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Solaris Ikizkuz Kardesler  作者: 蕤
Recto
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Recto - Partie 2

A la même heure, Éloïse donnait un cours à l'une de ses classes, sans se douter un instant de l'ampleur des événements qui venaient d'être accomplis.

Si toute l'histoire de ces Gains, mère et filles avait était édictée avant qu'elle ne s'écrive ; que le destin était immuable et conscientisé par un dieu quelconque ; alors leur fatum venait de passer un cap crucial. La santé de Prume avait commencé une déliquescence péremptoire. La véritable nature de sa physiologie commençait enfin à dévoiler son ampleur.

Prume avait une très faible vitalité, sans doute liée à sa croissance ralentie, son corps ne pouvait presque rien supporter. Ses toux acides étaient le résultat d'une infime allergie qui avait fait éclater ses dernières protections biologiques. Elle devenait extrêmement vulnérable, peut-être autant que si elle avait eu le syndrome d'immunodéficience acquise. Les brancardiers le craignaient, Elyne s'inquiétait sans comprendre, et bientôt, les médecins croyaient rêver en l'examinant...


Un très mauvais rêve... Un mauvais présage pour la petite fille encore endormie, alors que le fait qu'elle ait tenu quatre ans, ainsi, semblait apparemment tenir du miracle.

Prume fut très vite placée en chambre blanche ; une chambre avec sas où aucune poussière ne pouvait rentrer. Elyne refusant de la laisser fut emmenée de force à la garderie. Elle eut beau se débattre, elle ne put rien faire. Elyne s'effondrait, emportée, voyant par des fenêtres épaisses du couloir la salle où Prume avait été installée.

Prume ne s'était encore rendue compte de rien et dormait probablement paisiblement sur son lit blanc. En même temps, Elyne pleurait dans son coin à la garderie et nul ne semblait l'entendre. Pour elle, sans sa mère et sa sœur, son existence n'était qu'une amère illusion, lente et douloureuse. Elyne déprimait, de l'acide spirituel s'instillait facilement en elle, encore jeune.


Une nourrice vint la voir, lui mettant naturellement la main sur l'épaule droite pour lui signaler qu'elle lui parlait, gentiment, lui demandant bien vite ce qui n'allait pas. Une fois le bref contact électrique terminé, Elyne tourna la tête par la gauche. Elle n'avait pas réfléchit, et n'avait pas envie de voir cette personne qu'elle ne connaissait pas. Elle était en colère, et même si elle ne l'avait pas voulue, son œil aveugle cracha un regard terrifiant ; forçant la pauvre femme à reculer, effrayée.

Elyne sentant la personne partir, se remit en boule dans son coin, pour recommencer à pleurer doucement. Elle avait déjà oubliée la personne dans son dos...

La nourrice un peu sonnée prit son propre pouls sur son poignet gauche, en dessous de la petite montre. Quand le cœur dépassait la vitesse de deux battements par secondes, elle savait pouvoir considérer qu'il fournissait alors un effort important. Les causes d'un tel travail de la part de ce muscle étant de deux ordres ; soit elle avait effectué un effort physique important ; soit elle avait subi un choc traumatisant, comme une violente frayeur. La nourrice était dans cette dernière catégorie. Il lui fallut quelques minutes pour se remettre, sans parvenir à réaliser pourquoi, au-delà de la surprise et de la colère de la fillette, cet œil blanc avait pu lui faire un tel effet... Lorsqu'elle se sentit mieux, elle alla s'informer sur la fillette borgne. Sa mère était en train d'être prévenue, elle ne tarderait sans doute pas à venir la chercher. Le savoir ne déplut pas à la pauvre femme ; elle avait gardée l'impression que l'œil blanc de la fillette continuait de l'attaquer avec une sorte de hargne surprenante.


Éloïse avait été prévenue par la direction que ses enfants étaient à l'hôpital. Naturellement inquiète, très inquiète même ; elle s'y rendait aussi vite que possible. On ne lui avait pas expliqué ce qui s'était passé, elle avait seulement reçue la demande de se présenter prestement à l'hôpital, ses filles y étant. Elle y arriva essoufflée, les joues rouges, transpirant abondamment. Éloïse demanda où était ses filles avant toute autre chose. Quand on l'accompagnait, elle déclara en reprenant sa respiration qu'elle était venue aussi vite que possible. Elle rattachait fébrilement ses cheveux en parlant, leur couleur châtain avait commencée à grisonner aux racines depuis peu.

La nourrice concernée par Elyne l'emmena la récupérer à la garderie.


Elyne était toujours perdue dans les aléas incertains et douloureux de sa solitude. Sa vie n'avait plus de sens autre que sa souffrance d'être séparée des deux êtres chers. Elle se sentait torturée de l'intérieur sans que sa raison ne puisse lui apporter le moindre réconfort. Il lui fallait sa mère ou sa sœur, mais elle ne serait jamais parvenue à l'expliquer clairement ; son traumatisme était trop important pour qu'elle ne parvienne à réfléchir consciemment et correctement. Son esprit n'était pour elle-même plus qu'un agrégat informe et sombre où se mélangeaient les idées malsaines et les pensées douloureuses dans la plus grande anarchie. Elyne ne se débattait plus contre l'extérieur, sentant que le chaos qu'elle hébergeait était plus préoccupant ; mais sans parvenir à penser concrètement ; elle n'arrivait à rien et continuait de subir presque en silence sa torture interne. Elle se sentait patauger dans un marais de pois noir, s'y embourbant de plus en plus au risque de s'y noyer. Elyne commença à avoir peur de ce qu'elle imaginait mais ne parvenait pas à arrêter ses pensées. La peur était en phase de devenir terreur quand Éloïse arriva. La salvation !


En entendant son prénom appelé par sa mère Elyne sentit déjà une bonne partie de ses peurs disparaître à jamais, comme de simples ombres qui auraient fait semblant d'être massives. Éloïse la souleva pour la serrer contre elle ; Elyne put enfin se blottir contre sa mère et pleurer plus ouvertement. Tout en rassurant Elyne avec douceur, Éloïse suivit un médecin qui l'emmena à Prume. Elyne restait dans les bras réconfortants de sa mère durant toute la durée du chemin et de la discussion entre le médecin et sa mère. Elle n'entendait plus rien, elle se réconfortait doucement, évacuant la solitude qui s'était accumulée pendant ces dizaines de minutes.


Des couloirs, des pentes descendantes, encore des couloirs... Éloïse n'aimait pas ça. Même s'il lui avait expliqué, que dans le doute et l'attente d'un diagnostic plus sûr, ils l'avaient mise dans une des chambres stériles du sous-sol.

Ils passèrent une dernière porte automatique et ils arrivaient devant la chambre, aussi protégée qu'un coffre-fort. Une large fenêtre inouvrable face à eux, se prolongeant sur la droite, faisait la longueur d'un des murs entre la chambre et son couloir dédié. Elle permettait de voir la gamine encore sous l'effet des drogues ; comme morte. En suivant le couloir, puis l'angle passé, les derniers mètres les approchant du sas, la mère continuait de regarder sa fille à chaque pas.


Élo- Mais que s'est-il passé ?

Éloïse laissait transparaître son inquiétude. Le médecin lui expliqua comme il put que sa fille semblait avoir risquée sa vie à l'extérieur ainsi. Que Prume avait une constitution presque sans défense immunitaire. Que sa faible masse corporelle, en retard pour son âge, la rendait particulièrement faible et désarmée face à une quelconque menace exogène ; que ce fut un virus ou un produit allergène. Prume avait probablement un déficit d’hormone de croissance, et peut-être bien une maladie auto immune, ce qui était particulièrement inquiétant.

Élo- Mais jusqu'ici tout allait si bien...

- Je ne peux pas encore tout expliquer... De ce que nous avons diagnostiqué aujourd'hui, il semble que le fait que Prume ait pu tenir quatre années sans manifester le moindre désagrément tiendrait du miracle ; pas de la médecine. Mais il y a des cas comme ça de temps en temps...

Élo- Que faudra-t-il faire ?

- Pour le moment la laisser se reposer. La chambre où elle est ne présente aucun risque pour elle. Ensuite nous établirons au plus vite un diagnostic clair. Une fois les causes exactes de son problème connues, nous préparerons un remède ou un traitement...

Élo- Alors... Quand pourra-t-elle sortir de cette chambre où on ne doit pas rentrer ?

- Au mieux d'ici trois ou quatre jours, au pire, je ne peux pas encore vous répondre...


