te ressemblais, elle m'a parlée de vous. J'ai eue beaucoup, beaucoup envie de connaître Prume. Je me demandais comment tu étais...

Prume se détendit.

Pru- Et maintenant que tu me connais ?

Nép- Maintenant nous somme amies.

Néphéline souriait, son regard était devenu doux. Prume se dit alors que Néphéline était gentille en réalité, même si elle avait pu avoir un comportement bizarre ; notamment envers Elyne. C'était de l'innocence, elle était juste un peu plus jeune qu'elles...

De ses paroles intérieures, Prume ne souriait qu'intérieurement, son visage ne laissant rien paraître pendant un moment. Ne la voyant pas parler ou sourire, ni même apparemment réagir ; Néphéline s'inquiéta.

Nép- Tu ne veux pas qu'on soit amies ?

Prume, reprenant ses esprits, sourit naturellement.

Pru- Si je veux bien. Tu es gentille.

Radieuse, Néphéline la remercia.

Nép- Tu veux bien qu'on se revoit ?

Pru- Oui, bien sûr...

Les filles échangèrent leurs coordonnées. Elles gardèrent chacune un petit papier où tout était noté.

Nép- Tu veux qu'on joue à quelque chose ?

Prume réfléchit un instant.

Pru- Si on allait retrouver ma sœur ?

Le sourire de Néphéline disparut instantanément. Elle eut un regard triste et finalement rebaissa la tête.

Nép- Mais, je...

Prume se rassit dans l'herbe.

Pru- Qu'est-ce-qui ne qui ne va pas ?

Nép- Je... Je n'aime pas être avec elle.

Pru- Mais je serais là. Tu ne veux pas ?

Nép- J'ai un peu peur...

Pru- Peur de quoi ? Elle est gentille elle aussi.

Nép- Que tu m'oublies ; que je ne sois plus là pour toi...

Pru- Ne t'inquiètes pas, je reste avec toi.


Prume lui prit la main. Néphéline accepta d'y aller sans rien dire de plus. Prume commençait à marcher quand elle eut un frisson glacé, un pressentiment détestable... Elle s'arrêta et se retourna pour jeter un regard derrière elle, aussi lentement que si elle avait entendu le grognement d'un monstre mortel dans son dos... Prume vit flottant entre deux couches d'air un des serpents d'autrefois, qui la fixait de son œil noir... Son cœur se serra, la chose était là, mouvant légèrement à sa hauteur, à quelques mètres d'elle.

Prume se détourna, un peu effrayée ; reprenant son chemin un peu plus hâtivement. Néphéline n'avait pas compris ce qui s'était passé, elle n'avait rien vu. Son malaise, elle le mettait sur l'idée de rencontrer Elyne.


Elles rejoignirent Elyne et Maya qui discutaient toujours en les attendant. Ils la saluèrent, mais Néphéline ne souffla pas un mot. Prume la présenta à Maya qui ne chercha pas à imposer à la petite de lui répondre. Il la laisserait tranquille.

La fête allait durer encore un moment ; les enfants cherchèrent donc un moyen de passer le temps restants. Ils optèrent pour une nouvelle partie de jeu de ballon. Ils rejoignirent d'autres enfants d'âges très disparates et entrèrent toutes les quatre dans la même équipe. Prume jouait doucement ; Néphéline sans enthousiasme. Elyne et Maya jouaient par contre avec énergie.

Diverses activités du même genre furent faites par les enfants, jusqu'à ce que la journée se termine.


La fête trouva enfin son terme au bout de quelques heures. Les sœurs et Maya se préparèrent à rentrer avec leurs mères respectives ; mais Néphéline elle allait rentrer avec sa grand-mère qui était présente. Elles se dirent au revoir et se souhaitèrent de bonnes vacances mutuelles. Néphéline garda un peu plus longtemps la main de Prume.


Nép- Je pourrai venir te voir ?

Pru- Oui, bien sûr.

Nép- Merci.


Lâchant la main de son amie, elle rejoignit Margarette et rentra avec elle. Éloïse ramena ses filles à leur maison peu après. Leurs vacances commençant ce jour-là, elles allèrent au restaurant le soir même pour fêter à leur manière les nouvelles vacances.


~~~



Ce soir-là, Prume revit les serpents dans la chambre. Ceux-ci n'étaient pas vifs, et elle parvint à se coucher Malgré sa peur. Elyne ne les voyait pas ce soir-là, et l'encourageant, Prume tint bon. Elle supporta leur présence. Allongée dans son lit, elle voyait ces trois serpents cyclopes au-dessus d'elle ; la regardant probablement. Ils n'avaient pas de paupières, pas de narines ou de bouche ; seulement l'œil noir. Prume n'osait pas bouger. Les serpents bougeaient lentement, oscillants, flottants ; sans quitter l'enfant du regard supposé. L'œil qu'elles voyaient n'étant techniquement qu'une tache ronde et noire, incapable de s'orienter sur la peau blanche, ce n'en était peut-être même pas un...


Elyne essaya d'en attraper un, même si elle ne le voyait pas. Les serpents, sans avoir à regarder derrière eux, se contorsionnaient ou bien se déplaçaient pour éviter Elyne. Elle ne parvint pas à les effleurer. Prume reprenant un peu courage essaya à son tour. Ils firent de même ; s'esquivant toujours. Elles ne parvinrent pas à savoir ce soir-là s'ils étaient matériels ou pas.


Se rappelant ce qu'avait dit Éloïse autrefois, elles essayèrent de leur parler. Soit ils étaient tous les trois sourds, soit ils ne comprenaient rien de ce qu'elles pouvaient raconter ; ce fut leur conclusion après dix minutes d'essais.

Au moins, elles en avaient désormais moins peur, c'était déjà un gain important. Pourtant, elles n'en savaient pas plus sur eux, elles avaient juste constatées qu'ils n'avaient pas vraiment de comportement agressif. Ils restaient là sans rien faire d'autre que flotter.


Prume se demanda si elle ne les voyait pas uniquement quand elle était fatiguée. Cette théorie ne reposait sur rien de logique, mais lui paraissait plausible en vue des expériences passées. Fatiguant, mais voulant vaincre cette peur par elles même cette fois, les jumelles restèrent dans la chambre. Elles parvinrent à s'endormir malgré ces trois créatures blanches qui flottaient silencieusement au-dessus du lit de Prume.


A son réveil, Prume ne les vit pas ; nul part elle ne les trouva. Un nouveau jour magnifique se levait dans le meilleur des mondes ; sans rien pour jamais perturber cette quiétude. Elle s'était simplement reposée, et les spectres s'étaient évanouis. Avec le sentiment d'avoir gagnée une grande bataille à elle toute seule, Prume commençait sa nouvelle journée avec une excellente humeur.


Les jours de paix s'écoulaient toujours heureux.