Leur discussion se finissait là. Ils devaient attendre les spécialistes qui feraient les examens décisifs... Ceux-ci étaient encore occupés ailleurs, sur d'autres patients. Éloïse décida d'attendre dans l'antichambre plutôt que de rentrer chez elles... Elle attendait à la fois la venue d'un des spécialistes, quel qu'il soit ; et le réveil de Prume. Elyne s'assit à côté de sa mère, se colla à elle et garda sa main entre ses bras. Elles ne dirent rien.

Éloïse se doutait qu’Elyne avait souffert de ce qui était arrivé à sa sœur. Elyne avait fini d'évacuer sa souffrance principale, mais il lui restait l'inquiétude de fond, qu’arrivait-il à Prume ?


~~~



Leur salle d'attente était bien chauffée. Le médecin n'arrivant pas et Prume ne s'étant toujours pas réveillée, elles continuaient d'attendre.

La nuit était tombée, Éloïse le sachant grâce à sa montre uniquement. Rien de neuf n'était encore apparu si ce n'était qu’Elyne était enfin parvenue à se détendre. Elle ne s'était pas plainte de la faim, elle se reposait et allait finir par s'endormir. Elle restait silencieuse, mais sa mère savait que c'était plus par sagesse et économie que douleur désormais.


La température légèrement élevée et leurs fatigues les firent s'assoupir. Durant les quelques heures de cette nuit, la famille dormit presque ensemble, mais contrairement à l'accoutumée, le mur très épais et la fenêtre qui les sépareraient physiquement était inviolable.


Durant ce sommeil médicamenteux qui dura finalement trois jours, la petite Prume ne fit qu'un seul rêve ; ou alors tout du moins seul ce rêve fut plus intense que les autres, et suffisamment fort pour qu'elle puisse s'en souvenir à son réveil.

Ce rêve était long... Non pas qu'il s'y passait beaucoup de choses, mais vraiment que le temps s'y écoulait longuement. Prume se trouvait dans une vaste plaine qui semblait couverte d'herbes courtes. À sa vue, tout était flou, légèrement brouillé. Les images, mais aussi les sons, les sensations... Tout était abimé comme un trop vieux film qui se serait couvert de grain. Toute perception était érodée...


Un vent important soufflait, apportant des odeurs de cendres. Ensuite, une troupe arrivait. Prume devinait des hommes et des femmes, marchant tous dans la même direction, vers elle, mais pour aller de l'autre côté de la plaine uniquement. Ils ne la voyaient pas. Prume ne voyait pas d'enfants ; il n'y en avait pas, il n'y avait que des adultes. La plupart de ceux qui passèrent étaient habillés de couleurs claires, et ils semblaient tous porter des casques ou des chapeaux un peu étranges... Elle ne parvenait pas bien à voir. Ils ne transportaient rien, ou peut-être ce qui lui évoquait juste une petite gourde à la taille.

Il y avait une soixantaine de personnes qui marchaient dans le sens du vent. Prume ne parvint pas à les suivre ; elle ne pouvait pas avancer, elle ne pouvait pas bouger. Elle les voyait déjà repartir comme ils étaient venus, emportant avec eux le parfum de brûlé. Prume ne comprenait pas, mais elle ne réalisait pas sa situation. Comme dans n'importe quel rêve, elle ne se rappelait pas vraiment qui elle était où ce qu'était sa vie réelle...


Elle attendait en silence, observant le ciel était grisâtre, couvert par un nuage sans forme. Le parfum de l'air n'évoquait pas la pluie, mais était frais. Une légère brume ne tarderait pas à tomber. Elle eut soudainement le réflexe de se retourner. A sa hauteur, elle ne vit d'abord qu'une très large robe d'une blancheur irréelle qui tombait jusqu'au sol. Elle leva doucement la tête et vit la fille. Outre des très grands yeux verts comme elle n'en avait jamais imaginés, elle semblait normale.

Même si elle voyait mal son visage au travers du flou, Prume sentait qu'une impression de douceur se dégageait d'elle. Elle lui donnait environ quinze ans, sans doute pas plus, car elle ne distinguait aucun trait sur le visage, il devait être d'une finesse notable.


Prume réalisa le problème avec elle. Alors que la robe partait d'une section entre la taille et le bas ventre, celle-ci n'atteignait le sol qu’à plus d’un mètre et demi ; comme si ses jambes étaient démesurées. La fille culminait à plus de deux mètres et demi, alors que sa carrure, son buste, sa tête et ses bras ne lui donnait pas plus de cent soixante centimètre. Soit la fille à la robe blanche avait des jambes immenses, soit elle avait autre chose, comme des chaussures de un mètre. Prume fixa ses grands yeux mélancoliques qui semblaient la voir. La fille plia ses jambes apparemment, car son buste s'abaissa presque à la hauteur de Prume. Elle s'agenouillait, mais la robe ne laissait rien voir. C'était une sorte de grand hakama brodé mais blanc comme de la lumière. Au-dessus outre la ceinture nouée dans le dos de la même blancheur, elle portait juste un mince tee-shirt gris et sans manches. Elle approcha une main beige orangée vers le visage de Prume. Elle la posait doucement sur le front de Prume et prononçait quelques mots, mais Prume ne les entendait pas, elle voyait juste une sorte de bouche frémir ; tout en ressentant la chaleur de la main sur son front. Ensuite Prume voyait une forme indistincte remuer derrière la fille. Une sorte de filament lumineux qui danserait trop vite pour être réellement vu. La fille bizarre répétait ses mots inconnus et fermait les yeux de Prume.


Elle retombait dans un sommeil, sans rêves. Elle crut deviner que le visage de la fille était devenu terriblement triste, avant de l'emporter dans l'oubli, une fois le rêve terminé.


Prume se réveilla avec la robe blanche dans la tête, la grande robe neige. Ses yeux ne trouvèrent rien de connu à regarder. Tout était blanchâtre, tirant sur un jaune clair. Une chambre bizarre. Son lit était inconfortable, au milieu de la pièce en diagonale et à hauteur de ventre.


Elle commença à paniquer puis vit de l'autre côté de la fenêtre du mur côté sas, sa sœur endormie sur un banc, et sa mère parlant avec un homme et une femme habillés de blanc ; mais un banc plus terne que celui de la fille du rêve. Prume parvint à se lever du lit et ressentit une profonde fatigue. Elle rejoignit la fenêtre et colla ses mains à la paroi. Ils la virent et Éloïse accourut devant. Elle commença à parler mais Prume n'entendait rien. Elle parvint à le faire comprendre à sa mère avant qu'elle ne parle trop longuement. Éloïse se retourna un instant vers le médecin qui acquiesça un moment après.

Éloïse se dirigea rapidement vers le sas et y entra. Un scanner fit un examen sommaire de la menace que serait sa présence dans cette salle blanche pour la patiente. Le résultat indiqua un neuf pour cent. La deuxième porte s'ouvrit et Éloïse put aller prendre sa fille dans ses bras pour l'embrasser, au bord des larmes.


Prume expliqua qu'elle avait juste beaucoup toussé et ne comprenait pas pourquoi elle était dans cet endroit bizarre... Elle ne se souvenait pas à quel point elle avait souffert avant d'être sédatée.

Éloïse lui raconta ce qui se passait et était arrivé. Elle lui expliqua qu'elle devait se reposer dans cette chambre quelques jours et prendre les médicaments qu'on lui donnerait. Ensuite tout irait mieux. Éloïse lui promit de rester autant qu'elle le pourrait avec Elyne auprès d'elle. Elle lui apporterait tout ce dont elle aurait besoin. Prume l'interrompit dans son élan mélodramatique abscons, pour lui raconter son rêve étrange. Éloïse l'écouta attentivement jusqu'au bout avant de lui dit ce qu'elle en pensait.

Élo- Ma petite Prume, c'est sans doute un ange qui est venu te voir.

Pru- Un ange ?

Élo- Oui, sa robe cachait sans doute ses grandes ailes lumineuses. Les anges sont des gentilles personnes qui vivent généralement dans les nuages ; mais des fois, ils viennent voir les petites filles si elles sont gentilles.

Pru- Mais pourquoi elle cachait ses ailes ?

Élo- Parce que les ailes des anges sont tellement belles que l'on ne ferait plus attention aux autres choses qui nous entourent. Elle voulait se montrer à toi, elle ne voulait pas que ses ailes ne vous gênes dans cette rencontre.

Pru- Mais je n'ai pas compris ce qu'elle disait, il y avait comme une autre fenêtre pour ces mots qu'elle disait.

Prume montra l'autre fenêtre par laquelle on voyait Elyne dormir. Éloïse la regarda et réfléchit un instant.

Élo- Elle reviendra sans doute te redire ce qu'elle voulait te dire ; ne t'en fais pas.

Pru- Je veux voir Elyne maman.

Élo- Je vais la chercher, tu m'attends ?

Pru- Oui.


Éloïse retraversa le sas pour aller chercher Elyne. Elle la réveilla doucement et lui indiqua le sas. Elyne y entra sans hésiter. Le scanner indiqua une menace d'à peine deux pour cent. A la vue de cette valeur, le médecin eue une moue d'admiration involontaire. Il fit la réflexion qu'elles n'étaient sans doute pas jumelles pour rien, même si cela n'avait probablement pas de rapport avec ce que l'ordinateur du sas vérifiait.

Elyne retrouva Prume et la serra aussi dans ses bras. Elyne avait une douleur à finir de guérir, Prume un trésor à partager.


Éloïse les regardait au travers du sas s'asseoir et commencer à parler ensemble quand Johann arriva. L'infirmier stagiaire de l'école maternelle venait pour s'expliquer avec le médecin en charge de Prume. D'après l'enquête qu'il avait aidé à faire, les substances qui avaient fait réagir Prume étaient dans les peintures qu'elle avait utilisées pour la première fois ce jour-là. Après quelques expériences et analyses, notamment du glaire sanglant qu'elle avait craché, il en était venu à la conclusion que Prume était hautement allergique aux composés vaporeux d'hydro poly méthylènes ; ou quelques chose comme ça. Éloïse n'était pas parvenue à saisir le nom exact et l'avait retenu ainsi. L’hyper réaction allergique avait provoqué un œdème cérébral.

Éloïse lui fit remarquer qu'elle avait de nombreuses peintures chez elle. Johann la regarda comme si elle venait de dire quelque chose d’incroyablement stupide ; ou bien qu'elle était trop laide à regarder.

Joh- Vous faites de la gouache ?

Élo- Non, j'utilise des peintures aux huiles, mais je fabrique aussi mes propres couleurs avec différents pigments et huiles.

Joh- La colle de gouache est principalement de l'eau ; avec les composés colorés elle a généré des légères vapeurs qui sont inoffensives pour le commun des mortels, on l'appelle l'odeur de la gouache. Si vous ne faites pas de gouache, Prume ne risque pas d'allergie de ce genre.

Le médecin remercia Johann de la peine qu'il s'était donné pour ses recherches et sa venue, puis l'autorisa à rentrer chez lui. Johann ne se fit pas prier et s'en alla sans dire au revoir.

- Excusez son comportement inopportun je vous prie... C'est un scientifique, son université le force à faire un stage médical contre sa volonté.

Élo- Il a pourtant l'air consciencieux. Je ne comprends pas.

- Il est plus que ça, mais il sait à quel point il perd son temps dans ce stage... Je le connais un peu, et je pense qu'il est de ceux qui sont capable de voir plus loin que les précédents, de faire des vraies avancées... Mais en physique ; donc la médecine est une perte de son temps et il en est conscient ; il faut le comprendre.

Éloïse regarda par où le jeune homme blond était partit.

Élo- J'imagine plus ou moins ce qu'il ressent.

- Ne vous en faîte pas pour lui, vous le verrez bientôt siéger au conseil des sages, il a toute les chances d'y être le plus jeune admis.

Élo- A ce point ?

- Il faut le voir dans son milieu ; les théories physiques et leurs formules sont aussi simples à utiliser que des additions pour lui. Il connaît parfaitement des sujets que je ne serais même pas capable d'épeler correctement.

Élo- Je ne me rend pas bien compte.

- Ce n'est rien ; disons juste qu'il a juste d'immenses capacités qu'il ne demande qu’à utiliser.

Johann comptait bien préciser dans son rapport de stage qu'il l'avait considéré comme une immonde perte de temps. Éloïse oublia le jeune homme, se retournant vers ses filles.

Élo- Prume sortira quand ?

-Dans quatre jours.