~~~



L'air était froid ce matin-là. La petite famille était restée quelques temps chez elle et sans invités, profitant tranquillement de leur bonheur commun. Ce jour-là, Néphéline vint. Margarette l'accompagnait. Cette dernière prit le thé avec Éloïse, laissant les filles entre elles.

Prume accompagna à sa chambre la petite, toujours habillée en rose avec un gros ruban dans les cheveux. Elyne allait alors chez Maya ce jour-là.


C'était ainsi que pour la première fois, les deux sœurs se séparèrent réellement, de leur plein gré. Ce n'était pas une perte, et leurs liens restaient inchangés, mais les chemins qu'elles suivaient se différenciaient un peu à cet instant, pour la première fois.

Quelque chose de glacial s'étira dans l'espace, dans l'air, comme un trait d'eau retenue par capillarité entre deux fils invisibles. Une vague élasticité pour quelque chose d'invisible et immatériel, quelque chose sans image ou apparence réelle. Cet étirement froid éclata, tinta, sans influence visible. Quelque chose avait claqué, peut-être juste une liaison intermoléculaire dans une goutte d'eau de l'air, peut-être pas plus qu'un changement spontané classique. Probablement pas plus vu que rien ne fut observé. Mais ce froid étiré et éclaté provoqua une brusque vague de froid dans les environs de la famille Gains. Un air d'hiver plana sur la suite du chemin qu’Elyne parcourut en trottinant, ce matin d'été. Elle ne le sentit pas, elles ne sentirent rien.


Rien ne semblant être arrivé, il n'y avait pas de conséquences à craindre. Pourtant, les brusques différences de températures provoquèrent des remous atmosphériques, et il y eut un léger orage que les habitants n'avaient pas prévu ce jour-là.


Pendant que les enfants jouaient, des deux côtés, Éloïse et Margarette discutèrent. Cette dernière avait déjà entendue parler de la méthode qu’Éloïse avait utilisée pour avoir ses filles, et elle avait entendue dire que les fillettes n'avaient effectivement pas de père. Elles en parlèrent longuement. A force de parler d'enfantement et de famille, Margarette finit par confier pourquoi c'était elle qui s'occupait de la petite Néphéline. Sa fille Mary et son gendre étaient morts dans un accident à peine un mois après la naissance de l'enfant. Elles s'étaient retrouvées brusquement les dernières de leur famille, qui était encore assez nombreuse seulement quelques années plus tôt.

Margarette avait dut subir en seulement cinq ans le deuil de son mari, de sa sœur, et enfin de sa fille et son gendre. Elle ne se souvenait même plus comment elle était avant, elle n'avait plus beaucoup d'énergie, mais elle savait la gérer convenablement. Elle avait décidée de s'occuper de sa petite fille, même si elle était seule et fatiguée. Elle n'avait cependant évidemment pas l'enthousiasme et la jovialité que pouvait avoir Éloïse. La petite Néphéline était une jeune fille un peu malheureuse, Margarette était bien consciente qu'elle en était responsable, mais elle faisait son possible, par devoir et envie sincère ; et elle le faisait bien. Elle ne serait jamais la mère de la petite, l'éducation donnée en était forcément différente et hors du commun, mais elle avait tout de même confiance.

Contrairement à ce que la vieille craignait, Éloïse ne la considérait pas comme une excentrique obstinée pour autant. Elle admirait même plutôt le courage dont elle faisait preuve dans une telle solitude. Éloïse n'avait pas vraiment eue de famille, mais Margarette l'avait perdue. Ces situations, sans regarder en arrière, pouvaient paraître similaires, mais la solitude qu'elles vivaient étaient diamétralement opposées, et autrement plus dure à vivre pour la grand-mère. Éloïse l'admirait, et de son point de vue, même si elle n'avait pu que l'apercevoir, la petite fille semblait polie et contente d'être avec Prume.

Margarette était très heureuse que Néphéline se soit enfin fait une amie, c'était certainement la première de sa jeune vie. Elle savait bien que Néphéline ne souriait pas autant d'habitude, c'était même probablement la première fois.


Le soir venu, et la nuit tombée, il fut l'heure pour les Wolframite de rentrer. Néphéline ne voulait évidemment pas quitter Prume, et cette situation gênait Margarette. Finalement elle proposa autre chose.


Mar- Prume, souhaiterait tu venir chez nous pendant quelques jours ?

Prume eut l'air choquée. Elle était juste surprise. Contrairement à sa sœur, qui l'avait prise depuis des années, elle n'avait pas l'habitude de dormir seule chez une amie. Elle ne l'avait simplement jamais fait. Éloïse l'encourageant, elle accepta. Néphéline était ravie. Margarette aussi semblait contente. Pour une fois il y aurait un peu plus d'animation chez elles.

Mar- Je te remercie Prume. Nous allons y aller alors.


Prume prépara à la hâte quelques affaires et s'en alla avec elle, un peu apeurée par l'inconnu. Margarette s'en était aperçue et la rassurait gentiment. La femme flegmatique n'en était pas moins attentionnée, même si elle pouvait paraître très distante.


Prume découvrit alors la maison des Wolframite. Il s'agissait d'un manoir et non une maison ; et qu'il n'ait que deux occupants, à l'exception de quelques domestiques occasionnels, lui donnait un aspect sinistre qui n'avait rien pour rassurer Prume.


La famille Wolframite, comme elle le découvrirait plus tard, avait été parmi celles d'influences dans les siècles précédents. Même si Margarette s'amusait en racontant que l'objet qui avait fait accroitre la fortune de la famille n'existait pas en ville, la fortune passée gardait là une marque impressionnant la petite fille aux yeux bleu foncé.

Il n'y avait probablement pas beaucoup de manoirs comme celui-là dans toute la ville, c'était peut-être même le seul. La grande bâtisse était installée dans un petit parc, qui sur trois côtés du rectangle faisait une barrière avec l'extérieur de quelques arbres au plus, mais sur l'arrière ouvrait un jardin en pleine nature de grandes proportions. La petite maison des Gains pouvait rentrer avec quelques voisins sur la largeur du terrain.

Le manoir lui-même était une construction de style faussement ancien, de base rectangulaire, comme un énorme bloc, orné et décoré élégamment. Il y avait deux étages et un grenier au-dessus du rez-de-chaussée. C'était plus haut que l'école... Prume aurait probablement été plus admirative si l'aspect nocturne ne rendait pas l'ensemble franchement sinistre. D'autant plus qu'elles n'allaient être que trois dans cet endroit gigantesque.


Elle commençait à comprendre l'attitude légèrement inhabituelle de la petite. Vivre depuis sa naissance presque seule dans un tel lieu ne devait pas être facile. Prume se demanda cependant où étaient les parents de la petite. Margarette lui expliqua brièvement ; ces événements qui lui avaient donnée l'impression de vieillie d'un siècle. Elle expliquait ainsi son flegme. Des évènements trop forts, traumatisants, l'avaient vidée de toute son ardeur, lui laissant une tristesse et une souffrance qu'elle parvenait à maîtriser ; mais aussi un sang-froid à toute épreuve.

Cette histoire de famille était racontée à la fois par Margarette et par Néphéline ; chacune en parlant à sa manière, décrivant différents événements. Margarette comment ils étaient arrivés, et Néphéline comment elle les avait vécus après coup, quand elle les découvrait. Prume en apprit ainsi beaucoup sur sa jeune amie.


L'école avait été pour elle une bénédiction. Le changement de milieu et l'animation qui y régnaient lui faisaient un bien important, même si elle ne le réalisait pas bien. Margarette, elle voyait nettement les différences entre les matins au départ, et les soirs au retour.

Malheureusement, son comportement parfois étrange ne lui avait pas permis de se faire de vrais amis sur place. Elle trainait un comportement solitaire dut à une vie familiale morne.


Un jour sa grand-mère lui avait parlée d'une de ses ancienne élève devenue collègue ; Éloïse Gains. Une de ses filles venait de sortir d'un long coma ; très long pour son âge.

Sans plus de raisons que cela apparemment Néphéline avait été intéressée par cela. Même si elle ne comprenait pas encore bien ce qu'avait été le coma, ce n'était pas le plus important. Elle s'était intéressée à Prume comme quelque chose de fantastique qui excitait sa curiosité, et avait voulu la rencontrer.


Maintenant Prume était invitée à passer quelques jours dans ce manoir. Malgré ses craintes, ils furent agréables. Le manoir n'était pas aussi sinistre qu'elle l'avait craint. C'était même très confortable, sans tomber dans l'exubérance. Même si il y avait plusieurs fois la surface de sa maison, Prume ne s'y perdait pas. Il n'y avait pas beaucoup de différences fondamentales. Juste un peu plus de tout, parfois un peu plus décoré, mais rien d'inhabituel ou d'inquiétant. Le plus lourd de l'ambiance était seulement dut au manque de personnes habitant le lieu, et comme elles étaient deux cette fois-là, Néphéline et Prume n'en souffrirent pas.


Elle profita avec Néphéline du grand jardin qui possédait même une fontaine ; y passant une bonne partie du temps. Prume n'avait pas la joie d'avoir des arbres dans son jardin autour desquels jouer.

La petite était curieuse et voulait tout savoir de Prume, elle qui n'avait pas grand-chose à raconter. Les enfants de son âge à l'école avaient toujours des choses à raconter, à tout le monde, mais pas elle. Cela l'attristait, et là elle compensait en faisant parler Prume à la place. Elle s'arrêtait pourtant quand elle sentait qu'elle gênait sa grande amie.

Prume était un peu gênée parfois, quand les questions devenaient bizarres ou déplacées. Elle était aussi un peu admirative, sa petite amie s'exprimait très bien pour son âge ; et malgré la richesse évidente dans laquelle elle vivait, elle n'était pas capricieuse, et même plutôt humble.


Le lendemain matin était un jour trop banal, toutes les deux dans la chambre de la fillette encore habillée de rose, discutaient. A une époque où Néphéline était encore bien plus petite que Prume...Une chambre lumineuse. Il y’avait quelques peluches parmi lesquelles le lapin d’autrefois que Prume avait emmenée.

Prume était là, avec elle, et Néphéline fut envahie par un sentiment trop vaste qui déborda ; elle eue une crise d’angoisse...Il y’avait beaucoup de lumières ce matin-là, et un vent froid qui touchait jusqu’à son cœur. Elle était dans un rêve, son rêve, et tout le bonheur allait s’évaporer quand elle se réveillerait...Prume disparaitrait un jour, peut-être seulement quelques minutes après cet instant, et son cœur serait noyé dans les ténèbres...

Néphéline s’était mise à sangloter sans raison apparente, Prume la regarda d’abord surprise et désolée.


Pru- Néphéline ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu es triste ?

La fillette s’essuya les yeux et regarda les yeux à la couleur absorbante de Prume. Ce regard lui faisait quelque chose qu’elle était encore incapable de décrire. Elle savait qu’elle ne voulait pas le voir disparaitre...Elle tremblotait d’angoisse.

Nép- J’ai si peur Prume...

Elle serra une main de Prume qui s’était approchée des deux siennes. Elle sanglotait encore sans parvenir à se contrôler. Qu’est-ce qu’il lui arrivait ? Elle ne comprenait pas bien.

Nép- J’ai peur de la fin. Peur que tu ne sois plus là avec moi...

Prume était surprise, mais elle sentait que la fillette avait le cœur à vif, au milieu de ses mains à ce moment-là. Elle révélait quelque chose qui était essentiel chez elle, qu’elle ne pouvait pas ignorer.

Elle ne connaissait pas la fillette depuis bien longtemps, et elle était si jeune, mais il y’avait là quelque chose d’étrange qui la touchait. Elle ne réalisait pas bien ce qu’elle était pour la petite, mais reconnaissait une sincérité absolue dans ces mots maladroits.

Prume se sentait triste. Elle percevait un aspect du cœur de la petite, et elle l’aimait bien malgré son aspect inattendu. Elle releva la tête de Néphéline et passa sa main sur son front comme elle l’aurait fait pour n’importe quelle petite fille qu’elle aimait bien.

Pru- Je reste avec toi Néphéline. Je ne partirai pas sans toi...


L’air était si froid, il y’avait quelque chose de désagréable dedans qui avait mis les enfants à vif. Mais elles s’en étaient remises très naturellement, et la journée continua sans incident, dans la bonne humeur. Néphéline oublia cet instant, elle n’avait pas compris pourquoi elle s’était soudainement mise à pleurer...C’était la première fois qu’elle pleurait parce que quelque chose qu’elle avait voulue arrivait. La première fois qu’elle avait partagé une angoisse...


Les deux jours restants s'écoulèrent dans la plus grande tranquillité. Prume remarqua que la majorité des vêtements de l'enfant étaient bien roses ; rose vif. Par ailleurs, elle attachait toujours un énorme ruban rose dans ses cheveux, qui n'était pas si longs. Sur le devant, ils l'étaient juste assez pour cacher ses yeux si elle regardait le sol. Prume était étonnée de cette garde-robe presque monochrome, quand la sienne était vraiment variée en termes de couleurs. Elle se demanda si ce n'était pas au final plus une influence du parent que le goût de l'enfant qui prévalait à leurs âges.