~~~



Prume dut subir cette chambre pendant quatre jours. Des jours entiers enfermés entre des murs d'un blanc trop jaune pour ne pas la mettre mal à l'aise. Elle détestait cette couleur. Les vitres donnant sur le couloir de la même couleur, il n'y avait aucune réelle fenêtre. Elle était emprisonnée. Après le rêve étrange, mais plutôt agréable, le cauchemar commençait.

La chambre blanche était équipée d'une salle de bains, évitant à l'occupante de sortir et s'exposer. Chaque repas qu'on lui apportait était accompagné de quelques ampoules et gélules médicamenteuses. Ces dernières constituaient le traitement établit pour la renforcer et même éventuellement la guérir. Prume était particulièrement docile et les engloutissait sans se plaindre. Elle ne se plaignait ni ne s'énervait, mais son humeur avait profondément faiblit.


Durant ces quatre jours d'emprisonnement, Prume parla peu, se recroquevillant intérieurement, comme pour entrer dans un état d'hibernation. Elle ralentissait autant que possible les choses l'animant, pour que la souffrance paraisse plus lointaine, atténuée. Son comportement naturellement paisible était presque devenu de l'absence, ce qui inquiétait grandement Éloïse.

Prume lui assurait qu'elle allait bien à chaque fois que sa mère venait la voir, mais quand elle était seule, Prume n'avait pas goût a la moindre activité. Seule, elle continuait d'attendre, sans rien faire d'autre que regarder ses pieds se balancer, assise sur le bord du lit minimaliste installé au milieu de la chambre.

Elyne allait aussi souvent que possible jouer avec elle. Dispensée de l'école, elle passa les journées avec sa sœur, Prume ne se retrouvant seule que durant la nuit. Éloïse avait pris un remplacement dès le lendemain pour pouvoir rester avec sa fille chérie. Mais Prume avait déjà rendue son dernier sourire. L'adorable fillette ne souriait plus et ses yeux semblaient toujours fixer quelque chose de lointain et invisible, comme si elle tentait de revoir quelque chose de l'extérieur au travers des murs. Elle ne paniquait pas, mais Prume soufrait terriblement de cet enfermement.


Les quatre jours furent trop courts pour qu’Éloïse ne saisisse le réel problème du changement d'attitude de sa fille maladive. Dans cette souffrance silencieuse, il y avait un aspect qu'elle n'avait pas saisi. Quelque chose que Prume n'aurait pas pu nommer non plus, et qui n'avait pour seule influence manifeste, que de l'avoir aidée à se souvenir du rêve de l'ange.


Prume reçu une dernière injection d'un produit probablement stimulant des mains d'un médecin et put sortir avec sa mère et sa sœur. Elle semblait encore passive et absente, même sur le chemin les menant à la sortie.

Prume retrouva son sourire quand elle fut éblouit par le soleil. Là, la part d'elle-même qu'elle avait forcée à hiberner se réveilla. Prume fut retrouvée avec soulagement. Elle respirait un air un peu froid infiniment plus agréable que celui qu'on ne parvenait pas à décrire dans l'hôpital. Cet air tellement stérile qu'il n'avait aucun parfum, tellement insensible qu'il semblait ne pas vraiment exister...


Le lendemain, les enfants retournèrent à la maternelle avec quelques précautions à prendre. Prume devait rester éloignée des peintures et autres produits chimiques possibles. Les lignes de conduite à suivre étaient floues, mais l'idée de prudence pour sa fragilité avait été comprise par les jumelles.

Le professeur s'inquiétant de la santé de Prume fut aussi précautionneux que possible ; et tout se passa correctement. Les mois suivant s'écoulèrent calmement.

Prume avait un rappel à l'hôpital chaque mois, ainsi qu'un nombre notable d'ampoules et gélules à prendre régulièrement, mais elle était attentive et son traitement se déroulait correctement.

Éloïse ne leur avait pas expliquée clairement si cette médication avait pour but de soigner définitivement Prume, ou juste de la protéger de symptômes incurables ; car elle-même n'avait pas retenue ce qu'il en était. Aussi prévenante et attentionnée qu'elle fut envers ses filles, cette information faisait partie des rares choses de la vie qu'elle était incapable de retenir ou gérer. Quand elle amenait ses enfant à l'hôpital pour le rappel de Prume, le médecin était à chaque fois enthousiaste, et lui signifiait que les choses se présentaient, ou progressaient, toujours bien. Elle n'en demandait pas plus et s'en allait de ces lieux désagréables, fut-ce t'ils nécessaires.