Quand elle lui demanda, Néphéline confirma que le rose était bien sa couleur préférée. Pourtant, Néphéline était incapable de lui expliquer pourquoi... Elle y avait peut-être simplement été habituée.


Néphéline aimait bien lire, mais en opposé complet de Prume, elle lisait tellement lentement qu'elle oubliait le début d'un chapitre avant d'en atteindre la fin. Le manoir avait une vaste bibliothèque qui occupait le grenier, en deux salles opposées, reliées par un couloir longeant la façade. Du jardin, on voyait une sorte de salle ronde entre les deux bibliothèques, mais cet endroit n'était apparemment plus accessible.

Si elles avaient demandées à Margarette, elle leur aurait répondues que cette chambre cachée était réservée aux adultes, et donc condamnée depuis un moment déjà ; mais elle n'eut pas à le faire, elles ne l'avaient pas remarquée.


Prume trouva dans leur bibliothèque des livres très anciens, pour la plupart dans d'autres langues. Des ouvrages de philosophie en allemand, des livres écrits en coréen, en slave ou balte, en chinois, en anglais, et beaucoup en arabe. Prume n'arrivait pas à en lire la plupart des titres. Plus des deux tiers de la bibliothèque était chargée de littérature ancienne, et beaucoup était écrite dans d'autres langues que la leur.


Il y avait des ouvrages italiens dans un coin. La Divina Commedia, dont le nom de l'auteur n'était pas lisible sur la couverture, attira son attention de par son épaisseur. En le feuilletant, elles découvrirent qu'il y avait énormément d'illustrations, assez variées et colorées. Le recueil regroupait des siècles de travaux d'art.

Un autre livre retint l'attention de Prume ; la reliure s'effondrait, l'ouvrage était volumineux et tout jaune, il dégageait une odeur de vieux bois de charpente. Il était en bien plus mauvais état que les autres.


Nép- Tu trouves quelque chose d'intéressant ?

Prume était absorbée par ses pensées, elle contemplait le livre qu'elle tenait.

Nép- Prume ?

Pru- Ah ! Oui ?

Nép- Tu as trouvée quoi comme livre ?

Pru- Je ne sais pas, je ne connais pas cette langue.

Nép- Comment il s'appelle ce livre ?

Pru- Apparemment, La commedia dell’arte. Le nom, il me rappelle quelque chose...

Nép- Tu l'as déjà lu ailleurs ?

Pru- Je ne suis pas sûre, mais je l'ai peut-être déjà entendu...

Nép- On peut demander à Maggie.

Maggie étant le surnom que Néphéline donnait à Margarette. Elles la trouvèrent en entendant sa voie ; elle reposait le téléphone quand elles entrèrent au salon où elle était.

Mar- Oh, Prume ; c'était ta mère, elle va bientôt passer te récupérer... Qu'est-ce que c'est ?

Pru- Ce livre, c'est quoi ?

Margarette prit le livre que Prume lui tendait cérémonieusement et le feuilleta en prenant soin de ne pas abimer la couverture déjà en lambeaux. Margarette prit une longue minute à réfléchir.

Mar- Je ne le connaît pas mais il me semble que c'est de l'ancien italien. Je ne m'y connais pas beaucoup mais je pense que le titre veut dire la comédie de l'art... Il faudrait allez voir à la bibliothèque centrale pour en savoir plus ; ou trouver un historien en vieux livres.

Pru- Hum, d'accord... Je peux vous l'emprunter ?

Mar- Je n'y voit pas d'inconvénient...

Les filles s'éloignèrent. Margarette resta songeuse. Elle aussi le son lui évoquait quelque chose.

Mar- La Commedia dell’arte... J'ai l'impression 'avoir déjà entendu ces mots... Je me demande bien où ? Et surtout quand ? Je me demande...

Prume rangea ses quelques affaires, parmi lesquelles le gros livre aux pages presque brunissantes et à la couverture brulée par le temps. Néphéline ne voulait pas laisser son amie partir mais resta raisonnable et ne s'agrippa pas à elle à l'heure du départ. Elyne et Éloïse repartirent donc avec Prume. Elyne était toute contente de retrouver sa sœur. Éloïse lui demanda naturellement ;

Élo- Ça c'est bien passé ?

Pru- Oui ! Tout est un peu différent chez elles, c'est amusant.

Élo- Tu me raconte sœurette ?

Pru- Oui !


Prume raconta donc ce qu'elle avait fait pendant ces trois jours. Notamment la découverte du livre italien. Ni Elyne ni leur mère ne le connaissaient. Il lui faudrait trouver un spécialiste ou aller à la bibliothèque de Al-Khawarizmi comme l'avait conseillée Margarette ; la bibliothèque centrale de la ville.


~~~



La famille Gains réunie, s'en alla en vacances au soleil, laissant d'abord le livre dans un coffre. Elles allèrent aux bords du lac ou l'atmosphère était plus douce ; pas trop chaude pour Prume. Elles évitèrent les plages brûlantes. Elles trouvèrent à l'occasion d'une promenade un bouquiniste dans les environs qui put leurs donner quelques renseignements cependant.


- La commedia dell’arte était un mouvement théâtral Italien. Les premières pages de cet ouvrage expliquent brièvement ce qu'il était.

Élo- Un mouvement de théâtre ?

- Il est apparu dans les environs des années mille cinq cent cinquante en Italie. Toutefois, ses principes existaient très probablement déjà avant cette époque, mais ce mouvement à eue une vigueur particulière durant ce siècle.

L'homme éternua quelques instants.

- Il se serait répandu dans toute l'Europe, avant de disparaître environ un siècle plus tard. Cependant ses principes existent toujours aujourd'hui.

Ely- Quels principes ?

L'homme se redressa fièrement et agita une main avec souplesse pour faire une sorte de révérence un peu guindée.

- L'improvisation... Ainsi qu'un art certain de la mise en scène. Les comédiens étaient de vrais artistes, d'un genre qui se démocratisait. Les troupes donnaient des représentations en adéquation aux lieux et époques, chacune devenait unique.

Prume lui posa une question qu'il entendit à peine.

Pru- Qu'y a-t-il dans le livre alors ?

- ... Dans le livre ? Apparemment des pièces qui ont été créés ainsi. Les auteurs ont dut suivre des troupes pendant de nombreuses années et consigner par écrit toutes leurs prestations... Un phénomène plutôt rare autant que je sache... Il n'y a pas de nom d'auteur, donc je pense que c'est une compilation de plusieurs auteurs, probablement sur plusieurs années. L'ensemble à peut-être un intérêt pour des étudiants en théâtre ou en histoire de l'époque, mais sinon je ne pense pas que l'on puisse le trouver passionnant. Les comédies ne peuvent pas avoir autant d'impact en étant lues que quand elles sont mises en scènes... De plus l'italien utilisé est un peu particulier, il ne faciliterait pas la traduction.

Élo- Est-ce que vous pourriez le traduire et le réparer ?

- Oui je pense pouvoir. Ce travail me prendra au moins quatre mois par contre.

Pru- D'accord...

Éloïse prit la commande et laissa le livre abîmé. La famille ressortit ensuite, Elyne demanda à sa sœur le pourquoi de cette histoire étrange avec ce livre.

Ely- Prume pourquoi il t'intéresse tant ce livre ?

Pru- En fait j'ai l'impression d'avoir déjà entendu son nom quelque part.

Éloïse qui lui tenait la main lui demande en souriant innocemment ;

Élo- Est-ce que c'était une ange qui te disait ça ?

Pru- Je crois. Je me demande en fait... Plutôt que Dia, c'est peut-être Dia dell que j'aurais dû entendre... Le son me le rappelle vraiment... Elle voulait peut-être me parler de ce théâtre ancien ?

Ely- Un théâtre vieux de plus de sept cent ans...

Élo- Quand tu seras au lycée, tu pourras peut-être choisir d'apprendre l'italien Prume.

Pru- Dans combien de temps c'est ?

Élo- Dans cinq ans ; l'année scolaire vingt-cinq, vingt-six.

Elyne se demandait quelque chose, elle posa timidement la question à sa mère.

Ely- Dis maman, c'est où l'Italie ?

Élo- En Europe, sur la mer méditerranée. Je te montrerai sur une carte si tu veux.

Ely- Oui, je veux bien.


Quand elles furent rentrées chez elles, quelques jours plus tard ; Éloïse sortit un vieux globe terrestre couvert de tache de peintures d’un placard. L’outil lui avait servie à beaucoup de choses qui ne touchaient pas directement à la géographie. Elle montra à sa fille où était l'Italie, en grattant une nuance claire de violet. La petite région méditerranéenne était facilement reconnaissable.


Ely- Et nous on est où ?

Éloïse pointa un point sur le globe, au milieu d’un continent. Dans une des régions les plus éloignées des océans qui soit.

Élo- Par ici.

Ely- C'était quel pays ?

Élo- Eh bien il n'y a plus de pays depuis longtemps...Je ne sais pas à quel pays c'était autrefois. Je crois qu'il y en avait plusieurs dans cette région avant la catastrophe.

Ely- Les pays n'existent plus ?

Élo- Non, Elyne, c'est de l'histoire ancienne. Ne t'inquiète pas, tu l’apprendras sans doutes l'année prochaine, si pas cette année.

Pru- On apprendra ce qui s'est passé ?

Élo- Oui, vous apprendrez toute l'histoire du monde, de la préhistoire à aujourd'hui pendant le collège et le lycée. D’abord succinctement les premières années, et plus en détail ensuite.


~~~



L'histoire du monde. Elyne, dès lors qu’elle avait compris ce qu’avaient été les villes et les pays du monde, se demandait bien comment des changements aussi importants que leurs disparitions dans le monde entier purent arriver. Comme si la civilisation s’était finalement révélée bien plus fragile qu’elle ne pouvait lui paraître. Elle ne comprenait pas. Elyne était impatiente d’apprendre.


Elle se tirait doucement la corne en se demandant tout ce que le passé avait pu connaitre. Ces temps-là, Elyne était songeuse ; elle appréciait regarder le paysage, avec souvent l'habitude involontaire de se tirer un peu la corne. Elle réfléchissait à l'Histoire ; et elle rêvait. L’histoire du monde était dure à concevoir. Cela la gênait. Une histoire, elle pouvait l’appréhender et la connaitre en entier ; l’histoire, la grande, c’était au-delà de sa portée, et elle réalisait même qu’elle n’en comprenait et observait qu’une particule infime, une réalité la rendant presque triste. L’histoire était plus large qu’elle, infiniment plus. Elle pouvait connaitre des histoires par cœur, mais celle-là, c’était l’inverse. En ayant l’impression que son rôle s’inversait, qu’elle devenait la chose facilement connaissable cela lui donnait une impression désagréable de n’être qu’une poussière insignifiante. Face à une histoire, elle était elle-même, elle pouvait l’englober. Face à l’histoire du monde, elle n’existait presque pas, peut-être même pas du tout...

Non pas qu’elle ait déjà voulue y laisser une marque, une trace d’elle-même, mais qu’elle se sentait démunie face à quelque chose de tellement vaste qu’elle sentait qu’il lui était réellement impossible d’en connaitre l’ensemble. Une bataille perdue d’avance. Un monde tellement vaste qu’elle se sentait trop petite pour être encore confiante de sa propre existence.

Même si elle était curieuse, la conscience de l’étendue de l’histoire la troublait. Même si elle avait envie de savoir ce qui était arrivé au monde, elle se sentait flotter dans des choses trop vastes à cause de cela, et elle n’aimait pas cette sensation.


Éloïse s'inquiétait de la voir rêvasser ainsi à son âge, et émettre parfois des doutes existentialistes qu’elle-même ne comprenait pas forcément. Elyne semblait lutter intérieurement de toutes ses forces pour arriver à avaler l’histoire de monde toute entière, ce qui était évidemment impossible. Elyne passait son temps à réfléchir au moyen d’appréhender un monde dans sa globalité. Elle rêvassait beaucoup au final. Le fil de ses pensées se décousait trop facilement, et l’objectif d’origine état de toute façon impossible.


Prume lui vouait une confiance absolue. Elle ne doutait pas un instant de sa sœur et n’éprouvait aucune inquiétude. Prume restait souvent avec Elyne dans ces instants, qui restaient rares pour elle. Prume l’accompagnait avec une certaine satisfaction dans ces moments de quiétudes, comme si elles étaient en train de lire côte à côte.

Mais ses méditations ne durèrent que quelques semaines tout au plus, pendant que ces vacances se terminaient. Son attitude joviale restait primordiale, et elle entraînait de nouveau sa sœur dans ses aventures intrépides avant que l’école ne reprenne.