Les jumelles fêtèrent leur quatrième anniversaire en famille et à l'école comme les autres enfants chacun leur tour.


Le professeur de leur classe craignait des rechutes de Prume, Avec le triste pressentiment, l'inquiétude, que les prochaines absences puissent être bien plus longues. Pour cela, il lui apprenait prioritairement ce qu'elle souhaitait connaître et ce qu'elle pouvait lui demander, même si elle n'était qu'en première année de maternelle.

Prume en était contente, et même ravie, car elle était curieuse. Ainsi, tandis que les autres enfants et sa sœur également jouaient ; Prume apprit les rudiments de la lecture, de l'écriture et des mathématiques autrement prévus pour les deux années suivantes. Même si elle aimait bien jouer avec les autres, cela la passionnait largement plus.

Lui ne s'inquiétait pas pour celle qui avait réussi à quatre ans à comprendre avec aisance les différences entre les unités de longueurs. Elle ne savait peut-être pas encore compter jusqu'à trente, mais avait saisi qu'un kilomètre était dix fois un hectomètre, qui était dix décamètre qui étaient chacun dix mètres. Autrement dit, un kilomètre était «dix trois» mètres, selon ses mots.

Le professeur lui montra un mètre où on pouvait voir toutes les subdivisions jusqu'au millimètre afin qu'elle intègre bien ces notions. Et Prume n'avait pas de problème à les comprendre.


Un soir de février de l'an quinze, quand Éloïse venant les chercher, le professeur en profita pour parler avec elle quelques minutes à l'écart ; à propos de Prume.


- Prume devrait pouvoir passer directement aux cours préparatoires.

Élo- A quatre ans ? Mais pourquoi ; elle n'est pas un peu jeune ?

- C'est une enfant intelligente, elle a déjà assimilé des notions qu'on apprendrait aux cours préparatoires. Elle me demande de lui apprendre à lire et écrire mais je dois m'occuper de toute la classe ; je ne peux donc pas vraiment lui donner ce qu'elle voudrait.

Élo- Et vous pensez qu'elle pourrait s'intégrer sans problèmes à l'école primaire ?

- Je ne sais pas, mais je pense qu'elle devrait essayer. Et puis, excusez-moi de le dire comme ça, mais avec sa santé, il vaudrait mieux peut-être qu'elle apprenne vraiment ce qui l'intéresse...

Éloïse ne répondit pas. Est-ce qu'elle devait accréditer cette sinistre théorie ?

- Écoutez, faites-lui essayer quelques jours ; et si ça ne lui plaît pas, elle pourra toujours revenir.

Élo- D'accord. Je vais en parler avec elle ; merci pour tout.

Je vous en prie Madame Gains.


Éloïse en parla avec ses filles, une fois rentrées. Prume avala le contenu de son ampoule avant de hocher la tête en signe d'approbation, elle voulait savoir lire et écrire. Elle montra même à sa mère comment elle écrivait ; tenant encore un crayon comme un poignard ; elle écrivit un peu étrangement son prénom. Éloïse lui montra comment tenir son crayon ; comme un pinceau.

Pendant qu'elle apprenait plus ou moins à Elyne la même chose, Éloïse demanda à Prume ce qu'elle avait appris récemment. Celle-ci répondit simplement.


Pru- Les kilomètres.

Élo- Les kilomètres ?

Pru- Oui, et les mètres aussi, et les autres.

Élo- Tu sais combien il y a de mètres dans un kilomètre ?

Pru- Oui, y'en a dix trois !


Éloïse fut amusée, souriant largement. Si Prume avait dit dix puissance trois cela aurait été juste ; mais l'idée qu'elle se faisait était plutôt correcte. Éloïse leur apprit quelques rudiments d'écritures ce soir-là, essentiellement portés sur la tenue du crayon ou du stylo.

Elyne trouvait cela amusant aussi. N'étant cependant pas invitée au cours de primaire, elle allait continuer en maternelle, éventuellement sans sa sœur. Cette séparation de quelques jours ne leur posait aucun problème. La précédente était déjà oubliée, et celle-là n'était qu'un détail insignifiant pour elles. Ce n'était qu'en classe qu'elles se sépareraient ; elles se retrouveraient aux récréations et au déjeuner. Elles étaient sereines. Éloïse passa sa main dans ses cheveux grisonnants en souriant ; elle avait confiance.


~~~



Le lendemain, les deux sœurs se séparèrent sur le chemin des couloirs de l'école avec de larges sourires. Prume entra dans la salle où les autres élèves étaient largement plus grands qu'elle, d'autant plus qu'elle était naturellement petite. Ceux-ci étaient surpris mais se montrèrent admiratifs et respectueux, pas moqueurs. Ils furent gentils avec la petite Prume.

Leur professeur, ou maîtresse comme certains l'appelaient, croyait d'abord à une erreur mais comprit rapidement ce qu'il en était. Et elle fit son cours normalement.

Quand Prume ne comprenait pas quelque chose, elle fermait les yeux pour les réfléchir, quitte à perdre quelques instants d'autre chose. Elle comprenait parfois mieux ce qui lui avait posé problème ainsi. Durant tout le cours elle fut donc régulièrement en train de fermer et rouvrir les yeux, ce qui agaçait la professeur. Celle-ci attendit la fin du cours pour lui demander pourquoi elle faisait ça.


Prume avala une gélule et une ampoule sous son regard étonné avant de lui répondre qu'elle comprenait mieux les yeux fermés ; mais qu'il fallait bien qu'elle lise ce qu'il y avait d'écrit au tableau. La maîtresse oublia l'agacement précédent et lui sourit.

Amé- Je comprends, tu es une auditive toi aussi ; tout comme moi.

Pru- Auditive ?

Amé- Tu comprends mieux quelque chose quand tu l’entends plutôt que quand tu le vois, non ?

Pru- Euh... Oui, je crois.

La femme blonde s'abaissa un peu et caressa la tête de Prume un peu machinalement, affectueusement.

Amé- Et tu à comprit beaucoup de choses dans ce que je disais ?

Pru- Oui madame.

Amé- Tu veux bien m'appeler mademoiselle plutôt ?

Elle fit sa demande en souriant, mais Prume ne comprenait pas le sens ou la raison de la question. Elle expliqua.

Amé- Je ne suis pas mariée et je n'ai pas d'enfants, donc tu peux m'appeler mademoiselle plutôt que madame, c'est plus gentil.

Pru- D'accord.

Amé- Tient, tu pourrais essayer de l'écrire ça ?

Pru- Oui.

Prume prit son crayon comme sa mère lui avait appris et écrivit sur sa feuille péniblement un large mot ; écrit phonétiquement et approximativement.

Amé- Ma-demoisele, c'est presque ça ; bravo Prume. Allez va jouer ; on reprend le cours tout à l'heure.

Prume s'en alla guillerette retrouver sa sœur le temps de sa pause.

Amé- Cette gamine... Qu'est-ce qu'elle a ? J'ai un pressentiment triste...

Elle réfléchissait à voix haute, pour elle-même, il n'y avait plus personne dans la salle.

Amé- Mais pourquoi ces médicaments ? Ma grand-mère devait prendre les même pour retarder sa mort...

Elle resta les bras croisés, songeuse. Cette petite fille toute mignonne aurait une aussi terrible maladie ?

Amé- J'espère que ce n'est pas ce que je pense...


Le cours reprit normalement une fois la récréation finie. La professeur parvint à faire abstraction des longs clignements incessants de Prume ; cette habitude finirait bien par s'étioler.

Celle-ci avait retrouvée Elyne pour lui raconter ses aventures dans cette classe avec des bancs pour les élèves. Elyne s'était bien amusée aussi de son côté. Les jumelles étaient contentes.

Éloïse le fut aussi quand elle les retrouva et apprit que tout c'était très bien déroulé. Et si Prume se plaisait dans cette classe, c'était un peu merveilleux. En cela que c'était un peu dérangeant, mais c'était sans doute bien qu'elle y reste. Elle y resta, aux cours de la professeur Coppelnheart.

Éloïse se rappelait que la fille de son amie du même nom autrefois devait avoir le même âge que cette enseignante ; elles étaient certainement la même personne, ce nom étant assez rare dans la ville. Elles ne s’étaient pas encore revues pour faire jouer ensemble leurs enfants, mais cela arriverai bien un jour.


Le temps s'écoula, rythmé par la lourde médication de Prume et les blessures légères d'Elyne qui était toujours aussi agitée. Au moins, elle ne se vit pas de nouvelle corne pousser. Prume grandissait toujours très peu, et devenait très nettement trop petite pour son âge. Même si cela ne semblait pas gêner dans sa classe où elle se serait démarquée de toute façon, cela commençait à l'affecter en dehors. Les autres enfants de son âge allaient moins souvent vers elle que vers Elyne.


Éloïse fit une autre peinture de ses filles au cours de l'année. Ses filles assises sur le canapé ne se ressemblaient plus comme des jumelles auraient dut. Elyne était nettement plus grande, et son visage où les cheveux poussaient différemment se détachait d'autant plus. La ligne de début des cheveux n'était plus du tout au haut de son front, elle s'étirait en pointe aigüe vers le haut du nez. Son symbole disparaissait sous les cheveux et une pointe vers le bas continuait encore nettement. Elle était obligée de tirer ses cheveux vers l'arrière et de les attacher pour ne pas les avoir sur le visage. Prume, plus petite, avait une coiffure plus banale, mais ayant des cheveux poussant aussi rapidement que ceux de sa sœur, elle s'attachait aussi ceux-là derrière sa tête. Il ne restait encore qu'une petite corne arrondie au-delà de leurs élastiques, mais elles auraient rapidement des cheveux assez longs, probablement plus que ceux d'Éloïse. Elle, elle commença à se faire teindre les cheveux en un châtain plus sombre que celui naturel, pour masquer les cheveux gris qui étaient en passe de devenir majoritaires. Elle n'aimait pas vraiment se voir vieillir, elle préférait voir ses filles grandir.


L'année put prendre fin sans incidents. Les filles Gains avaient alors cinq ans.


Éloïse avait appris le point de vue des médecins de l'hôpital concernant Prume. L'enfant n'avait pas de maladie clairement définie ; et ce qu'ils lui expliquaient devenait rapidement abscons pour elle. L'avis global était que Prume subissait ce qu'ils appelèrent un syndrome du papillon. Non pas par rapport à sa métamorphose ; mais pour un état de chenille en tant que jeunesse, et la mort qui suivait très vite l'âge adulte ; autrement dit, que la jeunesse risquait d'être la plus longue partie de sa vie, pas l'état adulte.

Prume risquait de rattraper brutalement son retard pour mourir peu après. Là, les médecins ne parlaient même plus d'éventuelles violentes allergies où de son système immunitaire quasi inexistant.

Ils craignaient de ne rien pouvoir faire ; et que la période de déclin soit particulièrement brusque. Éloïse n'en avait pas parlée avec elle, jugeant cela complètement inutile à son âge. Elle préférait attendre quelques années, que sa fille soit en mesure de comprendre son état. Attendre qu'elle ait au moins huit ou dix ans.


~~~



Leurs vies aux trois continuèrent malgré tout leur évolution paisiblement. La famille était heureuse. L'année scolaire se termina. La suivante commença au même rythme tranquille que tout le monde partageait. Éloïse fêta ses trente-huit ans ; les jumelles fêtèrent leurs cinq ans.


La veille de cet anniversaire, le vingt et un novembre, une fille naissait dans la famille Wolframite. Elle fut nommée Néphéline. Comme Maya Coppelnheart, cette enfant n'aurait pas non plus la joie de rencontrer les jumelles avant plusieurs années. Cependant, leurs destins allaient se révéler ultérieurement indissociables.

Néphéline était née.


L'année scolaire se déroula sans encombre, ni pour Elyne qui s'amusait toujours beaucoup en maternelle, ni pour Prume qui apprenait des choses qui lui plaisaient, avec la demoiselle Amélie Coppelnheart. Elle refaisait la même première année de primaire, et son niveau commençait à s'assurer convenablement. Elle pouvait certainement continuer à partir de là. Comme cela ne dérangeait personne dans l'école, et plus important, ne gênait pas les jumelles, cela allait s'envisager.

La famille Gains arriva à l'été de l'an seize, et Prume passerai dans la classe supérieure une fois les vacances terminées. Pendant ces vacances d'été, la famille alla à la plage. Leur mère les emmenait pour la première fois ailleurs dans la ville, dans un autre des secteurs.


Celle-ci était dans un autre dôme de la ville ; la plage et la mer, ou plutôt le lac, étaient entièrement artificiels, mais bien rendus. L'agitation de la mer, comme l'ensemble du climat, était gérée par un ensemble de processeurs souvent autonomes qui agissaient généralement aléatoirement, mais en obéissant à des logiques. Ainsi, il y avait bien une équipe de météorologues dans chaque secteur qui s'occupait à prévoir ce que le climat deviendrait. La mer ne faisait pas exception, son climat, son comportement quotidien n'était pas dicté. Celui-ci avait un écosystème assez riche et équilibré ; c'était un autre exploit qu'avaient atteint les biologistes et géologues qui avaient participé à la création de la cité, un nombre incertains d'années plus tôt...

Ce lieu n'était pas particulièrement plus un lieu de vacances que la petite montagne du dôme opposé, mais Éloïse avait eue envie de le faire découvrir un peu plus d'eau.


Les jumelles découvrirent donc la mer de la ville. Elles passèrent plusieurs jours au soleil à jouer entre le sable, les cailloux et l'eau. Éloïse se reposait sur la plage le plus souvent, pendant qu’Elyne et Prume diversifiaient leurs activités, du château de sable à la pèche. C'était leurs premières vacances, et leur bonheur manifeste comblait leur mère. Plus que dans un simple instant présent, Éloïse se sentait sereine, prise d'un bonheur qui s'étendait sous tout ce qu'elle percevait. C'était sa félicité. Elle avait tout ce qu'elle voulait, tout ce qu'il lui fallait, et elle jouissait du bonheur qui lui convenait à merveille. Ses filles jouaient, riaient, et bronzaient.


Éloïse étant loin d'être égoïste, plus particulièrement envers ses filles, n'oubliait pas pour autant que Prume était toujours sous médication stricte. Si elle avait un bonheur présent, elle n'oubliait pas son travail de mère. La maladie qui s'esquissait n'avait rien de réjouissant, et elle ne pouvait pas se permettre de la prendre à la légère ; ou Prume en souffrirait. Il n'était pas question qu'elle ne souffre plus que nécessaire, plus que ce qui était raisonnable et conciliable avec son état réel. L'enfant sage continuait de prendre son traitement lourd, sans que sa mère n'ait même besoin de vérifier. Son avenir, elle ne l'imaginait pas, mais comme sa mère, savait profiter du présent.


Prume avait beau eu faire exactement ce que le médecin lui avait dit, un nouvel incident survint. Elle n'y pouvait rien.


Était-ce dû à la chaleur excessive du soleil, ou bien à des éléments marins ? Les sœurs ne le surent pas, mais quelque chose contraignit soudainement Prume à suffoquer quelques instants, avant de se laisser s'affaisser dans le sable, inanimée.

Elyne eût tôt fait d'appeler l'entourage voisin à s'en soucier par quelques cris retentissants. Éloïse avait accoure et commençait à appeler sa fille comme pour la réveiller, mais fut renversée par le surveillant qui vérifia avec professionnalisme la respiration et le pouls de l'enfant. En se relevant, énervée, la mère voyait ce qui semblait être de la surprise sur son visage en découvrant les résultats. L'homme ne s'excusa pas, il passa un appel d'urgence. À sa demande, Elyne lui confirma que sa sœur n'avait pas reçu de coup ou de choc. Le surveillant ne sentait aucune lésion dans la colonne vertébrale ou sur la tête. Les pieds de Prume ne présentaient aucune trace de morsure, piqûre ou coupure ; excluant donc les origines animales pour les causes de ce malaise. Il allongea finalement Prume sur le côté droit, pour s'assurer qu'elle continue de respirer ; le temps que l'ambulance n'arrive.


Quand Éloïse fut présentée, il leur conseilla de ne pas trop la secouer quand elle reprendrait connaissance. Il n'était pas médecin, mais il leur expliqua penser que la petite fille était juste évanouie à cause de la chaleur. Ce qu'il pensait réellement, c'est que Prume devait souffrir d'autre chose ; à cause de quelques détails dérangeants. Elle transpirait trop peu, elle n'avait pas l'air d'avoir de température et son bronzage ne semblait pas être fait de brûlures. Le pouls de l'enfant était faible et extrêmement lent ; sa respiration avait les mêmes attributs, mais comme la température était normale, ce n'était pas une hypothermie. Il n'en savait pas plus ; il ne pouvait rien en conclure.