Elyne eue de nombreuses blessures bénigne cet été. Elle ne collectionnait pas les pansements mais aimait toujours autant courir et grimper. Heureusement que sa peau cicatrisait bien, et qu’un peu de sang ne lui faisait aucun effet, tant qu’il venait d’elle-même. Elyne et Prume allaient régulièrement jouer dans les parcs proches, et vivaient leurs aventures.


Vers la fin de l'été, les filles allèrent quelques jours chez Maya. Sa grande sœur et sa mère étaient heureuses de voir Prume en aussi bonne forme. Amélie la chouchoutait volontiers ; pendant que Samanthine semblait prendre un peu confiance.


Après tout, elle avait profitée tranquillement de ses vacances, et mise à part ses refus occasionnels de faire du sport, ou qu’elle rechignait à se dénuder, elle semblait en parfaite santé physique comme morale. Pour son âge, elle semblait à son aise. Même si elle semblait à nouveau grandir à une vitesse particulièrement ralentie, elle allait bien. Elyne, n’avait cependant pas beaucoup grandie non plus cet été là.


Les médecins du tribunal de mai avaient lus les rapports médicaux estimés par la dame Coppelnheart, mais n'avaient rien fait de plus. Elle n’avait pas directement examinée l’enfant, mais de ses observations, elle avait établi des rapports d’estimations. Ceux-là dessinaient finalement une situation excellente, très largement au-delà des espérances de tous ceux qui avaient fait partie du tribunal...


Leurs théories extravagantes semblaient avoir été validées, mais ils ne s'en préoccupaient apparemment pas. Ils ne s’y intéressaient pas, peut-être parce qu’elle allait bien justement...

Prume aurait fait changer son génome par elle seule, mais ils ne voulaient pas faire de recherches dessus ? La mère de Maya était outrée, que ces médecins, l'élite médicale, se refusassent à étudier plus en détails la physiologie de Prume la dépassait.


L'enfant présentait peut-être des prémices à une évolution brutale, dans le meilleur des cas. Bien plus probablement, elle était la première à mourir d'un nouveau type de maladie. Cette maladie auto immune qui l’affligeait avait des aspects qui méritaient d’être étudiés. Peut-être avait-elle des capacités physiques qui pourraient aider, sans doutes quelques chose d'unique, avec un grand potentiel mais de nature encore inconnue.

Ce qui était derrière était aussi peut-être dangereux, extrêmement dangereux. Cela pouvait de toute façon révéler des choses bénéfiques pour tous. Ce qui était en Prume méritait qu’on fasse des recherches approfondies. Et sans jamais la contredire, le vieil homme contrecarrait toutes ses tentatives de faire avancer ce projet. Il censurait et sabordait tout ce qu’elle tentait de faire passer, comme si ce projet n’avait pas plus de valeur qu’un exposé sur les symptômes communs du rhume.


La mère de Maya le répétait de toutes les manières possibles au président de l'ordre des médecins, le vieux doyen du Tribunal ou elle avait était invitée.

Le vieux bougre faisait mine de ne pas l'entendre, ou d’y donner suite, mais sans jamais réellement lancer le nécessaire pour la suite. Il ne donnait aucun aval. Il maintenait depuis des mois le statu quo, avec ce qui semblait à Samanthine être une méprisante indifférence.

Il la recevait pourtant toujours dans son bureau, poliment, et aussi souvent qu'elle le désirait. Il l'écoutait toujours discourir, mais sans rien dire ou faire. Elle repartait chaque fois en espérant l'avoir convaincu, et revenait à chaque fois qu'elle remarquait que rien ne changeait.


Un jour ; peu avant la rentrée scolaire, elle était encore dans son bureau, en train d'essayer de le convaincre de faire quelque chose. Pour les fillettes comme pour toute la ville. Il l'écoutait, peut-être, mais ne répondait pas. Samanthine en eu assez, tonnant.


Sam- Mais pourquoi vous ne m'écoutez pas ?

- Je vous écoute toujours...

Sam- Mais alors pourquoi vous ne faites rien ! Il me semble que je suis pourtant claire dans mes explications !

Elle lui criait dessus presque ouvertement. Pour la première fois, il se redressa un peu, décroisant ses mains, son fauteuil légèrement incliné en arrière.

- Pourquoi je ne fais rien ?

Il marqua une pause. Il se leva. Il regarda un instant par la fenêtre. Il se retourna et la trouva toujours face à son bureau, nerveuse les poings serrés. Il voyait qu’elle s’inquiétait pour Prume. Elle voyait une expression différente sur son visage, qui ressemblait à de la compassion.

- Si vous travaillez bien au ministère de la Santé...

Il lui tourna alors le dos, regardant le mur vide, puis la fenêtre à nouveau avant de conclure sa phrase.

- Alors un jour, vous comprendrez pourquoi je ne ferai rien...


Comprenant que ces paroles étaient une conclusion, elle quitta les lieux. Quel rapport y avait-il entre la Santé et Prume ? Elle ne comprenait pas ce qu'il avait voulu dire par là ; si ce n'est qu'il comptait bien ne rien faire pour les Gains. Il préférait que rien ne soit fait.


Le ministère de la Santé était l’organisation médicale et paramédicale la plus développée du monde depuis des siècles. Cette organisation avait beaucoup participé au développement de la ville merveilleuse. Elle s'occupait de la gestion de tout le matériel médical imaginable dans la ville. Ce ministère s'occupait aussi des formations et de la gestion des services médicaux et du personnel nécessaire à la ville.

Le ministère de la Santé fournissant et gérant donc tous les éléments nécessaires aux hôpitaux, médecins et pharmacies, c'était l’unique organisme de la cité état en matière de santé. La Santé faisait son travail dans l’organisme global, comme les autres.


La Santé fabriquait aussi les implants qu'on fixait au front des nouveaux nés, comme un troisième œil au haut du crâne, à ce qui devenait souvent la base des cheveux. Le diamant artificiel était fabriqué avec des inclusions bien placées de bore et d’azote, lui donnant sa teinte bleue vive. La Santé s’occupait de leur fabrication, et très rarement, de leurs réparations ou de leur remplacement. Les opérations du crâne risquant d’endommager le cerveau, même de loin, devaient se dérouler sous stricte supervision de la Santé. La Santé veillait au bien être des habitants et à leur intégrité physique, mentale, psychique, génétique et cérébrale.


Pour la dame Coppelnheart, les paroles du vieillard ne pouvaient avoir qu'un sens de menace envers elle.

Il ne voulait pas qu'elle s'occupe encore plus des Gains, il voulait qu'elle ne fasse rien. Et sinon, il ferait pression contre elle. Elle n'avait plus de doutes, c'était ça. Elle ragea ; mais elle ne pouvait rien contre lui...