Le surveillant était encore à s'efforcer de rassurer la mère et la sœur quand l'ambulance arriva. L'un des brancardiers était celui qui avait dit à Elyne qu'elle pouvait les suivre, quand Prume avait été emmenée pour la première fois à l'hôpital. Celui-ci reconnu les enfants. Prume n'avait guère changée, et Elyne portait des signes distinctifs uniques, pour ne pas dire inoubliables. Il ne lui dit rien, mais fit un signe à Elyne, lui faisant comprendre qu'elle pouvait venir. Elyne ne le reconnaissait pas mais comprit qu'elle pouvait accompagner sa sœur et sauta dans le véhicule. Éloïse rejoindrait l'hôpital dès que possible. Elle rangea leurs affaires vite et mal ; avant de se précipiter à l'hôpital dans l'heure.


Elle courait jusqu'à la chambre. Le médecin officiel de Prume était en chemin pour voir sa patiente. Un autre avait commencé à s'occuper d'elle en l'attendant, l'installant dans une chambre banale. Les appareils rapidement reliés à elle donnèrent des illustrations de signes vitaux en bon état, mais ralentis. Le médecin ne s'interrogea pas longtemps ; Prume était dans le coma.

Il la transféra dans une chambre prévu à cet effet et alla consulter ensuite son dossier médical sur un ordinateur. Il ne put s'empêcher de souffler quelques mots peux optimistes en lisant le dossier de Prume ; ce qu’Elyne n'apprécia pas.


Elyne alla s'asseoir à côté de sa sœur et ne la quittait pas du regard, profondément inquiète. Elle lui parlait un peu, ignorant si elle pouvait entendre... Le médecin de Prume arriva juste après Éloïse et retrouva donc la famille, avec le médecin qui s'était chargé de Prume, à son chevet.

Éloïse eut beaucoup de mal à se calmer et être rassurée. Elle était angoissée, presque paniquée, et elle commençait à s'énerver contre ces deux hommes. Les deux médecins firent tout leur possible dans un concert très unis pour calmer ses angoisses concernant la fillette.


Un coma à cinq ans avait de quoi être inquiétant, mais ils ne lui avouèrent pas ce point de la condition médicale de Prume. Ils devaient d'abord calmer la mère clairement nerveuse et inquiète ; ils insistèrent donc sur les signes vitaux en bon état, les absences de sang ou blessures. Ils lui préparèrent de manière improvisée un scénario, plus destiné à la calmer qu'à lui faire comprendre la réalité. Cette histoire était simple ; Prume commençait probablement une croissance normale, et le réglage de son organisme était démesurément fatiguant. Elle était donc entrée dans une phase de repos très profond pour mieux y parvenir. Les médecins n'étaient pas dupes et étaient convaincus de l'absurdité de leur histoire. Ils avaient d'ailleurs raison. Ces inventions leur avait au moins évités de devoir mettre Éloïse sous suivi psycho-médical pour l'instant.

La mère qui n'avait pas vraiment écouté l'histoire s'était détendue, plus à l'entente d'un ton qui se voulait rassurant du coup ; mais principalement parce qu'elle avait pu garder les mains de ses filles entre les siennes. Éloïse s'assit et prit Elyne sur ses genoux, finalement calmée. Elle ne faisait plus attention aux deux hommes.


Les médecins, soulagés purent commencer à réfléchir sur le cas de Prume. Ils décidèrent de ne pas procéder à un réveil forcé, ou du moins une tentative de réveil, tant qu'elle présentait un état stable. Le corps n'ayant pas à lutter contre des agressions extérieures, elle se réveillerait probablement vite.

Le médecin de Prume décida de revoir le traitement pharmaceutique, le jugeant comme cause probable du coma. La médication qu'il avait ordonnée pour Prume était affreusement lourde, et le corps avait probablement atteint une limite. Il allait faire vérifier comment l'organisme avait géré ces produits du traitement. L'autre médecin finit par repartir, il avait du travail ailleurs. Celui-ci éprouva un sentiment étrange en voyant cette femme et cette enfant au chevet d'une autre fillette. Il se sentait mal à l'aise devant cette image presque immobile. Sur le pas de la porte, Il leur dit que Prume pouvait se réveiller n'importe quand ; aussi bien le lendemain que le mois suivant. Pour les comas de ce genre, il était très difficile de déterminer la durée d'inconscience. Il leur abandonna un au revoir et quelques formules de politesse banales, puis s'en alla, sans regarder derrière lui en refermant la porte.


Éloïse et Elyne parlèrent peu, et attendirent jusqu'à ce que la nuit n'enveloppât la ville auprès du lit de Prume. Des questions banales de la part d'Elyne entrainèrent des réponses tout aussi simples et désolées de sa mère. Elle ne savait pas. Elle aussi avait peur pour Prume.