Le vieil homme, lui pensait à autre chose que la menacer quand il avait dit ça. Il voulait les préserver. Il voulait éviter que des recherches soient faites, car il savait ce qui risquait d’arriver. Si la théorie qu’ils avaient décidés d’appliquer se confirmait, c’était qu’il y’avait probablement en Prume quelque chose de rare ou de nouveau.

Il était arrivé aux mêmes conclusions que Samanthine, vu les rapports, mais c’était trop exceptionnel...Si Prume avait bien une particularité biologique, une différence mal connue, commencer à autoriser des recherches dessus, c’était condamner l’enfant à ne bientôt plus quitter des laboratoires de haute sécurité...L’emprisonner jusqu’à ce que tout soit connu.


Dans le meilleur des cas, si c’était quelque chose de trop bénin, elle aurait à subir le temps que cela soit confirmé dans une zone encore plus sécurisée que les chambres stériles où elle avait déjà passée des mois. Dans le pire, s’il y’avait quelque chose d’inconcevable malgré leur niveau de connaissance, alors elle y resterait jusqu’à sa mort...Avec quelque chose capable de provoquer autant de mutations dans un organisme vivant, il savait qu’autoriser des recherches sur Prume conduirait à des mesures aussi drastiques que traumatisantes...


~~~



Prume revit son amie Néphéline l'avant dernier jour des vacances. La petite vivant bel et bien seule avec sa grand-mère, n'avait pas fait grand-chose des vacances et fut, comme à l'accoutumée, ravie de revoir Prume. Elle s’était sentie bien seule encore, mais elle apprenait à développer une patience qui faisait d’elle l’opposée viscérale d’Elyne. L’énergique contre la flegmatique. Ce jour où Prume lui proposait de se revoir, Néphéline était évidemment devenue joyeuse, et elles s’étaient retrouvées avec bonheur. Prume lui raconta que le vieux livre était en cours de réparations pour quelques mois, et elles le liraient quand il serait comme neuf et accompagné d’une traduction.


Ces grandes vacances avaient été paisibles, et les Gains n'eurent pas d'événement triste à déplorer. Pour Elyne, cet été fut l'un des meilleurs de sa vie. Il y avait tellement longtemps qu'elle n'en avait pas passé un avec sa sœur. Les deux étés précédents, elle avait été effectivement dans ce si long coma. Elyne en avait éprouvé un manque qu’elle ne mesurait désormais qu’en le comblant pendant ces jours-là. Elle réalisait assez naturellement, parce que cela lui avait manquée, à quel point cette chose difficile à décrire lui était importante. Mais aussi plus étonnement, que le vide avait été bien plus grand qu’elle ne le réalisait avant...Prume ne devait plus se rendormir. Elyne ne voulait plus connaitre ça...Elyne ne voulait plus avoir à vivre des étés tels que ceux-là, avec le cœur qui se vidait.


La nouvelle rentrée arriva, au collège voisin. Les jumelles étaient heureuses. Elles faisaient la même taille, elles riaient. Éloïse fit une nouvelle peinture de ses enfants adorées ; et tous se dirigèrent sans craintes vers les nouveaux bâtiments.


Cette fin d’année allait certainement s'écouler à l'image de la ville, aussi bien qu'on pouvait le rêver. Tout allait pour le mieux en ce mois de septembre.

Comme Maya revoyait souvent les jumelles, Néphéline passait voir son amie aussi de temps à autres. Celle-ci s'était promise de travailler le plus possible pour atteindre le niveau de Prume, qui de son côté, ne semblait pas prêter d'importance à leur nette différence d'âges. Elle ne se sentait pas vraiment trop âgée à côté d’elle. Peut-être en partie parce qu’elle avait ratée quelques années, mais surtout parce que la petite n’avait pas le comportement d’une fillette allant sur ses cinq ans.

Néphéline avait un comportement plus mature, mais pas vraiment plus sain. Elle grandissait différemment, et elle était prête à faire des efforts importants pour ce qui lui importait. La maternelle, elle allait la passer, elle irait probablement vite au primaire à son tour. Même si l’attitude et les raisons étaient différentes, la petite fille rousse avait aussi une intelligence vive qu’elle ne demandait qu’à utiliser. Elle voulait monter, jusqu’au niveau de son amie, et pour cela, elle allait apprendre tout ce qu’on lui demanderait à l’école. Et elle y arrivait.


Éloïse était toujours aussi heureuse de ses filles et restait radieuse comme un soleil. La femme de bientôt quarante-trois printemps et déjà presque plus de cheveux châtains était contente de tout dans sa vie, sauf ce gris sur sa tête. Ses filles ne la virent que quelques temps durant l’été, cette teinte grisante, qu’elles trouvaient plus féerique que l’intéressée n’y parvenait. Avec la reprise du travail, elle s’était reteinte l’ensemble méticuleusement, de sorte qu’il ne restait qu’un liseré qui se perdait dans les reflets.


Elyne n'avait pas vraiment d'amie qu'à elle, comme Prume avait Néphéline. Mais pour elle, Maya jouait bien ce rôle de meilleure amie, et s’en contentait. Maya, lui ne faisait toujours pas de préférences entre l'une des deux jumelles quand il venait jouer et ne s'inquiétait pas quand à l'existence de la petite rousse. Il avait réessayé de se montrer amical envers elle quand les occasions se présentaient, mais elle le rejetait toujours. Maya ne s’en vexait absolument pas, et restait souriant, naturellement souriant. Il ne mentait pas quand il disait qu’il était content.


Les sœurs revirent parfois les serpents qu’elles fuyaient autrefois. Ils ne les effrayaient plus.

Ces serpents en nombre variables de un à six individus désormais, si tous étaient bien là, n'avaient pour seule activité réelle, que de se trouver auprès des deux filles. Ils les suivaient, tout en gardant toujours un ou deux mètres de distances généralement.

Comme elles ne les voyaient que rarement, et désormais n’importe où, elles n'y prêtaient bientôt presque plus d'attention. Leurs apparitions étaient aléatoires, et elles ne les considéraient plus comme importantes.

Elles les considéraient désormais que comme des légères hallucinations enfantines. Des petits rêves d'enfants éveillés. Elles n'en parlèrent pas, ne l'estimant même pas comme utile. Après tout, leurs vieux rêves ne risquaient pas de les affecter de quelques manières que ce soit ; pas plus qu’avant.


Dans une fête d’introduction qui eu lieu au collège, le professeur qui avait eu les jumelles pour leur première année de maternelle reconnut Prume. Les années passaient vite pour lui, il s’amusa pour la première fois de voir le temps être passé. Elle qui semblait à l'époque à peine âgée de trois ans ; elle faisait bien à ce jour ses presque dix ans, il lui donnait même un peu plus. Il l'interpella, mais comme elle ne le reconnaissait pas, il lui rappela qui il était. Il lui demanda ensuite ce qu'il voulait lui demander depuis longtemps.


- Dis-moi Prume, est-ce que tu arrives toujours à retrouver certaines choses les yeux fermés ?

Pru- Je ne sais pas, je n'ai jamais essayée.

Repérant sa sœur un peu plus loin derrière, il lui demanda d'essayer.

- Pourrais-tu me dire où est ta sœur, sans bouger ?

Pru- Ce n'est pas possible Monsieur.

- Essaye juste un instant s'il te plaît. Tu veux bien ?

Elle essaya. Elle ferma les yeux et essaya de voir quelque chose dans cette obscurité. A part le sentiment d'avoir déjà vécu ça, elle ne trouva rien. Elle se retourna et ouvrit les yeux, face à son ancien professeur.

Pru- Je ne l'ai pas trouvée.

Elle s'était naturellement tournée vers lui, avant de rouvrir les yeux, mais ne l'avait pas remarquée. Lui il l’avait remarqué.

- Je vois... Tu pourrais me dire où est ta mère ?

Pru- En fermant les yeux ?

- Non, non, pas la peine.

- Elle est là-bas avec ses amis. Maya aussi est ici maintenant, donc il y’a sa mère.

Prume pointa une direction du doigt, où les mères de plusieurs familles discutaient. L’homme salua Prume en souriant largement.

- Merci Prume, fais attention à toi et amuses toi bien ici.


Sans attendre sa réponse, il s'éloigna vers la mère de l'enfant. Il ne la trouva pas. Éloïse avait dû s'absenter le temps qu'il arrive.


Ce professeur, devenu trop vieux, et il était fatigué ; fatigué de tout. Il avait pourtant le sentiment qu'il devait prévenir Éloïse de quelque chose. Avant qu'il ne soit trop tard, pensait-il. Avant qu'il ne se passe quoi ? Sa raison le freinait ; son instinct le poussait à agir. Même si l’instinct n’apportait plus que la superstition et l’obscurantisme, il le poussait là dans une chose qui lui semblait importante malgré tout. Même si cela devait être aussi méprisable que ce qu’il méprisait, il n’avait pas trouvé de moyen pour changer de point de vue.


Il retrouva Éloïse qui était plus loin, il l'aborda. Il allait parler, mais quelque chose éclata en lui, dans sa poitrine. Le temps de sentir comme un froid dans sa nuque, comme un frisson, et une douleur foudroyante le força à s'écrouler, inconscient et mourant. Son cœur s’était arrêté dans un ictus brusque. Il ne réalisa pas bien ce qu’il lui arrivait pendant l’instant où il s’effondra et quand il gisait. Il ne vit rien, il ne sentit plus rien.


Il y eut quelques cris de panique. Quelqu'un appela l'ambulance, tandis que le médecin de l'école accourait déjà pour l'aider. Le médecin ne trouva pas de pouls ; il tenta de le réanimer pendant plusieurs minutes, sans succès. Le reste de la fête avait été annulé et tout le monde avait dû sortir.

Éloïse était restée avec quelques autres qui s'inquiétaient. Dehors, l’automne était printanier. Dedans, un vieil homme se mourrait. Les brancardiers firent une entrée fracassante ; en défonçant une porte que quelqu'un avait malencontreusement refermée. Ils emmenèrent le vieil homme à grande vitesse. Éloïse ne fut pas invitée à les suivre. Elle retrouva ses filles à l'extérieur et rentra avec elles. Par le biais du travail, elle apprit deux jours plus tard que ce cher enseignant était sauf.


Éloïse reçut un appel de lui, il voulait lui parler. Elle alla donc le voir à l'hôpital avec quelques fleurs, malgré son dégout devenu certain pour ces bâtiments trop blancs. Il avait le visage d'un homme déjà mort ; il devait certainement revenir de loin, et ne tarderai pas à y retourner... Éloïse lui posa les fleurs sur sa table et ils discutèrent un peu. Elle le reconnaissait à peine, et à part à l’occasion où ils avaient envisagés de faire avancer Prume plus vite dans les cours, ils n’avaient jamais discutés de façon personnelle ensemble.


Élo- Comment vous allez ?

- Aussi bien que vous pouvez le voir...Plaisanteries mises à part, je suis content pour certains... disons détails...

Élo- Que vous était-il arrivé ? Une crise cardiaque ?

- Oh... Pas tout à fait... Un cancer du cœur il semblerait. Une tumeur jamais remarquée qui m'a presque explosé le cœur. En fait, il est devenu la tumeur, on m'a dit. Difficile de dire combien de temps il me reste, mais ça se compterait en heures il parait... Mais assez parlé de moi. Je tenais à vous parler de votre fille.

Élo- Elyne ou Prume ?

- Prume. J'ai entendu quelques rumeurs sur sa santé, peut-être est-elle liée à ce que je veux vous dire...

Élo- Quoi donc ?

- Je ne peux en fait pas vous révéler grand-chose, et peut-être le savez-vous déjà ; mais Prume à quelques qualités très particulières.

Élo- Je sais qu'elle a des grandes qualités.

- Celle dont je veux parler est plus inhabituelle... Comment dire ? Je pense que son sixième sens est très développé ; bien qu'elle ne s'en rende pas vraiment compte.

Élo- Je m'en doutais déjà depuis longtemps vous savez... Pourquoi est-ce que cela vous tenais tant à cœur de m'en parler ? Oh ! Excusez mois pour ce que j'ai dit...

- Ne vous inquiétez pas pour mon cœur. En fait, j'ai toujours vécu par la raison. Maintenant que je suis proche de la mort, j'ai de meilleures raisons pour laisser mon inconscient s'exprimer et guider mes actions ; pour la première et dernière fois. En plus il paraît que ceux qui sont le plus enclins à devenir superstitieux sont les gens les plus éduqués...Moi je ne jurais que par ça, l’éducation...Alors je pense que c'est un mauvais pressentiment qui me pousse à vous dire que votre fille à bien quelque chose d'unique... Quelque chose de peut-être dangereux ? Je ne sais pas. Je voulais vous prévenir que vous devriez être observatrice et prudente, pas envers Prume, mais pour elle, pour son bien...J'ai eu le sentiment que je devais le faire...Le sentiment... Le sentiment...

Élo- Merci alors ; je vais tacher d'en parler avec elle. A bientôt...

Elle se leva et commençait à partir.

- Éloïse...

Élo- Oui ?

- Prends soins de tes filles.


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