Résignées à une attente de durée imprévisible, elles rentrèrent, douloureusement une fois encore. La douleur leur serrait le ventre de la même façon sur le trajet du retour. Et Prume dormait cette nuit-là dans une chambre sombre, bercée par les légères intonations de quelques appareils à ses côtés. Le lendemain, Prume fut transportée à l'hôpital de leur dôme. Elyne et Éloïse commençaient déjà à se languir de Prume, elle leur manquait. Elles craignaient de la perdre, elles le craignaient tellement.


~~~



Un autre jour passa. Un autre encore s'enfuyait.

La mère et la sœur allaient la voir au moins une fois par jour, le manque étant trop important, même la vue de l'endormie ou un bref contact était déjà un certain soulagement. Le temps semblait avoir commencé une boucle qu'il répétait sans la changer ; les jours passant, pareils à eux même sans que la moindre modification ne semble s'opérer. Elles gardaient leurs cœurs aux côtés de Prume, et leurs notions de temps s'en retrouvaient troublées. Les vacances prirent fin sans qu'elles ne puissent dire qu’elles fussent courtes ou longues ; elles n'en savaient rien.


Elyne était brusquement assagie, et cessait de courir partout et faire des bêtises aventureuses. Mais elle comme sa mère étaient bien consciente que ce changement de caractère n'était pas un gain de maturité, mais le résultat d'un poids douloureux qu'elle ne fuyait pas. Elle ne se plaignait pas beaucoup, trop peu, mais sa sœur lui manquait à en pleurer. Quatre jours avaient été durs, mais elles avaient pu se parler... Elle n'avait là plus que la vue et le toucher, Prume ne parlait plus, et c'était trop dur à vivre. Éloïse faisait son possible pour soutenir Elyne, mais elle aussi subissait ce même manque. Elle comprenait bien ce qu’Elyne subissait, mais c'était à elle de l'encourager ; encourager Elyne...


Elyne entra dans sa dernière année de maternelle, maussade, tiraillée par une absence de celle qu'elle aimait, un vide trop grand qui devenait déroutant. Prume était autrement plus loin que dans une autre classe.


Elle ne s'intéressa plus vraiment aux jeux de classe pendant plusieurs mois... Car le coma de Prume durait depuis plusieurs mois... Rien ne semblait avoir changé chez Prume, si ce n'est qu'elle avait un peu grandie. Elyne avait du mal à supporter l'absence de sa sœur qui se prolongeait chaque soir dans une chambre vidée.

Éloïse le supportait encore moins mais le cachait un peu. Il lui était difficile de considérer ses filles indépendamment l'une de l'autre, avec une part du monde qui flanchait, le reste suivait naturellement ; il n'y avait pas d'indépendance entre les parties. C'était une évidence, l'indépendance n'existait pas. Hélas, l'accepter ne changeait rien à leur impuissance manifeste. Qu'auraient elles bien put faire pour la petite sœur ? Elles souffrirent de leur patience, elles l'attendaient.


Prume continua son coma pendant un peu plus de six mois. Elyne avait du célébrer leur sixième anniversaire avec tous leurs jeunes amis à l'école, mais n'avait rien voulue faire chez elles. Cela n'aurait eu aucun sens pour elle. Elyne et sa mère allaient quotidiennement voir Prume dans sa chambre de l'hôpital ; chambre qui se transformait petit à petit en chambre d'enfant, au grand malheur des agents d'entretien. Elyne avait tendance à laisser traîner un peu partout des affaires pour sa sœur. Éloïse, elle, regardait surtout Prume dormir, l'accompagnait en lui tenant la main ; lui parlait. Ce qu’Elyne faisait était puéril, mais l'enfant n'avait rien trouvée d'autre à bâtir sur ce qu'elle avait.


Un jour d'hiver, le huit février dix-sept, elles ne trouvèrent pas Prume dans son lit, ni même dans la chambre. Un infirmier appelé à leurs secours les emmena dans une salle de sports. Plus que la panique, l'excitation les emportait. Une excitation indescriptible, envahissante à en pleurer et tomber sans forces. Elles étaient trop impatientes pour se laisser paralyser, elles continuèrent d'avancer tout en tremblant. Elyne courut vers la salle indiquée. Éloïse arriva à la porte après elle, et s'arrêta a son coté à l'intérieur. Elle inspira une voyelle sous l'émotion.


Elles trouvèrent Prume là, en train de marcher avec des petites béquilles, l'air un peu ailleurs. Sous les directives d'un infirmier, elle faisait travailler des muscles atrophiés par l'inactivité. Elle était sans plus d'entrain que quand elle était emprisonnée dans la chambre stérile.

Quand Elyne lui fit un signe, Prume s'anima. Elle en lâcha ses béquilles et rejoignit sa sœur en boitant douloureusement, mais en lui adressant un magnifique sourire. Les deux sœurs se serrèrent l'une contre l'autre sous le regard presque jaloux de leur mère. Éloïse était tellement contente de la retrouver !


Prume avait l'air d'aller bien. Éloïse ne se fit pas prier pour la prendre dans ses bras, et l'y garder longuement. Prume était heureuse de retrouver sa famille elle aussi, même si elle n'avait pas encore l'idée claire du temps qui s'était écoulé. Contrairement à Elyne, elle n'aurait pas grand-chose à raconter de ce temps passé... Mais elle se sentait nettement mieux quand elles étaient toutes ensembles.

L'infirmier qui avait regardé Prume s'éloigner ne voulut pas les déranger. Il s'en alla dire quelques mots au médecin qui suivait l'enfant... Prume avait réussie à marcher, dès le premier jour, pour ainsi dire sans rééducation, et c'était bien après six mois d'inactivité. Il fut incrédule. Pourtant, Prume s'était déjà assise seule quand l’infirmier l'avait découverte... Il l’avait aidée à se lever, tenir debout et déambuler, mais Prume avait récupérée à une vitesse extrêmement impressionnante.


Le médecin alla voir la famille qui s'était assise sur un banc de la salle de sport. Prume était bien là, souriante. Il les dérangea pour l'examiner brièvement. Il vérifia la réactivité des pupilles, lui fit tourner la tête, répondre à quelques questions. L'infirmier lui avait posé les mêmes avant de l'emmener à la rééducation... Il ne sut pas quoi penser de ce qu'il découvrait... Il se rappela vaguement avoir dit que des fois, en médecine, on voyait des patients survivre à des choses auxquelles ils n'auraient pas crus. Des aberrations chanceuses existaient, il les appelait les miracles... La famille attendait son approbation en souriant.

Il passa deux longuissimes secondes à tout envisager... L'homme donna son accord. Les fillettes crièrent leur joie. Prume rentrait le jour même.


Elyne soutenait sa sœur pour marcher, mais elle récupérait vite. Une fois rentrées, les retrouvailles furent dignement fêtées. Cet évènement avait une importance supérieure à l'anniversaire raté, très largement. Le soir, les fillettes, qui dormiraient dans la même chambre allaient évidement discuter longuement. Elyne était ravie ; et elle avait de nombreuses aventures à raconter à sa sœur. Elles bavardèrent ainsi durant tout la nuit ; de ce qu’Elyne avait vécue, de ce que Prume aurait aimée...

Leurs interminables bavardages finirent par se porter sur les rêves. Elyne avait encore de quoi discuter, mais comme Prume avait là quelque chose à raconter, elles parlèrent plutôt de ça.


Prume avait un seul rêve en souvenir de ce long coma. Ce n'était pas l'ange à la longue robe blanche cette fois, c'était une autre ange... Elle ne se rappelait pas exactement ce qui arrivait dans son rêve ; mais elle se souvenait de cette fille qui ressemblait à la précédente. Son visage flou ressemblait beaucoup à celui de l'ange rencontrée autrefois. Ses cheveux étaient longs, formant des grosses mèches, il y avait quelque chose d'abondant. Ses vêtements n'étaient pas blancs, et elle portait une grande cape très épaisse. Prume ne se souvenait pour ainsi dire que de ça, ce détail l'avait marquée, la cape.

Elle aussi avait prononcé quelques mots étranges, mais elle ne parvenait pas à les retrouver. Ce n'était que des sons qui ne lui avaient rien évoquée, elle ne s'en souvenait donc qu'encore moins.


Les deux filles étaient encore jeunes, elles ne parvenaient pas à trouver le sens de tout ça. Il n'y avait sans doute pas de sens plus important qu'un songe ne peut en avoir, dans ces deux rêves que Prume avait eu, donc aucune raison d'y réfléchir plus qu’elles ne l’avaient déjà fait. Mais les enfants voulaient des réponses... Elles voulaient suivre ces petits nuages blancs... Sans doute comme d'autres, ailleurs, elles voulaient trouver un sens réel à ce qui semblait n'avoir qu'une emprise très subjective sur la réalité qu'elles connaissaient. Elles étaient simplement curieuses, et quelque chose là, dans deux rêves avait excité cette curiosité innocente.

Qu'elles fussent plausibles, vraies ou inventées, cela n'était probablement finalement qu'un détail sans importance... Cette différence ferait varier ce qu'elles pourraient, ou non, trouver comme réponses ; mais au final, était-ce la réalité qui était le plus important ? Ou simplement la curiosité ? Elles auraient fait feu de tout bois... Mais ce bois-là, ces êtres vus en rêve que leur mère appelait anges, leur réelle nature, était-elle insignifiante ? Ou bien l'infime possibilité qu'autre chose, quelque chose de lointain et transparent, quelque chose d'inexistant et imperceptible ait changé quelque chose de concret ; cette probabilité à la limite du surréel se serait-elle au final réalisée ?

Les sœurs finirent par s'endormir. Les réponses viendraient le lendemain.


~~~



Prume se surprit à revoir ce deuxième ange cette nuit-là. Les cheveux en grosses mèches lourdes qui contrastaient avec ce visage presque gommé. Si Prume ne se rappelait pas de la couleur des cheveux discrets de la première, celle-là les avait d'une couleur chatoyante et brillante sur une telle surface que cette chevelure se remarquait avant tout le reste.


Elles étaient face à face, Prume ne parvenait pas à voir le décor, elle ne voyait pas les environs, elle ne les distinguait pas dans ce flou constant. L'ange semblait avoir la taille d’Éloïse tout au plus et elle avait une grande cape brune très épaisse qui se fixait sur ses vêtements verts ou gris dans un mélange, qui semblait anarchique, de tissus, au niveau du bas du cou. Le cou semblait comporter une anomalie, mais elle ne parvenait pas à réaliser ce que c'était.

Elle semblait porter de nombreuses couches de tissus fins sur le corps. Ils descendaient sous la taille en lambeaux déchirés, laissant apercevoir les couches en dessous, comme si elle portait au moins une dizaine de T-shirts, et que ceux-ci s'usaient sur elle sans qu'elle ne les change jamais. Ce qui liait le corps aux jambes n'était pas distinct, Prume ne voyait plus que les chaussures remontant aux genoux plus bas. Elle les voyait peut-être mieux parce que cela lui évoquai les bottes que portait souvent sa mère. Elles constituaient le reste de son hétéroclite tenue.


L'ange se baissait un peu et parlait doucement à Prume. Prume ne comprenait pas, elle n'entendait qu'à peine. Le visage évoquait à Prume de l'inquiétude, et elle répétait ses mots...

Prume commençait à avoir conscience qu'elle était dans un rêve, ce qui signifiait que celui-ci touchait certainement à sa fin. Le réveil était proche où déjà effectif. Le rêve était condamné par la conscience éveillée. L'ange prit doucement le visage de Prume dans ses mains, approchant doucement l'oreille gauche de l'enfant vers sa bouche. L'enfant en question avait la sensation que les mains qui l'entraînaient avec douceur étaient glacées ; mais c'était probablement à cause du froid. L'ange qui serrait maintenant Prume contre elle, lui murmura quelque chose dans le creux de l'oreille. Prume n'entendait pourtant toujours qu'un souffle indistinct et incompréhensible. Sa vue se brouilla un instant, elle eut un vertige. L'ange la retint, elle prenait une grande inspiration que Prume sentit par sa main sur le ventre de celle-ci. Prume ouvrit grand les yeux en comprenant ce qu'elle allait faire. L'ange hurla à l'oreille de Prume de toutes ses forces. Ressentant l'effet d'une explosion gigantesque, Prume se réveilla soudainement, s'asseyant sur son lit. Elle avala sa salive difficilement, puis prononça amèrement un petit mot.


Pru- Dial ?

Prume était en sueur. Elle découvrit par la fenêtre que le jour était déjà bien installé. Elyne qui était déjà réveillée depuis sans doute longtemps jouait à côté en silence, mais en voyant sa sœur ainsi s'était arrêtée et approchée. Elyne lui demanda innocemment.

Ely- Tu dois appeler quelqu'un ?

Sa sœur ayant un visage étonné, Elyne expliqua.

Ely- Je crois que ça veut dire appeler en anglais, dial.

Éloïse était entrée en entendant la conversation, apportant un petit déjeuner à ses filles.

Élo- Si tu mets un nom après oui, sinon c'est un cadran de téléphone... Que s'est-il passé mes chéries ?

Prume avait l'air un peu malade, un peu pâle. Elle ne pensait pas que c'était cela. C'était différent, c'était quelque chose de plus important.

Pru- ça ne peut pas être autre chose maman ?

Élo- Je ne crois pas non, mais pourquoi ?

Pru- L'ange est revenue, pas celle à la robe blanche, une autre avec un grand manteau bizarre.

Élo- Comment ça ?

Prume prit son drap comme une cape pour lui montrer. Éloïse fut surprise de voir ça.

Élo- Une cape ? C'est bizarre ça oui...

Pru- Elle me parlait mais comme je n’entendais pas, elle a crié et ça m'a réveillée.

Élo- Elle a donc crié Dial ?

Prume secoua la tête.

Pru- Non, elle a crié longtemps mais j'ai retenu que ça.

Éloïse était surtout intriguée par la cape ; ce genre de vêtement n'existait plus que dans les livres, films et jeux anciens. Le mot anglais était sans importance pour elle à côté. Pendant qu'elle y réfléchissait, Prume prit une attitude timide.

Pru- Maman ?

Élo- Oui Prume ?

Pru- Tu pourrais me faire une cape ?

Élo- ...Euh, oui...De quelle couleur ?

Pru- Elle était marron je crois.

Élo- Hum. D'accord. N'oublie pas de manger, je dois aller faire quelques commissions ; je reviens dans pas longtemps.

Ely/Pru- À tout à l'heure maman !

Élo- À tout à l'heure mes jolies !


Éloïse partit faire quelques achats, ravie du retour de Prume après si longtemps. Elle avait attendue pendant si longtemps, avant de pouvoir revoir ses filles sourire ensembles...


Prume et Elyne prirent leur petit déjeuner et allèrent jouer au salon. La famille était reconstituée, pour le plus grand bonheur de ses membres.


Elyne était à cette époque en dernière année de maternelle. Hélas, Prume n'avait été inscrite nul part à cause de son état ; et Éloïse allait avoir du mal à l'inscrire dans une classe correctement si elle avait manqué un semestre entier. Elle avait manqué un peu plus pour des raisons de santé ; mais à moins de retourner en maternelle, Prume n'allait pas avoir de classe pour la fin de cette année. Éloïse qui ne souhaitait évidemment pas la laisser seule parvint à trouver une autre solution sur conseil de ses proches. Un étudiant qui, moyennant salaire, s'occuperait de Prume et ferrai office de professeur particulier. Celui-là serait en plus l'avantage pour Prume de pouvoir apprendre à son rythme. Éloïse trouva en suivant cette idée un jeune homme près à le faire. Il semblait doux et sérieux ; Éloïse l'engagea le jour même.


Les courtes vacances improvisées pour le retour de Prume se terminèrent le lendemain matin un peu abruptement. Éloïse et Elyne partirent pour l'école, laissant Prume un peu triste avec son nouveau professeur. Le jeune homme aux cheveux châtains presque blonds, c’était le détail qui la marquait le plus, s'installa avec Prume au salon pour commencer un cours.

Éloïse l'avait informé de la santé de Prume, elle lui avait laissé quelques instructions pour les cas d'urgences. Louis était prévenu et intelligent, il saurait être attentionné.


Il commença par faire avec Prume leur propre présentation. Il s'appelait donc Louis Gottshalk. Il allait avoir vingt ans le vingt-deux de ce mois. Il aimait bien les jeux demandant de la stratégie, lire et manger ; bien qu'il fût assez mince, il mangeait beaucoup. Il n'aimait pas les sports en général, et il ne l'avoua pas à une fillette encore probablement rêveuse, mais il n'aimait pas ce qui était fantastique ou irrationnel.

À son tour, Prume se présenta. Elle était donc Prume Gains, six ans. Elle aimait bien regarder sa sœur faire des bêtises et jouer avec elle et sa mère. Elle n'aimait pas être séparée de sa sœur...

Louis comprit mieux le caractère de l'enfant. Prume n'avait pas encore vraiment vécue ailleurs qu'auprès de sa mère ou sa sœur. Elle était immature, et était fortement fragilisée par la solitude. Elle n'avait rien dit d'autre sur ce qu'elle pouvait aimer ou ne pas aimer, il devait donc faire attention à ne pas blesser cet aspect d'elle encore trop jeune. Il s'arrangea donc du mieux qu'il put pour que Prume ne vît pas le temps passer.

Prume qui savait déjà écrire assez correctement pouvait commencer à apprendre de la grammaire ces jours-là. Louis lui faisait des leçons compréhensibles et lui trouvait des exercices à la difficulté judicieusement dosée.


Cela faisait déjà plusieurs semaines que Prume suivait ce tutorat quand un nouvel événement à l'importance incertaine arriva.

A mi-journée, Louis leur prépara à manger pour tous les deux. Prume n'avait jamais vu personne d'autre que sa mère dans la cuisine, et même si cela faisait déjà quelques temps qu'elle connaissait Louis, elle continuait de l'observait avec curiosité dans chacun de ses actes. Cela ne le dérangeait pas. Elle s'amusait ensuite généralement beaucoup des quantités qu'il parvenait à manger avec son appétit hors du commun. Prume riait.


Une fois bien rassasiés et un peu reposés, ils reprirent le travail. Louis feignit de lui donner quelque chose d'anodin à faire. Il avait apporté un livre qu'il comptait lui faire lire petit à petit sur plusieurs semaines. Il lui donna en lui demandant innocemment de le lire. Il voulait évaluer ses capacités pour une lecture de texte ; le but à terme étant qu'elle sache lire vite, tout en retenant les informations les plus importantes.

Prume s'exécuta sagement et commença la lecture du roman. Louis n'eut plus qu'a attendre comme il put qu'elle finisse le livre, sans oublier de mesurer le temps qu'elle mettrait. Avec un grand sérieux, admirable pour son âge, elle passa deux heures entières à lire ce qui lui avait été demandé. Elle ne se déconcentrait pas un instant.


Comme à son habitude involontaire, Prume offrit à ce test là aussi un résultat aberrant. Elle lisait les deux pages d'un livre de poche ouvert en moins d'une minute, sans rater d'informations importantes. Certains détails lui échappaient complètement, mais la globalité était excellente. Deux heures s'écoulèrent, avec le bruit des pages tournées, presque aussi régulier qu'un métronome. Prume referma finalement le livre. Louis arrêta alors le chronomètre de sa montre.


Lou- Deux heures, sept minutes. Tu as mis eux heures pour lire ce livre d’un peu plus de deux cent pages.

Pru- C'est pas bien ?

Lou- Non, c'est très bien. Tu à tout compris de l'histoire ?

Pru- Hum, je crois.

Lou-Racontes-moi.


Prume lui fit un résumé correct, dans l'ensemble elle avait compris et retenu. Elle n'avait apparemment pas compris certains passages comme elle aurait dû, ils n'étaient cependant pas tous faciles, et Louis avait pris ce livre pour cela. Ils travaillèrent donc dessus un peu.

Prume avait cependant été particulièrement fatiguée par sa lecture, et elle commençait à avoir des vertiges. Louis l'aida à aller s'allonger sur son lit et la laissa se reposer jusqu'au retour de sa mère.


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